ENTRETIEN
1996-2018, 22 ans après l’ouverture du capital de SONATEL à Télécom. Quels sont selon vous les logiques de qui ont conduit à cet acte?
Mamadou Ndiaye
Avant l’ouverture du capital de la SONATEL intervenue le 21 juillet 1997, il y a eu une véritable révolution dans la gestion des télécommunications au Sénégal. La fusion en 1985 de l’OPT et TELESENEGAL qui a donné naissance à la SONATEL, a été la matérialisation d’une vision qui a placé les télécoms sur une rampe et qui a produit des résultats très positifs. L’État avait tous les leviers et parvenait à fixer des orientations dans l’intérêt du secteur et obtenait les financements de ses projets sans grande difficulté. En Afrique, le Sénégal était considéré comme un exemple pour la gestion et l’organisation cohérente de ses télécoms dont s’inspiraient beaucoup de pays.A mon avis, l’ouverture du capital ne s’imposait pas.La création d’autres entités à l’instar de SENTEL aurait été plus logique. Malheureusement SENTEL n’a été que la justification d’une opération au détriment du Sénégal.La privatisation de la SONATEL n’a eu pour effet tangible que l’allégement du portefeuille de l’Etat, car sa gestion était autonome et rien ne la différenciait d’une entreprise privée. Le terme de Partenaire stratégique n’a aucun sens, car FRANCE TELECOM est l’instrument de la politique de l’Etat français et, à ce titre, lui donner les moyens de contrôler la SONATEL était un renoncement de souveraineté. FRANCE TELECOM était consciente de cette incongruité car les conventions de gestion étaient signées par FRANCE CABLES et RADIO, sa filiale, comme avant l’indépendance…
Qu’est ce qui gênait véritablement dans cette ouverture ?
L’ouverture du capital s’est faite non sans péripéties, et FRANCE TELECOM n’a pu être choisie comme Partenaire-Stratégique qu’après l’élimination de la Société Suédoise TELIA qui avait présenté l’offre jugée meilleure aux termes de l’Appel d’Offres. Sans doute se considérant en terrain conquis, FRANCE TELECOM avait fait une offre peu pertinente. Cet échec était une véritable humiliation pour l’ancien colonisateur qui a tout fait pour se repositionner après l’éviction de TELIA qui avait fini par comprendre qu’il y avait sans doute, des considérations qui transcendent la gestion d’une entreprise. Les états financiers de SONATEL étaient publiés à l’époque 6 mois après la clôture de l’exercice (au plus tôt). Ainsi l’appel d’Offres concernant l’ouverture du Capital de la SONATEL n’a pu se faire qu’avec les états financiers de l’exercice 1995. Malgré la longue période de discussions avec TELIA, il n’y a pas eu remise en cause de la procédure ni relance de l’appel d’offres… le deuxième (2e) avait hérité du fromage. Ce qui gênait véritablement c’est, avec la perte de souveraineté et l’introduction d’une entité étrangère dans un secteur stratégique (pour notre économie et lasécurité de notre pays) le montant auquel a été évaluée l’entreprise (environ 195 milliards car FRANCE TELECOM a payé 65 milliards de francs CFA pour acquérir 33,33% du capital).Ce montant était ridicule car les investissements directs réalisés au cours des 10 dernières années étaient d’environ 140 milliards et le réseau était neuf et en plein développement aussi bien à Dakar que dans les régions. En payant un montant estimé en francs CFA par des francs français, FRANCE TELECOM a racheté nos équipements 50% moins cher que le prix que nous les avions payés…Dans l’évaluation, il n’y a pas eu prise en compte du réseau Mobile qui avait commencé à fonctionner en 1997 et qui avait rapporté 125 milliards en cinq (5) ans soit 52,5 milliards dans l’escarcelle de FRANCE TELECOM.Quid de la convention de coopération signée le 27 juillet 1997 et qui rapportait à FCR/FT 20% de la croissance du Résultat des activités ordinaires. Il s’agit simplement d’une allégeance à un partenaire conscient de sa supériorité et que la cupidité avait fait perdre toute retenue. Cette opération a permis à FRANCE TELECOM, contre un montant dérisoire, de prendre les rênes d’une société où elle a eu à imposer une politique exclusivement à son avantage.
