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Séance d’initiative parlementaire du Groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine et des députés Communistes et Républicains: Proposition de loi demandant un référendum sur l’adoption du «Traité de Lisbonne»


Proposition de loi demandant un référendum sur l'adoption du 'Traité de Lisbonne'
Rapporteur de la loi: Patrick BRAOUEZEC, Député de Seine-Saint-Denis

Nous sommes aujourd’hui saisis d’une proposition de loi constitutionnelle examinée dans le cadre de la séance d’initiative parlementaire du groupe GDR.

Alors que nous nous apprêtons cet après-midi à entamer le processus de dessaisissement du peuple vis-à-vis du Traité de Lisbonne, il nous semblait en effet urgent de proposer un moyen d’empêcher ce véritable déni de démocratie.

Le 29 mai 2005, le peuple français a décidé, par 54,67 % des suffrages exprimés, de rejeter le traité établissant une Constitution pour l’Europe, au terme d’une campagne électorale marquée par une mobilisation sans précédent du « Non » de gauche. Cette campagne a intéressé les Français comme l’a montré le taux de participation, proche des 70 %, en dépit du caractère complexe du texte soumis à son examen.

Compte tenu de ce résultat, suivi trois jours plus tard d’un autre référendum négatif aux Pays-Bas, le processus de ratification du Traité constitutionnel s’est trouvé entravé. Pour autant, ses partisans n’ont pas renoncé, et plutôt que de proposer aux citoyens européens une alternative au projet libéral préconisé par le traité constitutionnel, ils ont préféré « recycler » les dispositions substantielles de ce traité, au sein d’un nouveau traité dit « réformateur », signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne.

D’ores et déjà, le Président de la République a annoncé qu’il ne soumettrait pas le nouveau traité au référendum, craignant sans doute une réponse similaire à celle donnée en mai 2005.

Dans ce contexte, présenter l’exigence du recours au référendum comme une méfiance vis-à-vis du système représentatif est profondément malhonnête. On ne saurait donc tirer prétexte de la nécessité de respecter le Parlement comme argument pour écarter la consultation directe du peuple. En effet, le parlementarisme ne peut, bien évidemment, reposer sur une méfiance vis-à-vis du peuple, sauf dans les régimes censitaires, mais sur l’idée de sa représentation.

Il ne faut pas oublier que ce qui fonde la légitimité de la démocratie parlementaire est l’élection par le peuple au suffrage universel. Les citoyens délèguent leur souveraineté à leurs représentants, non pas qu'ils soient incapables de décider de leur avenir eux-mêmes, mais essentiellement pour des raisons pratiques évidentes. Dès lors, il est parfaitement inconcevable de jouer la légitimité parlementaire contre la légitimité populaire, la première n’existant que par délégation de la seconde. Je crains même qu’en contournant le peuple pour faire adopter le traité de Lisbonne par voie parlementaire, le président de la République ne contribue à accentuer le fossé entre le peuple et ses représentants.

On constate d’ailleurs que l’origine la pratique référendaire ne remonte ni au général de Gaulle ni aux plébiscites napoléoniens, qui en ont profondément dénaturé le sens, mais à la Révolution française. Le premier référendum de l’histoire de France est d’ailleurs celui qui a permis l’adoption de la Constitution du 24 juin 1793, Constitution très démocratique, fondée sur le primat de la souveraineté populaire, et qui prévoyait d’ailleurs le recours à la consultation directe des citoyens.

L’enjeu de la présente proposition de loi constitutionnelle vise donc à rendre obligatoire le recours au référendum pour l’adoption de lois qui contiennent des dispositions précédemment rejetées par le peuple, consulté par référendum. Le peuple peut bien évidemment changer de position, mais il est inacceptable que son vote soit contourné, voire nié, s’il n’a pas donné la réponse attendue de lui. Le parallélisme des formes et le respect de «l’expression directe de la souveraineté nationale» exigent donc d’encadrer le pouvoir législatif du Parlement sur les sujets ayant précédemment fait l’objet d’une consultation populaire.

Or, tel est incontestablement le cas du Traité de Lisbonne, qui ne comporte que des différences d’ordre cosmétique avec le traité constitutionnel rejeté par référendum.

Je ne résiste pas à vous citer l’analyse faite par Valéry Giscard d’Estaing sur la différence entre les deux traités. Il explique que «la différence porte davantage sur la méthode que sur le contenu (…).Les juristes n'ont pas proposé d'innovations. Ils sont partis du texte du traité constitutionnel, dont ils ont fait éclater les éléments, un par un, en les renvoyant, par voie d'amendements aux (…) traités existants». Il admet également que «dans le traité de Lisbonne, rédigé exclusivement à partir du projet de traité constitutionnel, les outils sont exactement les mêmes. Seul l'ordre a été changé dans la boîte à outils».

