Il y a huit jours, Connie Nielsen vampait John Cusack dans le réjouissant polar de Harold Ramis « Faux Amis ». Moulée dans une affolante robe rouge, elle y ressuscitait une image de femme fatale comme on n’en avait pas vu depuis Kathleen Turner dans « la Fièvre au corps ». On lui fait part de la ressemblance, on lui demande même s’il s’agit d’une imitation, et c’est dans un français impeccable qu’elle répond malicieusement : « Pas Kathleen Turner. Plutôt un croisement entre Lauren Bacall et Jessica Rabbit. » Aujourd’hui, le visage nu, l’âme à vif, aussi peu glamour que possible, elle est à l’affiche de « Brothers », un drame psychologique d’une extrême violence où l’intensité de sa performance dégage par à-coups les accents que l’immense Bergman parvenait à tirer de ses actrices. On a beau se pincer : à une semaine d’intervalle, ce grand écart est bel et bien accompli par la même personne. Un pied à Hollywood, l’autre dans le cinéma d’auteur européen. « Cette fois, j’accepte votre réfé
rence à Bergman », dit-elle avec une mansuétude parodique. Comme Connie Nielsen, la réalisatrice de « Brothers », Susanne Bier, est danoise ; comme son compatriote Lars von Trier, elle est passée par la case Dogme, cette éphémère révolution cinématographique qui prôna, il y a quelques années, une sorte de retour ascétique aux fondamentaux du cinéma, dont « Festen » demeure le rejeton le plus célèbre. « Si “Brothers” n’est pas un film Dogme, la technique de Susanne Bier s’en rapproche, explique la comédienne. La caméra était constamment mobile, j’étais libre d’aller et venir dans le cadre sans respecter la moindre marque, je devais m’attendre à ce que l’objectif vienne sans prévenir me cadrer en gros plan pendant des minutes entières… Ce n’était pas vraiment l’ambiance de “Gladiator”, si vous voyez ce que je veux dire. » On voit.
Considérée aux Etats-Unis comme une actrice aussi belle qu’intelligente, Connie Nielsen s’est fait connaître du grand public par le mégapéplum de Ridley Scott, mais on sait moins que c’est sous la caméra de notre Philippe Clair national qu’elle débuta en 1984 dans un nanar de compétition dont le titre est tout un programme, « Par où t’es rentré ? On t’a pas vu sortir », et où elle avait pour partenaire Jerry Lewis. « Ça a été le fruit d’un hasard total, dit-elle. A 15 ans, j’ai quitté le Danemark pour suivre un oncle à Paris. Au cours d’un dîner, j’ai rencontréle producteur Tarak Ben Ammar. Il m’a assuré que j’avais un visage qui attirait la lumière, et quelques jours après, je rencontrais Philippe Clair. » Si le film n’a aucune influence directe sur sa carrière, il n’en provoquera pas moins un déclic décisif : « Personne ne m’a appelée à la sortie pour me proposer un rôle, mais l’expérience du tournage m’a donné le cran de passer des auditions. » De « Rushmore » à « Associé du diable », de « Mission to Mars » à « Basic », sans oublier « The Great Raid » (splendide épopée militaire aux allures de « Pont de la Rivière Kwaï » signée John Dahl et toujours inédite en France – allô, les distributeurs ?), elle a tracé sa voie jusqu’à l’apothéose artistique que constitue « Brothers ». Dans sa langue maternelle, elle y incarne une femme dont le mari soldat est considéré comme mort en Afghanistan, et dont le retour inattendu déclenche une véritable apocalypse conjugale : « C’est à la fois un film sur la mauvaise conscience européenne, sur la condition des femmes et sur toutes les formes que peut prendre la guerre. » On vous le disait : aussi belle qu’intelligente. ..
Bernard Achour
rence à Bergman », dit-elle avec une mansuétude parodique. Comme Connie Nielsen, la réalisatrice de « Brothers », Susanne Bier, est danoise ; comme son compatriote Lars von Trier, elle est passée par la case Dogme, cette éphémère révolution cinématographique qui prôna, il y a quelques années, une sorte de retour ascétique aux fondamentaux du cinéma, dont « Festen » demeure le rejeton le plus célèbre. « Si “Brothers” n’est pas un film Dogme, la technique de Susanne Bier s’en rapproche, explique la comédienne. La caméra était constamment mobile, j’étais libre d’aller et venir dans le cadre sans respecter la moindre marque, je devais m’attendre à ce que l’objectif vienne sans prévenir me cadrer en gros plan pendant des minutes entières… Ce n’était pas vraiment l’ambiance de “Gladiator”, si vous voyez ce que je veux dire. » On voit.
Considérée aux Etats-Unis comme une actrice aussi belle qu’intelligente, Connie Nielsen s’est fait connaître du grand public par le mégapéplum de Ridley Scott, mais on sait moins que c’est sous la caméra de notre Philippe Clair national qu’elle débuta en 1984 dans un nanar de compétition dont le titre est tout un programme, « Par où t’es rentré ? On t’a pas vu sortir », et où elle avait pour partenaire Jerry Lewis. « Ça a été le fruit d’un hasard total, dit-elle. A 15 ans, j’ai quitté le Danemark pour suivre un oncle à Paris. Au cours d’un dîner, j’ai rencontréle producteur Tarak Ben Ammar. Il m’a assuré que j’avais un visage qui attirait la lumière, et quelques jours après, je rencontrais Philippe Clair. » Si le film n’a aucune influence directe sur sa carrière, il n’en provoquera pas moins un déclic décisif : « Personne ne m’a appelée à la sortie pour me proposer un rôle, mais l’expérience du tournage m’a donné le cran de passer des auditions. » De « Rushmore » à « Associé du diable », de « Mission to Mars » à « Basic », sans oublier « The Great Raid » (splendide épopée militaire aux allures de « Pont de la Rivière Kwaï » signée John Dahl et toujours inédite en France – allô, les distributeurs ?), elle a tracé sa voie jusqu’à l’apothéose artistique que constitue « Brothers ». Dans sa langue maternelle, elle y incarne une femme dont le mari soldat est considéré comme mort en Afghanistan, et dont le retour inattendu déclenche une véritable apocalypse conjugale : « C’est à la fois un film sur la mauvaise conscience européenne, sur la condition des femmes et sur toutes les formes que peut prendre la guerre. » On vous le disait : aussi belle qu’intelligente. ..
Bernard Achour