En quoi son partenariat a-t-il été stratégique ?
Même quand l’entreprise a voulu faire face à un financement dès 1998, il a étéfait recours à un emprunt obligataire qui a connu un succès grâce au bilan de la SONATEL.
En quoi consistent les relations financières entre entreprises de Télécommunication ?
La comptabilité des revenus des communications internationales s’effectue à partir de trois éléments : les taxes, les volumes des trafics échangés et
l’acheminement. Sur la taxe perçue sur l’usager et qui est fixée par le pays, il y a une quote-part qui est destinée à l’entité correspondante dans le pays de destination. Cette quotepart est exprimée par unité, la minute s’il s’agit du téléphone. A la fin de chaque période (mois, bimestre ou trimestre suivant les accords) les entreprises correspondantes présententles volumes enregistrés et l’entreprise qui a envoyé le plus de trafic doit verser le montant égal à la différence des volumes de trafic (solde) multiplie par la quote-part convenue. Les pays qui s’échangent des volumes de
trafics conséquents et qui disposent de moyens techniques appropriés établissent des circuits directs dont le nombre est déterminé à partir du volume total et éventuellement du trafic achemine pour d’autres correspondants. Dans ce cas on parle de plans d’acheminement dans lesquels d’autres facteurs peuvent être pris en compte.Ces échanges se font par des pièces comptables appelés «comptes» qui présentent pour chaque liaison le montant dû au correspondant qui doit les retourner après acceptation «c’est-à-dire sans contestation» et «décomptes» ou balances qui indiquent la différence entre les comptes acceptés pour la même période.On dit alors que la «balance» est débitrice pour le correspondant qui a envoyé le plus de trafic ou créditrice pour le correspondant créancier parce qu’ayant envoyé un volume de trafic moindre.Il faut préciser que le solde du compte fait apparaitre le trafic terminal (engendré dans le pays) ou de transit.
Vous parlez de privatisation-spoliation, pourquoi ?
En fait, je parle de privatisation-spoliation pour caractériser la décision d’ouverture du capital car les responsables sénégalais ont fait montre d’un aveuglement qui a eu pour conséquence le bradage de l’entreprise la plus rentable et la plus prometteuse du Pays. On a l’embarras
du choix entre spoliation, Dol, Crime économique, Haute trahison… FRANCE TELECOM a réalisé la transaction la plus rentable du monde. Le pillage intervient après la prise de contrôle de l’entreprise et peut être même avant, avec la complaisance du Directeur Général. La dévaluation du franc CFA a eu un effet bénéfique pour la SONATEL car les volumes du trafic entrant étaient plus importants que ceux du trafic sortant et les taxes de répartition étaient fixées en devises et en monnaie de compte pour nos principales liaisons. Ainsi, le chiffre d’affaires des balances qui était de 10.220milliards en 1993 a enregistré une hausse fulgurante en 1994 (22.235 milliards).Cette aubaine a été annihilée par des pratiques frauduleuses.Les revenus des communications internationales «arrivée»représentaient plus de 50% du chiffre d’affaires du «Produit Téléphone».En 1995, la SONATEL déclare une baisse de 7 milliards du chiffre d’affaires des balances (15.259 milliards) alors qu’il est indiqué que le volume du trafic « arrivée» avait stagné. C’est une hausse des revenus de 117% en 1994, suivie d’une baisse de 31%.Ce résultat est aberrant car ni la croissance du trafic international «départ» ni les données relatives au trafic internationale «arrivée» ne peuvent justifier pareille perte. Il y a des revenus qui n’ont pas été
