- J'ai hérité d'une entreprise. Vous êtes bien expert-comptable, n'est-ce-pas?"
C'était pourtant inscrit sur ma plaque à l'entrée de l'immeuble : « Stéphane Maruani – Expert-comptable Paris ». Mais qu'importe, Madame X demanda au jeune homme de poser les cartons dont il était encombré et, de son mouchoir, s'épongea délicatement le visage. Je me levai pour la débarrasser de son manteau. J'avoue que quelque chose, dans cette introduction, me paraissait bien triste.
Je m'assis donc, non pas derrière mon bureau, mais à côté de la dame.
- Bien sûr, Madame, je suis expert-comptable et donc assistant de gestion. Pouvez-vous m'indiquer de la part de qui vous venez?"
Qu'importe, répondit la dame, mon avocat s'en doute. Vous êtes jeune, Monsieur Maruani, bien jeune pour avoir de l'expérience, mais je pense que vous allez être sensible à mon histoire, pourtant s simple. J'espère seulement que vous ne me décevrez pas."
Je n'avais rien à répondre, rien, sinon en acquiesçant du chef. J'appris alors que ma nouvelle cliente avait hérité de l'entreprise de feu son époux, que ses enfants se désintéressaient de cette PMI spécialisée dans la mercerie. Une trentaine d'employés, un redressement fiscal et une détresse inscrite dans les rides de la dame.
Une question me brûlait les lèvres :
- Voulez-vous déposer le bilan, Madame?"
Madame X s'indigna, alors, en me lançant :
- Non, Monsieur, je ne veux pas déposer le bilan. Je veux que mon entreprise survive car telle était la volonté de mon époux. Voulez-vous m'aider?"
Rien ne put empêcher - aucune éthique, aucune compassion - mon regard de se glisser vers la dizaine de cartons.
- Je vais vous aider, Madame, mais je ne sais pas encore comment. Il faut d'abord examiner la situation de votre entreprise et voir ce que nous pourrons faire pour ce redressement fiscal."
Ce qui me surprit alors fut ce sourire qui la rajeunissait tant et ce regard, quelques minutes auparavant éteint, si soudainement lumineux.
- Alors, vous êtes désormais mon comptable et mon assistant. Pensez-vous pouvoir me faire servir un chocolat, il fait si froid."
J'avais soudainement froid, moi aussi, et pourquoi ne pas commencer par un chocolat. Curieuse demande, n'est-ce pas, de la part d'une cliente ? C'est pourtant ce qui institua un lien et réduisit considérablement dans mon esprit le nombre de cartons et de dossiers à examiner pour faire un diagnostic qui permette à cette entreprise de continuer et à la dame de tenir une promesse faite à son défunt époux. Je savais que la tâche serait rude. Je ne manquerai de vous en rendre compte sans pour autant trahir le secret professionnel. Pour l'heure, j'étais pressé de m'y mettre. Et c'est elle qui m'empêcha de me saisir du premier carton :
- Buvez d'abord votre chocolat."
C'était pourtant inscrit sur ma plaque à l'entrée de l'immeuble : « Stéphane Maruani – Expert-comptable Paris ». Mais qu'importe, Madame X demanda au jeune homme de poser les cartons dont il était encombré et, de son mouchoir, s'épongea délicatement le visage. Je me levai pour la débarrasser de son manteau. J'avoue que quelque chose, dans cette introduction, me paraissait bien triste.
Je m'assis donc, non pas derrière mon bureau, mais à côté de la dame.
- Bien sûr, Madame, je suis expert-comptable et donc assistant de gestion. Pouvez-vous m'indiquer de la part de qui vous venez?"
Qu'importe, répondit la dame, mon avocat s'en doute. Vous êtes jeune, Monsieur Maruani, bien jeune pour avoir de l'expérience, mais je pense que vous allez être sensible à mon histoire, pourtant s simple. J'espère seulement que vous ne me décevrez pas."
Je n'avais rien à répondre, rien, sinon en acquiesçant du chef. J'appris alors que ma nouvelle cliente avait hérité de l'entreprise de feu son époux, que ses enfants se désintéressaient de cette PMI spécialisée dans la mercerie. Une trentaine d'employés, un redressement fiscal et une détresse inscrite dans les rides de la dame.
Une question me brûlait les lèvres :
- Voulez-vous déposer le bilan, Madame?"
Madame X s'indigna, alors, en me lançant :
- Non, Monsieur, je ne veux pas déposer le bilan. Je veux que mon entreprise survive car telle était la volonté de mon époux. Voulez-vous m'aider?"
Rien ne put empêcher - aucune éthique, aucune compassion - mon regard de se glisser vers la dizaine de cartons.
- Je vais vous aider, Madame, mais je ne sais pas encore comment. Il faut d'abord examiner la situation de votre entreprise et voir ce que nous pourrons faire pour ce redressement fiscal."
Ce qui me surprit alors fut ce sourire qui la rajeunissait tant et ce regard, quelques minutes auparavant éteint, si soudainement lumineux.
- Alors, vous êtes désormais mon comptable et mon assistant. Pensez-vous pouvoir me faire servir un chocolat, il fait si froid."
J'avais soudainement froid, moi aussi, et pourquoi ne pas commencer par un chocolat. Curieuse demande, n'est-ce pas, de la part d'une cliente ? C'est pourtant ce qui institua un lien et réduisit considérablement dans mon esprit le nombre de cartons et de dossiers à examiner pour faire un diagnostic qui permette à cette entreprise de continuer et à la dame de tenir une promesse faite à son défunt époux. Je savais que la tâche serait rude. Je ne manquerai de vous en rendre compte sans pour autant trahir le secret professionnel. Pour l'heure, j'étais pressé de m'y mettre. Et c'est elle qui m'empêcha de me saisir du premier carton :
- Buvez d'abord votre chocolat."