Tandis que les heures s’écoulent, que ses amis se lamentent honteux de cet abandon, que JUDAS se balance au bout de sa corde au dessus de quelques pièces jonchant le sol, JESUS enveloppé d’un suaire repose sur une dalle de pierre glaciale.
Aujourd’hui dans la fureur d’un ciel déchaîné, la peur est entrée dans le coeur des hommes. Nul doute que celui qui est mort sur cette croix, abandonné, humilié, trahis, était bien le fils de DIEU. Nul doute que ses paroles, ses actions, sa vie, étaient dictées par un esprit saint. Pour les disciples ce soir, il ne saurait en être autrement.
Les uns pleurent, les autres prient, il fait nuit dans leur coeur comme il fait nuit dehors. Ils se souviendront de ce jour jusqu’au dernier de leur vie. La peur du supplice leur a fermé les yeux.
- Lui ? Non, on ne le connaît pas ! -
Alors ce soir aucune route ne s’ouvre à eux, aucune clarté, aucune lumière, pas la moindre lueur. Tout, autour d’eux n’est que désordre et désolation. La mort plane sur jérusalem. Chaque goutte de pluie en a le goût. Le moindre souffle de vent est chargé de relents putrides. Les voici exposés à la face des hommes avec pour emblème l’étendard de la honte.
(Tous des lâches) Le remords hélas n’y peut rien changer. Ce qui est accompli ne peut être effacé. Le maître est mort, définitivement mort !
La bas, couché sur sa pierre, le corps de JESUS attend. Quel grand mystère a donc emporté cet homme qu’ils ne pouvaient entrevoir ? Vers quel monde est-il parti ne leur laissant qu’un fardeau d’incompréhension ?
- Tout est consommé ! - C’est donc sur ces paroles que tout s’achève !
Chacun d’eux ignore ce qui se passe à l’abri de la lourde pierre qui obstrue l’entrée du tombeau. Ils ignorent que la prophétie tel qu’elle fut écrite se concrétise.
- Il ressuscitera le troisième jour ! -
Pour lui le temps s’est arrêté. Les minutes les heures où les jours n’ont plus aucune signification. Sous le drap, pas un frémissement, pas le plus imperceptible signe de vie. La mort est victorieuse. Celui qui eut le pouvoir de ressusciter LAZARE n’est plus qu’une enveloppe vide.
C’est du moins ce que pourrait penser quiconque aurait la possibilité de contempler le cadavre car contrairement à l’apparence, les forces en action sous l’impulsion d’une énergie céleste extrême, viennent de franchir le seuil du sanctuaire. Ce soir au ciel il n’y a personne. DIEU est à Jérusalem. Ce qu’il doit accomplir ici va changer la face du monde pour longtemps.
Son souffle envahit l’espace pour venir effleurer la surface du suaire. Un étrange ballet d’étincelles crépite en lucioles fugitives. Un silence sidéral s’impose alors que d’éphémères feux follets parcourent les parois du sépulcre. Au- dehors tandis que les heures s’écoulent, rien ne transparaît.
La physique, les sciences, peuvent passer leur chemin. Ce qui se passe les dépasse. Prêtres ,savants, docteurs, philosophes, ne quittez pas vos demeures, ne cherchez pas à affronter l’événement, vous n’êtes que des hommes, celui qui oeuvre est un DIEU et vous n’y pouvez rien. Vous constaterez bientôt, pour l’heure contentez vous de trembler.
L’énergie considérable contenue dans ce lieu pourrait faire éclater la planète comme une simple noix. Une chaleur intense se répand portant la pierre au rouge. Invisible à l’oeil, la source spirituelle se mêle au physique que la mort
ne veut pas lâcher. Le corps reste toujours inerte. Elle doit pourtant le libérer. Sa place n’est plus ici. Ce cadavre n’en est pas un.
Le souffle divin s’intensifie, pénètre le drap, caresse le visage tuméfié, se répand sur l’ensemble du corps, un imperceptible tressaillement agite l’épiderme. La souffrance se réveille. Des plaies violacées suinte du sang frais. La sueur humidifie le lin qui plaque à la peau. Un tremblement nerveux agite l’ensemble des muscles quand un sifflement strident franchit les tympans.
C’est donc cela la mort ? Cet insupportable supplice ! Le néant lui est de loin préférable. Le corps s’affaisse de nouveau inerte. L’esprit franchit la frontière de l’absence. Ici on est bien. Mais un autre en a décidé autrement. Il faut revenir.
C’est d’abord une douce sensation de flottement, comme porté par les vagues d’océan l’être revient à la raison. Rapidement surgissent d’intolérables douleurs musculaires raidissant le corps comme une statue de marbre. Les mains, les pieds, ne sont plus que souffrance. La fièvre brûle le cerveau. Du centre du tombeau, partant d’un point lumineux, des cercles concentriques s’élargissant en cônes montent vers la voûte. Un ciel lumineux cache la roche.
Comme lors des violents orages, des éclairs d’une intensité inouïe s’en échappent pour venir frapper le linceul. Des flashs violent les paupières closes. Un faisceau lumineux perce le front tandis que le suaire irradie une lumière blanche d’une telle intensité que les traits du visage s’impriment sur le tissu.
Le coeur propulse le sang de la nouvelle alliance à travers le réseau des artères et des veines faisant palpiter les tempes tendues comme une peau de tambour. Une soif intense d’eau, d’air, de vie, maintient ouverte une bouche
aride. La perception du monde extérieur reste encore interdite. Si le corps reprend peu à peu l’aspect humain qui fut le sien, l’esprit lutte farouchement pour retourner au céleste boire encore et encore à la source originelle.
Tout le sépulcre baigne maintenant dans une fulgurante lumière blanche émanant du corps tout entier. L’esprit de DIEU infiltre l’homme, fusionne avec lui. JESUS devient CHRIST. Des effluves de vie se répandent sous le drap. Agressée par des milliards de fourmis la chair n’est que souffrance. Les organes des sens transmettent l’information au cerveau. Chaleur, douleur, soif, fourmillements, s’unissent pour annoncer l’inimaginable. La mort s’enfuit. Elle vient de perdre la partie.
L’air s’engouffre, gonfle les poumons, la sueur coule dans la bouche qui retrouve le goût du sel. Les yeux s’agitent sous les paupières signe d’un retour à l’activité intérieure. L’oeuvre de DIEU est accomplie. L’aveuglante lumière perd peu à peu de sa puissance, semble se condenser, se métamorphose en vapeur fluorescente. Le noir du tombeau se mêle au silence. Un mouvement régulier soulève le suaire. Le dernier acte se joue. Il ne reste plus qu’à reprendre conscience, réaliser, admettre l’inconcevable.