comptabilisés et du trafic détourné. C’est au moins dix (10) milliards qui ont été volés. Je persiste et signe !Après cette «perte» de 7 milliards, la SONATEL comptabilise au titre des balances pour l’exercice 1996 un chiffre
d’affaires de 17.261 milliards, soit une croissance de 1.972 milliards de FCFA et pour l’exercice 1997 un chiffre d’affaires de 23.66 milliards, soit une croissance de 6.4 milliards. Chacune de ces évolutions positives par une augmentation du trafic international «arrivée» jugée satisfaisante. Les rapports d’activités des exercices 1997 et 1998 ont été présentés par M. Michel HIRSCH Président du Conseil d’Administration. Il déclare une croissance de 1.9 milliards du solde des balances en 1998.Or, l’analyse du chiffre d’affaires du produit «EXPORT» (28.863 milliards) révèle qu’il y a un montant de 4.855 milliards représentant des revenus des exercices 1996 et 1997 qui ont été comptabilisés. Ces sommes «hors exploitation» (provenant de la sous-estimation du chiffre d’affaires des balances) sont la preuve que les chiffres d’affaires fournis par Cheikh Tidiane MBAYE et Alioune NDIAYE sont faux.Ces montants «hors exploitation»représentent-ils une partie des créances de la SONATEL sur France TELECOM
? Si c’est le cas, en comptabilisant sa dette de 1996 et 1997 l’année où elle est partie prenante à 100% du résultat de l’entreprise, FRANCE TELECOM a
pu percevoir un dividende sur sa dette.C’est 42.33% de cette somme qu’elle s’est appropriée indûment. Dans le même rapport, FRANCE TELECOM annonce, non pas une baisse de 30% des taxes de répartition, mais une baisse de 30% de la taxe moyenne de répartition. Nuance !
La taxe de répartitions appliquée sur la liaison FRANCE étant la plus faible de celles en vigueur avec les pays pourvoyeurs de l’essentiel du trafic, FRANCE TELECOM s’octroie le bénéfice de cette mesure et prive la SONATEL de près de dix (10) milliards.La présentation de ce rapport d’activités prouve le peu de respect de FRANCE TELECOM à l’égard des Autorités Sénégalaises et la complicité du Directeur Général. Malheureusement, ce n’était qu’un début…
À combien évaluez vous les pertes matérielles et morales ?
Ce que je viens de développer n’était que le commencement de l’escroquerie…FRANCE TELECOM a pris des mesures de pillage systématique, exercice après exercice. Elle a joué sur tous les registres afin de traire la SONATEL, devenue sa vache laitière. A ma dernière évaluation,le préjudice subi n’était pas loin des1500 milliards. Quant aux pertes morales, j’estime que rien n’est définitivement perdu puisqu’il est possible de récupérer les montants en cause. Par ailleurs, il est important de noter que France Télécom n’a pas respecté son engagement d’aller avec Sonatel à la conquête des marchés africains. Le Sénégal ne sera plus ainsi la risée du monde.
Quelle est la responsabilité des dirigeants du Pays et de la France dans cette affaire ?
Les dirigeants du SENEGAL n’ont pas fait preuve de vigilance et de patriotisme dans cette affaire. Pareille attitude est inexplicable.
Mais peut-on invoquer la seule légèreté ?
