Vie du PCF et du MJCF
Mardi 20 Novembre 2012
Contribution de Patrick Candela, Section d’Aubagne, Fédération des Bouches du Rhône
Cinq ans après le 34ème congrès, nous sommes enfin autorisés à engager un grand débat et à décider des orientations, de la stratégie, de la nature et du fonctionnement du Parti Communiste Français.
Après le 35ème congrès, « congrès d’étape », qui ne fut qu’une formalité destinée à permettre à Pierre Laurent de succéder à Marie-George Buffet, allons-nous marquer ce 36ème congrès du sceau de la rupture avec toutes les tentations sociales-démocrates et réformistes engagées lors du fameux congrès de Martigues en 2000 ? Allons-nous pouvoir, réfléchir, débattre et décider ensemble, fraternellement, sans contrainte et sans encadrement (même s’’il y a quatre fenêtres) ? Allons-nous pouvoir « entrer et sortir » de la base commune proposée par le C.N. ? Allons-nous pouvoir attendre que tous les textes soient à la disposition des adhérents avant que ne soit « cadré » le débat autour du seul texte de la direction nationale ? La période y serait pourtant propice puisque nous ne sommes pas sous la pression des calendriers électoraux, des institutions, des élus et des élites. Mais si cela s’avérait impossible, je ne vois pas comment, alors, nous pourrions parler d’un parti transformé par rapport à l’époque des résolutions prises par les comités centraux lors des congrès dans les années 70 ? La « proposition d’une base commune » votée par seulement 80 membres du C.N. (233 ayant été élus au dernier congrès) commence déjà mal ! Je cite : « Les apprentis sorciers du capitalisme ne parviennent pas à faire face à leur propre crise » ! Serait-ce à considérer que les capitalistes ne savent pas ce qu’ils font ? Ils ne sont pas des « apprentis sorciers » mais de vrais professionnels qui, non seulement, font face mais pire, organisent la « crise ». Laissons donc la sorcellerie et ses sorciers se débrouiller ou en découdre avec le Vatican et les contes pour enfants ! Il n’en reste pas moins qu’à partir de cette phrase se révèlent bien des « erreurs » d’analyse par rapport à l’évolution, la nature et la stratégie actuelle du capitalisme. Erreurs qui ne peuvent conduire alors, qu’à de bonnes / fausses réponses et par conséquence, à des choix erronés de ripostes à lui opposer même si ces derniers peuvent sembler être de « bonne foi » et teintés d’humanisme. Il en est de même, dans ce texte, avec la notion de « marchés » qui sont représentés comme une force obscure, une main invisible telle la main de Dieu. Bref, nous sommes dans les mystères de la foi ce qui pour des marxistes reste, pour le moins, insuffisant. Allons donc au vif du sujet. Le texte nous invite et appelle le peuple à « rallumer les étoiles ». Or, on ne regarde pas les étoiles lorsque l’on a un caillou dans la chaussure. Et combien de cailloux dans leurs chaussures ont notre peuple et tous les peuples d’Europe ! Rien que dans notre pays 5 millions de personnes sont privées d’emploi, plus de 10 millions sont pauvres, travailleurs, retraités y compris. Et que dire à l’échelle européenne ? L’Europe ou plutôt l’Union Européenne est, encore plus devenue, depuis l’adoption du TSCG une entité essentiellement technocratique, fédérale et autoritaire, imposant à des États, rendus à un rôle de simples filiales sans aucun pouvoir, un plan de réajustement structurel dans un seul cadre possible, le capitalisme. Aucune nation, aucun peuple d’Europe ne peut choisir librement une autre loi que celle de l’économie capitaliste de marché. Rallumer les étoiles, comme espérer que la majorité des pays formant l’Union Européenne donne spontanément et librement le pouvoir à des forces, membres du parti de la gauche européenne, c’est comme espérer qu’en 2350, nous sortirions spontanément de la crise et que s’ouvrirait alors la voie du changement. Parallèlement, nous assistons à une recomposition de la vie politique avec comme aiguillon idéologique de la droite comme du P.S, une extrême droite recueillant, en France, plus de 6 millions de voix. Et ce dernier, ne rêvons pas aux étoiles, est loin d’avoir fini sa progression. On assiste d’ailleurs à une montée en puissance des mouvements réactionnaires et fascistes au sein de toute l’Europe. Or, l’histoire montre que le fascisme a toujours été choisi, en dernier recours, par le capitalisme pour sauvegarder ses intérêts. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que jamais la démocratie n’a été autant un obstacle à son propre développement. Aussi, si notre projet alternatif n’est pas à la hauteur de ce défi et de cette menace, nous risquons fort de voir arriver un pouvoir autoritaire. Voici, bien des cailloux dans nos chaussures, celles des peuples et du monde du travail. Vouloir rallumer les étoiles, avant de changer les ampoules qui doivent éclairer les phares de nos repaires idéologiques, c’est repousser, pour les siècles et des siècles, la nécessité, non pas comme le dit la base commune de « peu à peu envoyer le capitalisme aux oubliettes de l’histoire » mais bien de le renverser. Aussi, si l’intention humaniste, voir humanitaire, peut sembler louable, elle ne peut être notre seul credo, notre ligne politique et stratégique. De plus, et c’est un comble, la question centrale et fondamentale, celle qui est la raison de notre engagement et de notre militantisme et qui reste la seule alternative au capitalisme, le communisme, est absente du débat ! Alors, pour pouvoir passer rapidement sur le sujet on nous parle de partage des richesses, de partage de pouvoir, de partage du savoir… Mais pour partager avec qui ? Les capitalistes ? 20 ans après l’échec d’une expérience de « socialisme » d’État, caricature du communisme, avec un « communisme » chinois sur lequel nous ne prenons aucune position, qu’appelons-nous, nous, communisme ? Cela fait 20 ans que nous refusons d’avoir ce débat. Ne pourrait-on dire que les pays socialistes ont échoué pour avoir nié et abandonné la lutte des classes et le marxisme, comme l’ont fait, dans une certaine mesure, certains dirigeants (voir la mutation portée par Robert Hue, merci Robert, ta conversion m’a conforté dans mes convictions). Aussi, parler de « nouvel âge de la lutte des classes » est une supercherie ou une manière de tenter une rédemption pour celles et ceux qui ont soutenu lors du congrès de Martigues la mutation et qui, ensuite, au 34ème congrès ont souhaité la métamorphose du parti. Ceux-là, n’ont toujours pas désarmé même s’ils se parent, aujourd’hui, d’une intention nouvelle, construire le parti humaniste de « L’humain d’abord ». Et ne serait-il pas temps de faire preuve d’audace et d’éclairer les citoyens et les peuples sur le fait que le capitalisme a opéré depuis des décennies et dans une lutte des classes jamais apaisée, une réorganisation accélérée par la chute des pays du « bloc de l’est » et une intégration de la Chine à l’économie de marché. N’est-il pas temps de faire la clarté sur la crise ? CRISE : « Période difficile traversée par un individu, un groupe ou une société ». Donc, le capitalisme serait en crise depuis 30 ans. Disons-le à gorge déployée, « il n’y a pas de crise ! » ; il y a un système d’exploitation, d’aliénation, conduisant à une domination (je mets volontairement les choses dans l’ordre). La crise, c’est eux. Ce n’est pas une crise mais bien un moyen de rechercher le profit maximum. Même l’être humain, nous disent-ils, aurait un coût ! Et les usines seraient des centres de coût. Quant au coût du travail, il n’y a pas de coût du travail. Revenons à Marx, et à la notion de plus-value et à ses propositions alternatives, sans limiter son apport à de simples « anticipations » mais bien à toute son œuvre. Et ce, dans tous les domaines, économiques, sociologiques et politiques. Dans la base commune proposée, la place et le rôle du marxisme sont relégués au même niveau, voir considérés avec moins d’importance que Jaurès, ce qui n’est pas politiquement juste. Il faut remettre Marx à sa place au sein du parti et puisque 2013 sera le 130ème anniversaire de sa mort (physique, sa mort), j’espère que nous célébrerons l’évènement comme certains semblent souhaiter célébrer les 50 ans du concile de Vatican 2, ce qui me semble pour le moins incongru de la part de notre parti. Nous ne sommes pas à l’offensive dans cette guerre idéologique. Nous nous déterminons toujours et encore en fonction de ce que l’adversaire nous impose. Ce dernier nous enferme dans son débat, ses thèmes et ses institutions. Il nous raconte l’histoire du coût du travail, du coût des pseudos « charges » sociales. Et nous cherchons à inventer des mots, des concepts, voir des grimoires, pour déjouer le charme maléfique du vilain sorcier capitaliste. