Plusieurs dizaines de représentants d’employeurs et de salariés ont fait parvenir au Bureau international du travail, qui tient une réunion ces 6 et 7 avril à son siège de Genève, leurs préconisations pour améliorer le futur de l’emploi sur le continent, encore très informel et précaire.
La démographie est implacable. Du fait de la prodigieuse natalité africaine, un travailleur sur cinq en 2050 sera africain. Sur les 600 millions d’emplois qui devront être créés d’ici 2030, une bonne part devra émerger entre Le Cap et le Caire.
C’est dire la place qu’occupe le continent dans la réflexion que mène l’Organisation internationale du travail (OIT) sur l’avenir des emplois depuis deux ans, avec son centenaire de 2019 en ligne de mire.
L’ambition : dépoussiérer une organisation parfois vue comme une machine à rapports éloignée du terrain, « donner la parole à nos mandants [les États qui financent en grande partie l’OIT], et émettre des recommandations ancrées dans la réalité », comme l’explique Nicolas Niemtchinow, ancien ambassadeur français auprès de l’Office des Nations unies à Genève, et conseiller spécial pour l’Initiative sur l’avenir du travail depuis novembre 2015, au sein du secrétariat de l’OIT, son bras exécutif.
Message reçu cinq sur cinq sur le continent. Ils sont nombreux, États, représentants d’employeurs et de salariés, à avoir procédé aux dialogues nationaux auxquels ils avaient été invités voilà presque deux ans par le directeur général du Bureau international du travail (BIT), le syndicaliste britannique Guy Ryder, élu à ces fonctions en 2012.
Economie informelle
Sur les 160 pays qui avaient répondu favorablement à la démarche prospective, seuls 80 ont pour l’heure envoyé le compte-rendu de leurs réflexions, ces « dialogues nationaux » qui se sont étalés sur des durées variables allant d’un jour à plusieurs semaines, pour les plus consciencieux.
Trente de ces compte-rendus viennent d’Afrique, qui émettent des avis variés sur le rôle que le travail pourra jouer et les règles qui pourront s’y appliquer. « Le travail comme un moyen de survie, le poids de l’informalité, l’emploi des jeunes, l’importance du dialogue social sont récurrents », énumère Nicolas Niemtchinow.
Des critères qui s’appliquent à une même réalité, comme l’explique Édouard Ladouyou, chef du département des ressources humaines à la Confédération ivoirienne des entreprises de Côte d’Ivoire, qui représente 1 500 entreprises privées. « Les marchés de l’emploi africains ont en commun des taux d’informalité très élevés, jusqu’à 90%, et des emplois globalement très précaires », explique-t-il.
Croire en la jeunesse
Côté chômage, celui-ci demeure très haut et mal mesuré. « De 50 à 55% parmi ceux qui ont un diplôme« , estime par exemple Mamadou Saliou Diallo, secrétaire général de l’Organisation nationale du syndicat libre de Guinée (ONSLG), qui revendique 23 752 salariés affiliés.
« Le futur du travail africain, ce n’est pas à Genève ou dans les métropoles occidentales qu’il peut émerger, prévient Youssouf Maiga, un expert indépendant basé au Burkina. C’est sur les artères africaines où l’on voit partout des dizaines de réparateurs de téléphones et des mécaniciens improvisés sans aucune formation. Pour eux, il faut imaginer des formes de certification et une valorisation du savoir-faire et des acquis ».
Les idées de ce genre pullulent parmi les participants africains : limiter les embauches clientélistes, ne pas être effrayé par les technologies, croire en la jeunesse, adapter les formations… Et surtout aboutir à des solutions applicables partout, « de la Silicon Valley à la Vallée du Nil », a plaidé Guy Ryder ce 6 avril. Fin de l’exercice en 2019.