Début mai, en officialisant sa décision d'abandonner son mandat de maire de Vénissieux, André Gerin (PCF) avait fredonné « Souvenirs, souvenirs ». Hier soir, au conseil municipal, le premier magistrat a enchaîné en « jouant » la dernière séance.

Voilà vingt-quatre ans que l'homme fort de la troisième ville du département (57 000 habitants) présidait une assemblée communale où il continuera de siéger en tant que « simple » conseiller jusqu'en 2014. C'est le 27 juin que son adjointe, Michèle Picard (PCF), 42 ans, prendra officiellement le relais.

S'il demeure député de la 14e circonscription du Rhône pour au moins encore trois ans, André Gerin, figure politique atypique de l'agglomération, tourne, à 63 ans, une page majeure de sa vie publique.

Laquelle a basculé en 1985. Suite au décès de Marcel Houël, c'est en effet le salarié de Berliet-RVI, ouvrier à la chaîne à 17 ans devenu à force de cours du soir dessinateur industriel, qui est propulsé par le PCF à la tête de Vénissieux, en lieu et place du premier adjoint Guy Fischer.

« Oui, plaisante André Gerin, j'étais le candidat de l'appareil… de l'appareil productif. »

Ne pouvant s'appuyer que sur une expérience limitée d'élu, le nouveau maire « flotte » initialement dans un costume trop large pour lui. Mais ce bosseur opiniâtre s'attelle à une tâche qui n'a rien d'une sinécure. Après les émeutes de 1981 et 1983, le bastion communiste vénissian est en effet devenu un des symboles des maux des banlieues. La ZUP des Minguettes, ville dans la ville avec plus de 30 000 habitants, se craquelle. C'est le temps des démolitions tandis que le Front national taille des croupières au PCF pour atteindre près de 30 % aux municipales de 1995. Voyant fuir une partie de son électorat, André Gerin rompt alors de manière spectaculaire avec « l'angélisme de la gauche » en matière de sécurité : « Il faut appeler un chat, un chat. » Depuis lors, il n'a de cesse de stigmatiser les ravages de l'économie souterraine, la montée de l'intégrisme dans les quartiers populaires et l'impéritie de l'Etat en la matière. « Discours démagogues, sécuritaires, incantatoires », raillent ses détracteurs. L'intéressé n'en a cure. Il rappelle : « En 2001, le PCF a perdu une vingtaine de communes de plus de 30 000 habitants sur les questions de sécurité. »

Ignorée par la droite, Vénissieux reste pour sa part solidement ancrée à gauche et se transforme. Dans un plaidoyer pro domo, André Gerin considère : « Il y a toujours un sentiment d'inachevé mais je peux partir la tête haute. Ici, c'est du trois étoiles par rapport à ce qui existe en banlieue parisienne. » Et de citer la médiathèque comme exemple emblématique de cette évolution positive. Il n'occulte pas pour autant les échecs : il s'est ainsi résigné au tramway faute d'avoir obtenu que le métro monte jusqu'aux Minguettes ; le site de « Démocratie » demeure vierge quinze ans après la disparition d'une dizaine de tours ; le Puisoz attend toujours un aménagement digne de ce nom à l'entrée de la ville. Autant de dossiers qui, selon lui, ont pâti des arbitrages rendus à la Communauté urbaine avec laquelle Vénissieux a toujours entretenu des rapports « difficiles ». « La Courly, c'est le Kremlin lyonnais ou mieux une petite commission de Bruxelles, lance André Gerin. Avec une telle machine technocratique, ça ne peut fonctionner. Où est la souveraineté populaire ? Où est le droit commun ? Le Grand Lyon doit se démocratiser pour correspondre aux valeurs fondamentales de la République sociale auxquelles je suis plus que jamais attaché. »