Comment les autorités de l’époque n’ont- elles pas été alertées par la vente de 176 388 actions SONATEL pour un montant de 15.963 milliards en exécution d’ordres d’achats et de ventes ordinaires. Dans un souci de transparence, cette transaction aurait dû déclencher une enquête. Comme on le dit, les États n’ont pas d’amis mais des intérêts. Les Dirigeants de la France ont fait jouer le patriotisme économique en fermant les yeux sur les dérives de FRANCE TELECOM que je leur avais signalées. En effet dans le rapport de l’exercice 2002, le Président du Conseil d’Administration informait de la création d’une filiale au Mali dont le capital se décomposait comme suit : SONATEL : 84.42%, Société Agora Holding 10%, Partenaires maliens0.55%. Le rapport suivant (exercice 2003) indiquait la répartition du capital suivante : SONATEL : 72.49%, Partenaires privés et Maliens 27.51% Le rapport de l’exercice 2004 faisait apparaitre un troisième groupe d’actionnaires, en l’occurrence le Personnel de la filiale et s’établissait comme suit : SONATEL : 70%,Partenaires privés et maliens 27.94%, Personnel 2.05% En vertu de l’article 526 de l’Acte Uniforme de l’OHADA, j’avais écrit au Président du Conseil d’Administration pour demander les conditions dans lesquelles la SONATEL avait perdu 17% de ses actions dans le capital d’IKATEL et au profit de qui. Devant son refus de respecter la loi, j’avais adressé des correspondances aux autorités françaises pour souligner que cette décision du Conseil d’administration faisait perdre 47 milliards de FCFA à la SONATEL dont près de la moitié à
FRANCE TELECOM. L’Etat français, actionnaire subissait donc un préjudice. Je n’ai pas reçu de réponses des Autorités françaises. Comme quoi, il n’était pas question de mettre en difficulté des Responsables français…Cette modification de l’actionnariat d’IKATEL ne peut être qu’un détournement au préjudice de la SONATEL pour les Dirigeants de FRANCE TELECOM ou la flagrante preuve de la corruption d’influentes personnalités maliennes et/ ou sénégalaises.M. Thierry BRETON, actuel Administrateur de la SONATEL et qui sollicite un second mandat était au courant par ses fonctions de Président de FRANCE TELECOM et de ministre des Finances.Il fait partie de ceux qui pensent que le Sénégal est le pays de Cocagne. L’intérêt des Dirigeants de la France est de garder le silence.J’ai fait en sorte qu’ils ne puissent pas dire qu’ils ne savaient pas !
Pensez-vous qu’un jour la SONATEL puisse revenir entièrement entre les mains du Sénégal ?
J’en suis convaincu. Nous avons été victimes de l’escroquerie du siècle et j’ai les preuves pour confondre les Dirigeants de France TELECOM et les obliger à nous restituer les montants volés. Il s’agira alors de faire la compensation. J’attends des Dirigeants de FRANCE TELECOM, qu’ils contestent mes déclarations. Les Sénégalais doivent savoir que FRANCE TELECOM grâce à ses manœuvres frauduleuses a amorti sa mise en 3 exercices !
Entretien réalisé par Abdoulaye Diop 24 heures
1996-2018, 22 ans après l’ouverture du capital de SONATEL à Télécom. Quels sont selon vous les logiques de qui ont conduit à cet acte?
Mamadou Ndiaye
Avant l’ouverture du capital de la SONATEL intervenue le 21 juillet 1997, il y a eu une véritable révolution dans la gestion des télécommunications au Sénégal. La fusion en 1985 de l’OPT et TELESENEGAL qui a donné naissance à la SONATEL, a été la matérialisation d’une vision qui a placé les télécoms sur une rampe et qui a produit des résultats très positifs. L’État avait tous les leviers et parvenait à fixer des orientations dans l’intérêt du secteur et obtenait les financements de ses projets sans grande difficulté. En Afrique, le Sénégal était considéré comme un exemple pour la gestion et l’organisation cohérente de ses télécoms dont s’inspiraient beaucoup de pays.A mon avis, l’ouverture du capital ne s’imposait pas.La création d’autres entités à l’instar de SENTEL aurait été plus logique. Malheureusement SENTEL n’a été que la justification d’une opération au détriment du Sénégal.La privatisation de la SONATEL n’a eu pour effet tangible que l’allégement du portefeuille de l’Etat, car sa gestion était autonome et rien ne la différenciait d’une entreprise privée. Le terme de Partenaire stratégique n’a aucun sens, car FRANCE TELECOM est l’instrument de la politique de l’Etat français et, à ce titre, lui donner les moyens de contrôler la SONATEL était un renoncement de souveraineté. FRANCE TELECOM était consciente de cette incongruité car les conventions de gestion étaient signées par FRANCE CABLES et RADIO, sa filiale, comme avant l’indépendance…
Qu’est ce qui gênait véritablement dans cette ouverture ?