En fait, les seules différences réelles entre les deux traités sont l’abandon du vocabulaire constitutionnel ou des emblèmes de l’Union européenne ou encore les nombreuses dérogations accordées au Royaume-Uni ou à la Pologne. Au total, le traité de Lisbonne a permis de faire des concessions aux États et aux forces politiques partisans du souverainisme et méfiants à l’idée même de construction européenne.

Ainsi, il faut rappeler que l’inclusion de la Charte des droits fondamentaux au sein même du traité constitutionnel était régulièrement avancée par les partisans du « Oui » comme un signe qui aurait dû rassurer les partisans d’une Europe plus sociale. Pourtant, dans le traité de Lisbonne, la Charte des droits fondamentaux ne figure plus dans le texte même des traités, mais se trouve inscrite par le biais d'un renvoi. De plus, elle n'est plus applicable au Royaume-Uni.

En revanche, aucun des éléments du nouveau traité ne constitue l’amorce de la construction d’une autre Europe, au-delà de quelques modifications sémantiques purement décoratives. La pseudo disparition de la référence au «marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée», renvoyé à un protocole, est à cet égard très révélatrice. En revanche, sur le fond, il n’y a aucune modification sur les dispositions qui ont motivé le rejet du Traité, à savoir celles qui empêchent l’Europe de prendre une autre direction que celle du marché, de la libre concurrence, d’une politique monétaire contrainte ou de la méfiance vis-à-vis des services publics.

Concernant la place donnée aux services publics, il a souvent été affirmé que le traité de Lisbonne était davantage soucieux de la garantie des services publics que le traité constitutionnel. En effet, le protocole 9 semble consacrer la place des «services d’intérêt général non marchands», ou «services non économiques d’intérêt général», c’est-à-dire qui ne sont pas directement payés par l’usager, comme l’éducation nationale, les services sociaux, les services de santé, les services culturels.

Ce protocole -dans son article 2- peut sembler protéger les services d’intérêt général non économiques des règles de la concurrence, il n'en demeure pas moins que le problème vient de la définition des «services non économiques» qui n'est pas plus précisée dans les traités que dans le protocole. Ce qui pose question, car d’après une jurisprudence constante de la Cour de justice «constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné». Tout peut donc être considéré comme une activité économique, s’il y a marché. La valeur ajoutée de cet article du protocole est donc minime, d'autant plus qu'il précise bien, en ce qui concerne ces SIG non économiques, que les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des Etats membres relative à la fourniture, à leur mise en service et à leur organisation, qui pourront procéder comme bon leur semble, y compris au détriment des usagers.

Il en va de même pour les « services d’intérêt économique général » que l’usager paie directement comme l’eau, les transports publics ou l'énergie. Le nouveau traité les fait, certes, figurer parmi les «valeurs le l’Union» -dont aucune définition n'est donnée-, mais en renvoyant leur contenu à un acte législatif de l’Union, directive ou règlement, dont on peut être sûr qu’il ne sera pas favorable à notre conception exigeante du service public. Cela peut être d'autant plus à craindre que ce seront les législateurs, lorsqu'ils le jugeront opportun, qui autoriseront l'Union à adopter un règlement transversal établissant les principes et fixant les conditions, notamment économiques et financières. En définitive, et les SIEG et les SIG vont être soumis aux règles de la concurrence, ce que les auteurs de ce traité ont affirmé lorsqu'ils ont déclaré que la liberté d’établissement et la liberté de circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services continuent de revêtir une importance capitale.

Dès lors, il ne peut être affirmé, comme d'aucuns le font, que l’UE protège les services publics, renommés services d’intérêt général.

Compte tenu de ces analogies évidentes entre le traité de Lisbonne et le traité rejeté par les Français en mai 2005, de nombreux citoyens exigent un nouveau référendum. Dans une telle hypothèse, le recours au référendum devrait même être obligatoire, c’est pourquoi nous demandons la modification de l’article 11 de la Constitution.

Il s’agit de donner au référendum un autre rôle que celui qu’il a traditionnellement sous la Cinquième République. Le référendum n’y est effectivement pas utilisé comme un moyen de consulter les citoyens sur les grandes questions qui les concernent, mais il constitue plutôt un outil de tactique politique au service de l’exécutif.