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom ? Nous connaissons les causes et les responsables, les coupables de ce qui mène l’humanité à la barbarie. C’est une oligarchie (Oligarchie = « Régime où le pouvoir est détenu par quelques individus »). Et qui dit oligarchie dit oligarques, qui sont-ils ? Des noms, je veux des noms, le peuple veut des noms ! Mario Draghi, président de la B.C.E, José Manuel Barroso, président de la commission européenne, Christine Lagarde présidente du FMI, Jean-Claude Junker, président de l’euro groupe, Jean-Claude Trichet nommé, après son départ de la B.C.E., le 26 janvier 2012, au Conseil d’administration d’EADS comme représentant, en remplacement d’Arnaud Lagardère, de la Sogeade, structure qui porte les intérêts des actionnaires français et la liste pourrait être bien plus longue, des dirigeants italiens aux dirigeants grecs. Quant aux fameux marchés comme l’écrit Geoffrey Geuens, ils ont bien un visage : « … Il ne restait plus alors qu’à redorer le blason injustement souillé des dignes représentants de l’oligarchie. Comment ? En les nommant à la tête de commissions chargées d’élaborer de nouvelles règles de conduite pour les marchés, pardi ! De M. Paul Volcker (JPMorgan Chase) à M. Mario Draghi (Goldman Sachs), en passant par M. Jacques de Larosière (AIG, BNP Paribas), Lord Adair Turner (Standard Chartered Bank, Merrill Lynch Europe) ou encore le baron Alexandre Lamfalussy (CNP Assurances, Fortis), tous les coordinateurs chargés d’apporter une réponse à la crise financière entretenaient des liens étroits avec les plus importants opérateurs privés du secteur ». Voilà, certains des chefs de guerre de la lutte des classes du côté capitaliste. Cette lutte des classes qui n’a jamais disparu contrairement à ce que qu’ont voulu nous faire croire ces dirigeants du parti qui en souhaitaient la métamorphose. Et les capitalistes le savent bien, eux, dont un des représentants, Warren Buffet, 3ème fortune mondiale, déclarait : « Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner ». Ne pas aborder ces questions c’est, de fait, repousser aux calendes grecques toute perspective de changement et de révolution citoyenne. « Rallumer les étoiles » comme manière de rendre inaccessible un objectif, les étoiles étant, par définition, bien lointaines ? Autrement dit, « le changement, c’est pas maintenant ». La base commune nous propose donc, comme je l’ai déjà dit plus haut, comme communisme, un partage des richesses, des pouvoirs et du savoir alors qu’il nous faut récupérer ce qui n’est que notre dû ! Proposer cela c’est, sans le dire et sans l’avouer, travailler d’une manière réformiste dans un mouvement lent et rotatif qui ne produira que du sur place. Il nous faut aujourd’hui réinterpréter au quotidien ce qui produit du communisme (mise en commun du bien public et de la propriété) donc de l’anticapitalisme. Nous, nous voulons prendre avec les citoyens le pouvoir, les richesses dans une démocratie citoyenne et sociale (c’est différent). A partir de là, nous comprenons mieux pourquoi le texte fait référence à Jean Jaurès de manière aussi opportuniste que « prioritaire ». Jaurès fut un grand leader socialiste qui fait partie de notre patrimoine car nous sommes effectivement issus de la matrice socialiste. Il est aussi le symbole de l’unification du mouvement socialiste et ouvrier de son époque. Grand pacifiste, il n’aura pas pu, néanmoins, empêcher la boucherie de 1914-1918. Il pensait aussi pouvoir remettre en cause le capitalisme par la seule voie parlementaire. Mais la plus grande partie des élus socialistes l’a trahi en s’engageant pour la « grande guerre ». Un autre évènement va faire se réaliser ce que Jaurès souhaitait. En 1917, Lénine et les communistes russes en accédant au pouvoir, créent les conditions qui mettront fin à la guerre. Lénine réalise ce que Jaurès n’est pas parvenu à réussir. Ne pas considérer l’apport de Lénine autant que celui de Jaurès dans notre Histoire, c’est arrêter cette Histoire ou retourner avant le congrès de Tours qui décida de la création de notre parti et de l’existence à gauche d’une composante communiste autonome. Ne faisons pas porter à Lénine et à la révolution d’octobre, l’échec de l’U.R.S.S, cela n’a aucun rapport ! Et arrêtons de réviser l’Histoire. Honnêtement, je pense qu’il n’est pas fortuit que ce texte place Jean Jaurès comme penseur prioritaire du socialisme. Pas fortuit non plus de limiter le rôle de Karl Marx à une seule vision anticipatrice et donc à occulter le fait, que nous sommes le résultat d’un mouvement et d’une organisation révolutionnaire ! C’est ainsi que sur la question du communisme le texte cherche à inventer l’eau chaude et, comme nous n’y parvenons pas, le texte est tiède et attrape-tout. Or, face à la lutte des classes, il ne faut pas être consensuel, il ne faut pas être tiède, « Dieu vomit les tièdes ». C’est pour tout cela, entre autres, que je ne voterai pas pour le texte du C.N.