L’ouverture du capital s’est faite non sans péripéties, et FRANCE TELECOM n’a pu être choisie comme Partenaire-Stratégique qu’après l’élimination de la Société Suédoise TELIA qui avait présenté l’offre jugée meilleure aux termes de l’Appel d’Offres. Sans doute se considérant en terrain conquis, FRANCE TELECOM avait fait une offre peu pertinente. Cet échec était une véritable humiliation pour l’ancien colonisateur qui a tout fait pour se repositionner après l’éviction de TELIA qui avait fini par comprendre qu’il y avait sans doute, des considérations qui transcendent la gestion d’une entreprise. Les états financiers de SONATEL étaient publiés à l’époque 6 mois après la clôture de l’exercice (au plus tôt). Ainsi l’appel d’Offres concernant l’ouverture du Capital de la SONATEL n’a pu se faire qu’avec les états financiers de l’exercice 1995. Malgré la longue période de discussions avec TELIA, il n’y a pas eu remise en cause de la procédure ni relance de l’appel d’offres… le deuxième (2e) avait hérité du fromage. Ce qui gênait véritablement c’est, avec la perte de souveraineté et l’introduction d’une entité étrangère dans un secteur stratégique (pour notre économie et lasécurité de notre pays) le montant auquel a été évaluée l’entreprise (environ 195 milliards car FRANCE TELECOM a payé 65 milliards de francs CFA pour acquérir 33,33% du capital).Ce montant était ridicule car les investissements directs réalisés au cours des 10 dernières années étaient d’environ 140 milliards et le réseau était neuf et en plein développement aussi bien à Dakar que dans les régions. En payant un montant estimé en francs CFA par des francs français, FRANCE TELECOM a racheté nos équipements 50% moins cher que le prix que nous les avions payés…Dans l’évaluation, il n’y a pas eu prise en compte du réseau Mobile qui avait commencé à fonctionner en 1997 et qui avait rapporté 125 milliards en cinq (5) ans soit 52,5 milliards dans l’escarcelle de FRANCE TELECOM.Quid de la convention de coopération signée le 27 juillet 1997 et qui rapportait à FCR/FT 20% de la croissance du Résultat des activités ordinaires. Il s’agit simplement d’une allégeance à un partenaire conscient de sa supériorité et que la cupidité avait fait perdre toute retenue. Cette opération a permis à FRANCE TELECOM, contre un montant dérisoire, de prendre les rênes d’une société où elle a eu à imposer une politique exclusivement à son avantage.
En quoi son partenariat a-t-il été stratégique ?
Même quand l’entreprise a voulu faire face à un financement dès 1998, il a étéfait recours à un emprunt obligataire qui a connu un succès grâce au bilan de la SONATEL.
En quoi consistent les relations financières entre entreprises de Télécommunication ?
La comptabilité des revenus des communications internationales s’effectue à partir de trois éléments : les taxes, les volumes des trafics échangés et
l’acheminement. Sur la taxe perçue sur l’usager et qui est fixée par le pays, il y a une quote-part qui est destinée à l’entité correspondante dans le pays de destination. Cette quotepart est exprimée par unité, la minute s’il s’agit du téléphone. A la fin de chaque période (mois, bimestre ou trimestre suivant les accords) les entreprises correspondantes présententles volumes enregistrés et l’entreprise qui a envoyé le plus de trafic doit verser le montant égal à la différence des volumes de trafic (solde) multiplie par la quote-part convenue. Les pays qui s’échangent des volumes de
trafics conséquents et qui disposent de moyens techniques appropriés établissent des circuits directs dont le nombre est déterminé à partir du volume total et éventuellement du trafic achemine pour d’autres correspondants. Dans ce cas on parle de plans d’acheminement dans lesquels d’autres facteurs peuvent être pris en compte.Ces échanges se font par des pièces comptables appelés «comptes» qui présentent pour chaque liaison le montant dû au correspondant qui doit les retourner après acceptation «c’est-à-dire sans contestation» et «décomptes» ou balances qui indiquent la différence entre les comptes acceptés pour la même période.On dit alors que la «balance» est débitrice pour le correspondant qui a envoyé le plus de trafic ou créditrice pour le correspondant créancier parce qu’ayant envoyé un volume de trafic moindre.Il faut préciser que le solde du compte fait apparaitre le trafic terminal (engendré dans le pays) ou de transit.