L’article 11 de la Constitution doit donc être modifié pour tenir compte des résultats de 2005 et de leurs conséquences. Dans cette hypothèse, aucune disposition législative figurant dans le projet de loi rejeté ne doit pouvoir être valablement adoptée par voie parlementaire. Seul un référendum permettrait l’adoption de dispositions précédemment rejetées par référendum.

La proposition de loi constitutionnelle tient compte du cas spécifique des traités internationaux. Afin d’éviter un contournement de la disposition constitutionnelle envisagée, celle-ci devrait donc prévoir l’organisation obligatoire d’un référendum pour autoriser la ratification d’un traité contenant des stipulations qui figuraient déjà dans un précédent traité rejeté par référendum. Dans le cas du traité de Lisbonne, celui-ci devrait donc nécessairement faire l’objet d’un référendum dans la mesure où ce traité se contente de reprendre, dans un ordre et une présentation différents, les dispositions du traité établissant une Constitution pour l’Europe.

En dernier ressort, en cas d’appréciation divergente quant au caractère similaire ou non de stipulations d’un traité, il appartiendrait au conseil constitutionnel de se prononcer. En l’espèce, il n’y a aucune ambiguïté puisque la rédaction des articles du traité de Lisbonne est, à 90 %, rigoureusement la même que celle du traité constitutionnel.

Face au déni de démocratie que constitue le contournement du peuple pour la ratification du traité de Lisbonne, la proposition de loi constitutionnelle met donc en place un mécanisme de protection de l’expression directe du suffrage universel. Malheureusement, la Commission des Lois n’a pas partagé notre préoccupation et a rejeté la proposition de loi constitutionnelle.

Discussion générale: Jean-Paul LECOQ, Député de Seine-Maritime

Nous sommes appelés de nouveau à prendre une décision importante, capitale même pour notre démocratie, pour les droits humains fondamentaux et pour la société européenne toute entière: nous sommes appelés à adopter un projet de loi demandant le référendum du nouveau traité dit «modificatif».

Le gouvernement nous dit que le traité modificatif de Lisbonne n’a rien de semblable au traité sur la constitution européenne rejetée par les français en 2005. Le gouvernement affirme aussi qu’il s’agit d’un traité modificatif dont l'objectif ne sera outre que garantir un meilleur fonctionnement des institutions communautaires.

Ces affirmations sont hélas, très loin du véritable enjeu pour la démocratie et pour le modèle de société que le gouvernement et les politiques néo libérales de l'Union européenne sont en train d'imposer aux peuples européens.

En réalité, pour faire accepter le futur traité, les chefs de gouvernements n'ont rien fait d'autre que d'en modifier l’habillage. La substance reste la même: une Europe qui fonctionne sur les principes et les règles de la concurrence, qui oppose les peuples les uns contre les autres, avec une politique neo libérale dont l'objectif est la destruction systématique des droits et des acquis sociaux.

C'est cette Europe là, si éloignée des citoyens et de leurs besoins qui veut être de nouveau imposée aux citoyens.

C'est cette Europe là que les français ont rejeté majoritairement en 2005.

C’est cette politique là qui brade depuis de longues années les biens et les services publics.

C’est cette Europe là que les gouvernements veulent réintroduire par la fenêtre, bafouant ainsi l’expression populaire.

Les références de la Charte des droits fondamentaux ou aux services publics ne modifient en rien les orientations et les objectifs affichés d’aller vers une libéralisation de plus en plus poussée des marchés financiers. De plus, la Charte des droits fondamentaux sort fort affaiblie puisqu'elle n'a pas de valeur juridique contraignante à l'égard des pays membres, mais uniquement vis-à-vis de ceux qui l'accepteraient.

Je rappelle que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 décembre passé avait dit que «... hormis les changements de numérotation, les stipulations de la Charte, à laquelle est reconnue la même valeur juridique que celle des traités, sont identiques à celles qui ont été examinées par le conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004» (n° 12 de la décision du 20 décembre 2007)

Je le répète une fois de plus solennellement devant notre Assemblée: le gouvernement bafoue la voix du peuple français et celle des autres peuples européens. C’est la démocratie même qui est menacée.

Ce nouveau traité, un copier/coller mal dissimulé du projet de constitution européenne, doit impérativement être soumis au référendum.

Je lance un appel à tous les collègues, au-delà des différences, à voter en faveur de ce projet de loi. Notre démocratie et les droits du peuple français sont en jeu. A nous d'assumer nos responsabilités et de garantir une Europe sociale, citoyenne, démocratique et respectueuse du droit des peuples.

