Les candidats de gauche (principalement du Parti Socialiste) qui au second tour des législatives 2007 ont tapé à bras raccourci sur les mesures annoncées par le gouvernement Sarkozy concernant la mise en œuvre d’une TVA anti délocalisation ou sur la mise en œuvre d’une franchise santé destinée à encadrer l’accès aux soins, le tout dans le seul but de justifier la nécessité d’une résistance dans les urnes du second tour à une déferlante de droite à l’Assemblée Nationale pour contenir les ardeurs néo conservatrices du nouveau Président de la République, se trompent de combat.
Les électrices et les électeurs (souvent issus des milieux populaires) qui ont fait massivement le choix de porter leurs suffrages sur la droite, ne sont ni des aveugles, ni des inconscients. Leur vote des 6 mai et 10 juin 2007, ne vaut pas adhésion à la régression sociale qui s’annonce.
Au grand dam des clercs de gauche si prompt à vilipender le peuple quand ce dernier se détourne de ses candidats, force est de constater que le peuple sait lire et qu’il comprend clairement les enjeux qui lui sont proposés.
Ce que ne comprennent pas les grands clercs de gauche, c’est cette évidence toute simple qui fait que les milieux populaires ont choisi la droite parce qu’ils ne veulent plus de la gauche telle qu’elle est, telle qu’elle se présente à eux, son discours, son projet et ses pratiques.
Et si par effraction le gauche devait l’emporter aux municipales et aux cantonales 2008, voire aux Régionales suivantes, l’effet de rééquilibrage ne vaudrait pas pour autant rejet de la droite et retour en grâce de la gauche.
Il s’agirait simplement alors d’un coup de semonce porté à la droite pour que celle-ci n’oublie pas dans la durée qui l’a faite Roi de France et qui lui a confié les clés du pouvoir absolu.
La gauche, non plus ne devrait pas s’aveugler des cortèges de manifestants qui pourraient à tel ou tel autre moment de la mandature 2007 – 2012 déferler à nouveau dans les rues de nos villes. Qu’elle se souvienne simplement de ce qu’il est advenu des manifestations monstres qui ont paralysé le pays en 1995, 2003, 2005 et 2006. Si à chaque fois, la droite a vacillé un court instant, elle n’a pour autant cédée aucun pouce de terrain, et la gauche qui s’était prise à rêver d’un retour au pouvoir s’est à chaque fois retrouvée en lambeaux.
Les milieux populaires ne veulent plus de l’assistanat, comme ils ne veulent plus de l’immigration (qu’elle soit clandestine ou pas), de l’insécurité, de l’absence de civisme, de l’abandon des valeurs traditionnelles de la société française et de la nation, de la repentance systématique, de la prééminence du droit sur les devoirs, du respect absolu du coupable au détriment de sa victime, du partage du travail synonyme de partage de la misère, des vieilles lunes de la gauche pudiquement recouvertes du voile des valeurs de solidarité, d’égalité et de fraternité.
En bref, les milieux populaires, jugés conservateurs (dans la pire acceptation du terme) par les grands clercs de gauche, ne veulent plus d’un progressisme qui les rejette par-dessus bord au profit d’un nouveau et improbable prolétariat imaginaire avec en prime l’affichage permanent d’une bonne conscience portée très haut et à tout bout de champ avec pour têtes de chapitres (en les galvaudant), la solidarité, l’égalité et la fraternité, ô combien valeurs essentielles s’il en est, de notre vieille République.
Tant que la gauche, au-delà de ses composantes traditionnelles et partisanes, n’aura pas pris clairement la mesure de ce phénomène, le lien de la gauche avec le peuple ne pourra plus jamais être renoué, et les victoires électorales majeures ne seront plus jamais au rendez-vous.
Au soir de son élection présidentielle du 10 mai 1981, François MITERRAND avait conseillé à ses proches de profiter pleinement de l’instant parce qu’ils n’auraient sans doute jamais plus l’occasion d’en vivre un de pareille intensité.
François MITTERRAND pensait que la France était un pays ancré à droite sur la longue période mais qu’il pouvait à intervalle de temps historique plus ou moins long se jeter brutalement dans les bras de la gauche ; 1981 en étant la parfaite illustration bien après 1936 et la victoire de Léon BLUM.
Nous sommes sans doute quelques uns qui ne partageons pas ce point de vue réducteur. Nous ne considérons pas que la gauche et le peuple soient deux réalités en parfaite opposition permanente.
Nous pensons que la gauche ne rencontre pas souvent le peuple parce que la gauche refuse d’entendre le peuple pour lui dicter ensuite ce qu’il est raisonnable - et vu de gauche – de faire et de penser.
La réalité vue de gauche n’est pas la réalité. Elle n’est au contraire qu’une vue de la gauche sur la réalité. Ce qui n’est pas la même chose.
Et tant que ce magistère prévaudra à gauche au nom du peuple, alors la gauche sera tenue constamment à distance du pouvoir par la volonté souveraine de ce même peuple qu’elle prétend incarner et qui n’a de leçon à recevoir de personne et certainement pas de la gauche des grands clercs qui prétendent parler et penser en son nom.
Les manœuvres d’appareils visant à rebondir d’élections perdues en élections gagnées (ou perdues à nouveau), notamment autour du Parti Socialiste et de ses querelles séculaires pour exercer le leadership sur la gauche, ne sont pas et ne sont plus de nature à répondre à l’enjeu des années qui viennent. Le cycle ouvert au Congrès d’EPINAY en 1971 s’est refermé, comme s’est du reste refermée la parenthèse de la gauche plurielle de 1997 à 2002. Seule une véritable refondation du lien entre le peuple et la gauche fait sens aujourd’hui. Et rien d’autre ! Cette refondation de la gauche passe nécessairement par une marginalisation à marche forcée de l’extrême gauche et du même coup par une marginalisation conjointe des formations qui portent en elles des valeurs exclusivement sociétales, coupées de la réalité et du vécu du peuple dont elles prétendent faire le bonheur malgré lui.
Aujourd’hui, la gauche doit prendre le temps nécessaire pour repenser son lien avec le peuple d’abord sur un plan idéologique –incluant une grille de lecture concrète de la société et de ses aspirations profondes- ensuite sur un plan organisationnel dépassant les structures partisanes existantes sans céder pour autant à la tentation d’un parti unique réducteur des sensibilités existantes ou d’un parti constitué en courants, dont on sait par avance qu’il sera facteur de divisions à venir et de décalages progressifs avec le peuple et ses aspirations.
La tâche est donc immense. Mais ne pas s’y résoudre au prétexte d’une prochaine alternance par défaut (se dire par exemple que le mécontentement finira bien par monter un jour des profondeurs du peuple pour ensuite se traduire dans les urnes par un soutien massif aux candidats estampillés à gauche) serait la faute majeure d’une gauche définitivement coupée du réel, de la société qu’elle prétend servir et du peuple qu’elle entend protéger.