Vous parlez de privatisation-spoliation, pourquoi ?
En fait, je parle de privatisation-spoliation pour caractériser la décision d’ouverture du capital car les responsables sénégalais ont fait montre d’un aveuglement qui a eu pour conséquence le bradage de l’entreprise la plus rentable et la plus prometteuse du Pays. On a l’embarras
du choix entre spoliation, Dol, Crime économique, Haute trahison… FRANCE TELECOM a réalisé la transaction la plus rentable du monde. Le pillage intervient après la prise de contrôle de l’entreprise et peut être même avant, avec la complaisance du Directeur Général. La dévaluation du franc CFA a eu un effet bénéfique pour la SONATEL car les volumes du trafic entrant étaient plus importants que ceux du trafic sortant et les taxes de répartition étaient fixées en devises et en monnaie de compte pour nos principales liaisons. Ainsi, le chiffre d’affaires des balances qui était de 10.220milliards en 1993 a enregistré une hausse fulgurante en 1994 (22.235 milliards).Cette aubaine a été annihilée par des pratiques frauduleuses.Les revenus des communications internationales «arrivée»représentaient plus de 50% du chiffre d’affaires du «Produit Téléphone».En 1995, la SONATEL déclare une baisse de 7 milliards du chiffre d’affaires des balances (15.259 milliards) alors qu’il est indiqué que le volume du trafic « arrivée» avait stagné. C’est une hausse des revenus de 117% en 1994, suivie d’une baisse de 31%.Ce résultat est aberrant car ni la croissance du trafic international «départ» ni les données relatives au trafic internationale «arrivée» ne peuvent justifier pareille perte. Il y a des revenus qui n’ont pas été
comptabilisés et du trafic détourné. C’est au moins dix (10) milliards qui ont été volés. Je persiste et signe !Après cette «perte» de 7 milliards, la SONATEL comptabilise au titre des balances pour l’exercice 1996 un chiffre
d’affaires de 17.261 milliards, soit une croissance de 1.972 milliards de FCFA et pour l’exercice 1997 un chiffre d’affaires de 23.66 milliards, soit une croissance de 6.4 milliards. Chacune de ces évolutions positives par une augmentation du trafic international «arrivée» jugée satisfaisante. Les rapports d’activités des exercices 1997 et 1998 ont été présentés par M. Michel HIRSCH Président du Conseil d’Administration. Il déclare une croissance de 1.9 milliards du solde des balances en 1998.Or, l’analyse du chiffre d’affaires du produit «EXPORT» (28.863 milliards) révèle qu’il y a un montant de 4.855 milliards représentant des revenus des exercices 1996 et 1997 qui ont été comptabilisés. Ces sommes «hors exploitation» (provenant de la sous-estimation du chiffre d’affaires des balances) sont la preuve que les chiffres d’affaires fournis par Cheikh Tidiane MBAYE et Alioune NDIAYE sont faux.Ces montants «hors exploitation»représentent-ils une partie des créances de la SONATEL sur France TELECOM
? Si c’est le cas, en comptabilisant sa dette de 1996 et 1997 l’année où elle est partie prenante à 100% du résultat de l’entreprise, FRANCE TELECOM a
pu percevoir un dividende sur sa dette.C’est 42.33% de cette somme qu’elle s’est appropriée indûment. Dans le même rapport, FRANCE TELECOM annonce, non pas une baisse de 30% des taxes de répartition, mais une baisse de 30% de la taxe moyenne de répartition. Nuance !
La taxe de répartitions appliquée sur la liaison FRANCE étant la plus faible de celles en vigueur avec les pays pourvoyeurs de l’essentiel du trafic, FRANCE TELECOM s’octroie le bénéfice de cette mesure et prive la SONATEL de près de dix (10) milliards.La présentation de ce rapport d’activités prouve le peu de respect de FRANCE TELECOM à l’égard des Autorités Sénégalaises et la complicité du Directeur Général. Malheureusement, ce n’était qu’un début…
À combien évaluez vous les pertes matérielles et morales ?
