Made in Jamaica
Dans le port de Kingston, sur un de ces bateaux de croisière qui sillonnent la mer des Caraïbes, une dancehall party bat son plein. Micro en main, Lady Saw et Bounty Killer, deux des stars du ragga, cette version jamaïquaine du rap, s'affrontent, noyés dans une marée de fêtards déchaînés. Parmi eux, Gerald Levy, alias Bogle, le plus grand danseur de l'île, inventeur d'un pas célèbre qui porte son nom. Soudain, sur un écran de télé, un flash télévisé annonce son meurtre, survenu trois jours plus tard après une embrouille à la sortie d'une discothèque. Suivent les images des représailles - une maison incendiée - à l'égard de la bande suspectée du meurtre par les amis de Bogle. La réalité vient de happer le film de Jérôme Laperrousaz. « Made in Jamaica » démarre fort. Il ne vous lâchera plus. Si vous voulez comprendre ce qu'est une musique populaire, sa puissance et son rôle dans une société postcoloniale comme la Jamaïque ; comment des chansons ( heureusement toutes sous-titrées en français, c'est capital ) peuvent, mieux que n'importe quelle thèse de sociologie, traduire les souffrances, les espoirs, les impasses, les révoltes et l'énergie de tout un peuple, il faut absolument voir « Made in Jamaica ». Coupe. Scène de concert à Amsterdam. Elephant Man, zébulon teint en blond, se déchaîne : « Sortez vos flingues, brandissez-les . En l'air ! En l'air ! Amsterdam ! Déconnez pas avec les gangsters, ils vous tueront avec leurs armes. (... ) Tous ensemble : “ Morts par balles !” Ils se disent durs, mais ce sont des cons ! » Bienvenue dans le monde du dancehall ( un mot courant qui depuis toujours désigne les dancings, et qui est peu à peu devenu un synonyme de ragga pour les jeunes générations ), miroir cruel de la folie meurtrière qui décime l'île. Bounty Killer, le bien nommé, en rajoutera dans ce registre : « Provoquez pas le seigneur de la guerre ! / Une balle peut réduire un trou du cul en poussière / Une balle peut envoyer un con au cimetière / Killer ne quitte jamais son chrome / Mon flingue et moi on couvre toute la zone. » Vient, en contrepoint, une des scènes les plus touchantes du film....
Suite dans ;Le NouvelObs en pièce jointe: