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Agroalimentaire : Seaboard Corporation, enquête sur le géant de la farine africaine


Rédigé le Mercredi 24 Janvier 2018 à 11:29 | Lu 230 fois | 0 commentaire(s)


L’acquisition des actifs meuniers de Mimran pour plus de 300 millions d’euros signe l’arrivée du groupe américain, Seaboard Corporation au Sénégal et en Côte d’Ivoire. L’entreprise familiale, qui cultive la discrétion, va y développer un modèle fondé sur l’intégration verticale avec l’ambition de confirmer son statut de numéro un.


Agroalimentaire : Seaboard Corporation, enquête sur le géant de la farine africaine
Avec le rachat contre un chèque de 317,6 millions d’euros de plusieurs actifs du groupe Mimran, dont les Grands Moulins de Dakar et les Grands Moulins d’Abidjan, par Seaboard Corporation, c’est tout un pan de l’histoire industrielle ouest-africaine qui s’achève. Mais c’est aussi une autre histoire qui se poursuit. Car la compagnie américaine (4,53 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2016), dont le siège se trouve à Kansas City, déjà leader de la meunerie sur les marchés d’Afrique anglophone, s’offre avec cette opération une dimension panafricaine unique dans le secteur. À eux deux (sur trois sites : Dakar, Abidjan et San Pedro), les Grands Moulins (environ 200 millions d’euros de CA) représentent une capacité de production annuelle de près 650 000 tonnes de farine et de 110 000 t d’aliments pour bétail. « Pour une entreprise comme Seaboard, ce n’est pas si important, tempère toutefois un analyste suisse spécialiste du blé. Cela représente entre 10 % et 15 % de leur capacité de production de farine à l’échelle mondiale. Mais la valeur des moulins de Mimran dépasse largement celle des outils industriels. » L’avantage décisif d’une clientèle fidèle L’entrepreneur suisso-israélo-sénégalais Jean-Claude Mimran avait su transformer les moulins érigés par son père en 1954 (Dakar) et 1963 (Abidjan) en des acteurs dominants. « Au Sénégal comme en Côte d’Ivoire, les Grands Moulins représentent encore plus de 40 % de part de marché, rappelle l’analyste. Leur profitabilité est en baisse ces dernières années du fait de la concurrence, mais ils possèdent des avantages décisifs. Ils ont une clientèle fidèle, un réseau de distribution bien en place. Ils sont situés à quai, dans les ports, ce qui réduit les coûts de transport, et ont contracté des accords avec les États pour bénéficier de priorités d’accostage. À Abidjan, par exemple, un bateau peut attendre trois à quatre semaines quand eux attendent deux ou trois jours. Tout cela a un prix. » Car, selon les spécialistes de la meunerie que JA a interrogés, la valeur des usines serait comprise entre 40 millions et 50 millions d’euros. « Les actifs industriels cédés ne sont pas de toute dernière génération. Ce qui est réellement vendu, c’est une part de marché d’un oligopole protégé », résume un connaisseur du marché sénégalais. Avec cette prise stratégique, Seaboard corporation envoie un message clair à la concurrence Malgré tout, cette position préférentielle ne peut expliquer à elle seule la somme déboursée, à laquelle il faut ajouter une prime supplémentaire – jusqu’à 39,5 millions d’euros – indexée sur les résultats futurs des Grands Moulins. Dans l’opération, en sus des minoteries, la multinationale américaine a également acquis Borisniak Corp., une société anonyme de droit panaméen, Eurafrique, une structure de négoce de matières premières agricoles de droit monégasque, et enfin la Société méditerranéenne de transport (Sometra), une entreprise de fret maritime de droit monégasque. Il semblerait donc qu’une ou plusieurs de ces sociétés possèdent des actifs qui justifient une partie importante du montant réglé. Reprendre l’ascendant Avec cette prise stratégique, Seaboard corporation envoie un message clair à la concurrence. « Ces dernières années, ils avaient essuyé quelques revers, rappelle l’analyste suisse. Ils se sont fait souffler la Société générale des moulins du Togo par Castel (via la Somdiaa) en 2014, ont dû fermer un moulin en Angola, et ont marqué le pas dans leur développement au Nigeria et au Ghana. Avec l’acquisition des Grands Moulins, ils reprennent l’ascendant. » Déjà, en juin 2015, Seaboard avait réussi à prendre une participation de 12 % dans Zalar Holding, leader de l’aviculture au Maroc, pour 18 millions d’euros. Un secteur dans lequel la multinationale est présente dans d’autres pays africains et qui lui permet d’utiliser les sous-produits issus de la transformation de son propre blé pour l’alimentation animale. Mais comme le montre le rachat des Grands Moulins, le géant américain cherche avant tout du grain à moudre. « Aujourd’hui, dans le blé, il existe des logiques de volume et de synergie très importantes, surtout en ce qui concerne l’amont de la filière, de la logistique à la minoterie, décrypte un membre d’un cabinet de conseil marocain. C’est cette logique que suit Seaboard. » Principe de discrétion En sautant sur l’occasion juste après l’échec de la tentative de rachat des moulins de Mimran par le marocain Forafric, elle confirme également un trait de caractère. « L’opportunisme fait partie de leur culture, témoigne ainsi l’analyste suisse. Seaboard a construit des usines, par exemple en 2013 en Gambie. Mais son histoire sur le continent se caractérise surtout par de nombreux rachats de minoteries en difficulté, souvent étatiques, qu’elle payait avec les bénéfices des sociétés acquises au Ghana, au Congo ou au Nigeria. » Seaboard est tout sauf une petite coopérative agricole du Midwest « Nous sommes enthousiastes à l’idée de poursuivre nos investissements en Afrique subsaharienne et nous sommes persuadés que cette acquisition s’intégrera parfaitement à notre structure existante », avait sobrement commenté Steven J. Bresky, 64 ans et PDG, lors de la signature du protocole d’accord (MOU) à la mi-septembre 2017. Malgré nos multiples tentatives, la compagnie, fondée en 1918 par Otto Bresky, entrepreneur juif originaire de Boston, a refusé depuis toutes nos demandes d’interviews. Une marque de fabrique, semble-t-il. D’après un article de Bloomberg datant de 2012, Steven J. Bresky, petit-fils du fondateur, n’a jamais accordé une seule interview publique de sa vie. Des opérations dans 45 pays Pourtant, Seaboard est tout sauf une petite coopérative agricole du Midwest. Le groupe est coté à la Bourse de New York depuis 1959, est présent sur les cinq continents et mène des opérations dans 45 pays. Il est le deuxième producteur et le quatrième transformateur de porcs aux États-Unis, ainsi que le premier producteur de dindes américain (via ses 50 % dans Butterball LLC). Transporteur maritime, avec une flotte de 30 bateaux convoyant 60 000 conteneurs réfrigérés 365 jours par an entre l’Amérique (du Nord, du Sud et les Caraïbes), l’Europe et l’Afrique, il possède également des représentations dans différents pays à très faible fiscalité comme aux îles Caïmans, sur l’île de Man ou à Maurice. Surtout, sa branche Commodity Trading and Milling, aussi appelée Seaboard Overseas and Trading Group, qui représentait plus de la moitié de ses revenus en 2016 (2,34 milliards d’euros), est largement concentrée sur l’Afrique. Elle y possède des bureaux, des moulins, des usines de volailles et des filiales dans 16 États, avec une inclination pour les pays réputés difficiles comme la Gambie, Madagascar ou la RD Congo, et une préférence allant aux gros marchés anglophones.





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