Un parti communiste organisé et autonome dans un Front de gauche à vocation majoritaire
Le parti socialiste est en phase terminale dans sa mutation et dans sa « mise à jour » et en conformité avec l’ensemble des partis sociaux-démocrates et sociaux-libéraux d’Europe occidentale. Il n’a plus pour objectif la transformation « socialiste » de la société. Pire, il s’inscrit dans l’Europe libérale et fédérale. En France, il pousse les feux du bipartisme en organisant des primaires à gauche lors des dernières élections présidentielles. L’émergence du Front de Gauche peut être, pour notre peuple, le levier pour déjouer le partage, en alternance, du pouvoir entre le P.S. et l’U.M.P. pour mettre en œuvre des politiques au service du système capitaliste. Le Front de Gauche marque une rupture avec l’existence durant des décennies, d’une conception de l’union des forces de gauche qui fonctionnait avec des rapports dominants / dominés entre le P.S. et le P.C.F. L’écueil à éviter est que le Front de Gauche ne soit transformé en parti ou en structure en faisant office. Il doit être considéré comme un mouvement populaire plus que comme un mouvement organisé. Les partis qui le composent doivent conserver leur autonomie, leur nature et leur propre programme. Et aussi, pourquoi vouloir limiter le Front de Gauche en le réduisant à une traduction électorale et institutionnelle ? Sauf, à vouloir faire rentrer par la fenêtre, la fameuse métamorphose que certains souhaitent ardemment et qui est rejetée par la majorité des communistes, le Front de Gauche ne peut être réduit à de petites ambitions électoralistes et instrumentalisé sauf à désirer la « mue » de l’organisation communiste. Le Front de Gauche marque une rupture avec l’existence, durant des décennies, d’une conception de l’union des forces de gauche qui fonctionnait avec des rapports dominants / dominés entre le P.S. et le P.C.F. intégrée aux institutions. Dans ce rassemblement, notre parti doit jouer un rôle déterminant et doit exister, se renforcer et se déployer avec son identité communiste, ses propositions et des idées dans le cadre de son combat de classe pour transformer la société. Donc, plutôt qu’une coopérative qui est une structure, il me semble qu’une coordination, comparable au Conseil National de la Résistance entre 1940 et 1945, serait plus appropriée et de nature à ne pas remettre en cause les partis qui composent le Front de Gauche, dont le nôtre. Notre vocation internationaliste doit s’exprimer et exister en direction de toutes les forces progressistes et alter mondialistes mais elle ne peut exclure des partis communistes. L’attitude à l’égard du K.K.E. (parti communiste grec) est, de ce point de vue, méprisante. Avoir des désaccords avec le K.K.E. ne justifie pas que l’on traite les communistes grecs comme des parias. Et ce, d’autant plus, que nous entretenons des relations avec le parti communiste chinois que Pierre Laurent a visité cet été. Et cela vaut pour tous les partis communistes. Et il n’appartient aucunement aux partis de la gauche européenne de nous dicter notre politique de relations internationales et inter-communistes, cette dernière appartient aux communistes français. Contrairement à ce qui est écrit dans le texte de base commune présenté par le C.N., les difficultés et les épreuves ne sont pas terminées pour les communistes. D’autant plus que beaucoup de nos difficultés proviennent de nous-mêmes, d’un complexe qu’il nous faut dépasser pour affirmer, sans complexe, ce que nous sommes ! De notre refus, notamment, de débattre sur le communisme et notre propension, à nous déterminer plus, à partir de ce que l’on pense de nous qu’à partir de notre propre politique. De notre difficulté à fonctionner, englués que nous sommes dans les institutions. Relisons ce qu’a écrit Louis Althusser. De notre fonctionnement hiérarchique et parfois de l’apparition de « clans » qui sont l’exacte reproduction élitiste de la société. Nous sommes 130.000 adhérents depuis des années même avec 45.000 nouvelles adhésions en 7 ans, ce qui fait 6.400 par an. Nous rencontrons donc un réel problème de fidélisation et de vie du parti. Quoi qu’il en soit le P.C.F., avec le Front de Gauche est désormais, à gauche, la seule force alternative. Notre 36ème congrès saura-t-il nous permettre de la mettre réellement à l’offensive ? Déjà, Lénine, répondant aux dirigeants communistes italiens qui critiquaient l’action révolutionnaire de Rosa Luxembourg « Cette dirigeante est un aigle et on peut voir les aigles descendre dans un poulailler mais rarement des poules s’élever dans le ciel ». |
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