Ce que je viens de développer n’était que le commencement de l’escroquerie…FRANCE TELECOM a pris des mesures de pillage systématique, exercice après exercice. Elle a joué sur tous les registres afin de traire la SONATEL, devenue sa vache laitière. A ma dernière évaluation,le préjudice subi n’était pas loin des1500 milliards. Quant aux pertes morales, j’estime que rien n’est définitivement perdu puisqu’il est possible de récupérer les montants en cause. Par ailleurs, il est important de noter que France Télécom n’a pas respecté son engagement d’aller avec Sonatel à la conquête des marchés africains. Le Sénégal ne sera plus ainsi la risée du monde.
Quelle est la responsabilité des dirigeants du Pays et de la France dans cette affaire ?
Les dirigeants du SENEGAL n’ont pas fait preuve de vigilance et de patriotisme dans cette affaire. Pareille attitude est inexplicable.
Mais peut-on invoquer la seule légèreté ?
Comment les autorités de l’époque n’ont- elles pas été alertées par la vente de 176 388 actions SONATEL pour un montant de 15.963 milliards en exécution d’ordres d’achats et de ventes ordinaires. Dans un souci de transparence, cette transaction aurait dû déclencher une enquête. Comme on le dit, les États n’ont pas d’amis mais des intérêts. Les Dirigeants de la France ont fait jouer le patriotisme économique en fermant les yeux sur les dérives de FRANCE TELECOM que je leur avais signalées. En effet dans le rapport de l’exercice 2002, le Président du Conseil d’Administration informait de la création d’une filiale au Mali dont le capital se décomposait comme suit : SONATEL : 84.42%, Société Agora Holding 10%, Partenaires maliens0.55%. Le rapport suivant (exercice 2003) indiquait la répartition du capital suivante : SONATEL : 72.49%, Partenaires privés et Maliens 27.51% Le rapport de l’exercice 2004 faisait apparaitre un troisième groupe d’actionnaires, en l’occurrence le Personnel de la filiale et s’établissait comme suit : SONATEL : 70%,Partenaires privés et maliens 27.94%, Personnel 2.05% En vertu de l’article 526 de l’Acte Uniforme de l’OHADA, j’avais écrit au Président du Conseil d’Administration pour demander les conditions dans lesquelles la SONATEL avait perdu 17% de ses actions dans le capital d’IKATEL et au profit de qui. Devant son refus de respecter la loi, j’avais adressé des correspondances aux autorités françaises pour souligner que cette décision du Conseil d’administration faisait perdre 47 milliards de FCFA à la SONATEL dont près de la moitié à
FRANCE TELECOM. L’Etat français, actionnaire subissait donc un préjudice. Je n’ai pas reçu de réponses des Autorités françaises. Comme quoi, il n’était pas question de mettre en difficulté des Responsables français…Cette modification de l’actionnariat d’IKATEL ne peut être qu’un détournement au préjudice de la SONATEL pour les Dirigeants de FRANCE TELECOM ou la flagrante preuve de la corruption d’influentes personnalités maliennes et/ ou sénégalaises.M. Thierry BRETON, actuel Administrateur de la SONATEL et qui sollicite un second mandat était au courant par ses fonctions de Président de FRANCE TELECOM et de ministre des Finances.Il fait partie de ceux qui pensent que le Sénégal est le pays de Cocagne. L’intérêt des Dirigeants de la France est de garder le silence.J’ai fait en sorte qu’ils ne puissent pas dire qu’ils ne savaient pas !
Pensez-vous qu’un jour la SONATEL puisse revenir entièrement entre les mains du Sénégal ?
J’en suis convaincu. Nous avons été victimes de l’escroquerie du siècle et j’ai les preuves pour confondre les Dirigeants de France TELECOM et les obliger à nous restituer les montants volés. Il s’agira alors de faire la compensation. J’attends des Dirigeants de FRANCE TELECOM, qu’ils contestent mes déclarations. Les Sénégalais doivent savoir que FRANCE TELECOM grâce à ses manœuvres frauduleuses a amorti sa mise en 3 exercices !
Entretien réalisé par Abdoulaye Diop 24 heures