Explication de vote: Jean-Claude SANDRIER, Député du Cher

Peut-il y avoir une seule raison de refuser la parole au peuple français sur une question qui engage son avenir et pour laquelle il lui a déjà été demandé de s’exprimer par voix de referendum.

Aucune raison ne peut justifier ce refus du Président de la République que chacune et chacun de nos concitoyens s’exprime.

On nous dit mais le Président de la République lors des élections Présidentielles a déclaré qu’il ne ferait pas de referendum. Mais qui peut sérieusement croire que même les 31% de Français qui ont voté pour lui au 1er tour, ont voté les 200 propositions qu’il a faites et, à plus forte raison qui peut croire que les 53 % du 2ème tour ont voté pour toutes ses propositions alors même que tous les autres candidats à cette élection présidentielle ont indiqué qu’ils organiseraient un referendum s’ils étaient élus. Donc cet argument qui consiste à dire qu’en votant pour M. Sarkozy, les Français ont renoncé au droit de s’exprimer par un nouveau referendum sur la constitution européenne ne tient pas.

On nous dit également que le parlement est légitime pour ratifier le traité constitutionnel, oui, c’est vrai. Mais qui peut sérieusement mettre un signe d’égalité entre l’expression de chacune et chacun de nos concitoyens et le vote d’un parlement dont justement la commission des Sages constituée par le Président de la République a discuté la représentativité. D’ailleurs il suffit de se reporter à 2005 pour s’apercevoir qu’une écrasante majorité du parlement aurait dit OUI au traité constitutionnel alors que les Français ont voté NON à 55%.

Donc cet argument de la légitimité du Parlement ne tient pas non plus.

Enfin, dernier argument de ceux qui ne veulent pas que les Français s’expriment c’est de prétendre qu’à Lisbonne le texte a été modifié en tenant compte du NON de 2005 ! Mais alors si tel est le cas, pourquoi avoir peur -parce que c’est bien de cela dont il s’agit- de soumettre ce texte ? Nos concitoyens seraient-ils à ce point idiots qu’ils ne pourraient pas reconnaître un texte qui aurait été fondamentalement modifié et prenant en compte leurs souhaits !

Le problème est justement que les Français ne sont pas idiots et qu’ils sont tout à fait à même de voir -comme M. Giscard d’Estaing ou encore Mme Merkel- qu’avec le traité dit de Lisbonne « la différence porte davantage sur la méthode que sur le contenu - (26/10/07 » dit le 1er et que « rien ne va changer » déclare la seconde. Alors non seulement il n’y a aucune raison pour priver le peuple de son droit d’expression mais au contraire toutes les raisons de le consulter.

Quel est donc le seul argument sérieux, logique mais caché par celles et ceux qui ne veulent pas de ce referendum ? Reconnaissons au moins à Monsieur Kouchner le mérite de la franchise car cet argument il nous l’a livré le 11 décembre dernier, ici même, dans cet hémicycle, je le cite : «Quant au bien fondé d’un referendum, il y en a déjà eu un : on a vu le résultat !»

Un tel propos est affligeant.

Autrement dit le peuple français n’a pas voté en 2005 comme quelques-uns le souhaitaient donc le mieux pour ceux-là c’est de ne pas le consulter. Il y aurait beaucoup à dire sur cette conception de la démocratie qui consisterait à ne faire des élections que lorsqu’on est sûr que les électeurs vont être d’accord avec ce que l’on pense ! Aucune raison donc, autre que la peur du suffrage universel, ne peut expliquer un tel refus de soumettre à nouveau ce texte constitutionnel sur l’Europe

En conclusion je veux simplement dire à nos amis et collègues socialistes qui se déclarent pour ce referendum, qu’ils ont entre leurs mains, par leur vote au Congrès du 4 février, la possibilité de faire consulter les Français par referendum. Sans doute cela pose des problèmes plus fondamentaux pour eux mais je ne crois pas qu’il soit possible de surmonter des désaccords politiques par des artifices de procédures ou des absences.

Outre la possibilité que vous offrez au Président de la République de fuir le verdict du peuple français, si vous n’exigez pas à Versailles un referendum, quel sens aurait pour l’avenir de l’Europe et de la France un acte imposé à notre peuple alors même que celui-ci, consulté récemment, demande, dans une proportion des 2/3, de pouvoir s’exprimer !

Par le vote de cette proposition de loi du Groupe GDR et des députés Communistes et Républicains et par le vote contre, le 4 février prochain, de la modification de la Constitution, les parlementaires détiennent la possibilité que chaque Français puisse s’exprimer par le moyen du suffrage universel.

Alors permettons-le !

Nicolas Maury
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