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Histoire du mouvement social et communiste

Vendredi 8 Mai 2015

Alors que la France fête la Libération, l’un des plus effroyables épisodes de la répression coloniale débute à Sétif, Guelma et Kherrata


Sétif 1945, un massacre colonial
Un vent nouveau se lève ! La ­victoire sur le nazisme n’annonce-t-elle pas une ère de liberté ? Ce 8 mai 1945, à Sétif, c’est la liesse. On fête la Libération, à laquelle les tirailleurs algériens, comme d’autres soldats coloniaux, ont pris une part décisive. Comme la défaite de Sedan, qui avait emporté le second Empire et allumé l’insurrection dans la colonie, la capitulation de 1940 a porté un coup sérieux au prestige de la « mère patrie ». Cette France qui maintient depuis plus d’un siècle les ­Algériens sous son joug colonial n’est donc pas invincible...

Mais l’heure est à la célébration de la victoire alliée. À l’ombre des bâtiments officiels pavoisés la veille, la foule converge vers l’avenue Georges-Clemenceau, la grande artère du centre-ville. Lycéens et collégiens chantent à tue-tête. Un cortège se forme, il prend la direction du monument aux morts, où doit se tenir la cérémonie officielle. Puis aux slogans de liberté se mêlent des mots d’ordre nationalistes : « À bas le colonialisme ! », « Vive l’Algérie libre et indépendante ! ». Des militants du PPA réclament la libération de leur chef, Messali Hadj, arrêté le 23 avril 1945 et déporté à Brazzaville. On entonne Min Djibalina (de nos montagnes), l’hymne des indépendantistes. Un jeune scout, Saal Bouzid, brandit une bannière vert et blanc, frappée d’un croissant et d’une étoile rouges. C’est le drapeau algérien symbolisant l’Étoile nord-africaine, berceau du mouvement de libération nationale. Il avait été confectionné pour la première fois le 14 juillet 1937 par Émilie Busquant, l’épouse de Messali. Pour les autorités coloniales, c’est la provocation de trop. Les policiers, qui ont reçu l’ordre de se saisir de l’étendard nationaliste, tirent. Saal Bouzid s’effondre, fauché par les balles. Des manifestants tombent. Le défilé pacifique se mue en émeute

Les miliciens ou policiers pillent, volent, tuent à grande échelle

Présent ce jour-là, le poète Kateb Yacine dépeint dans son roman Nedjma la confusion dans laquelle se noue cette tragédie coloniale : « Les automitrailleuses, les automitrailleuses, les automitrailleuses, y en a qui tombent et d’autres qui courent parmi les arbres, y a pas de montagne, pas de stratégie, on aurait pu couper les fils téléphoniques, mais ils ont la radio et des armes américaines toutes neuves. Les gendarmes ont sorti leur side-car, je ne vois plus rien autour de moi. » Alors que se répand la nouvelle de l’assassinat du porte-drapeau, la révolte gagne toute la ville, puis les campagnes avoisinantes. La population européenne est prise pour cible, dans une explosion de colère et de vengeance longtemps contenues. Ces émeutes coûtent la vie à une centaine d’Européens, pour la plupart des civils. En réponse au soulèvement qui s’empare du Nord-Constantinois, la répression conduite par le général Duval mobilise la marine et l’aviation. Elle est d’une rare ­férocité. L’armée ratisse les villages, cibles de bombardements aériens. À Guelma, des Européens s’organisent, toutes tendances politiques confondues, en milices. Avec la bénédiction du sous-préfet André Achiary, qui met sur pied, en dehors de toute légalité, des tribunaux expéditifs baptisés « comités de salut public ». Les arrestations et les exécutions sommaires des Algériens soupçonnés d’être impliqués dans l’insurrection s’accompagnent de véritables razzias. Les tueurs, miliciens ou policiers, pillent, volent, massacrent à grande échelle. On fait disparaître des corps. Au sud de Guelma, des centaines de cadavres sont déterrés et brûlés dans les fours à chaux de Marcel Lavie, entrepreneur et conseiller général, rapporte Jean-Pierre Peyroulou (1). Pour cet historien, les milices d’Achiary forment le creuset d’une « culture politique séditieuse » préfigurant l’OAS.

Combien de morts ? Comme pour Thiaroye, en 1944, comme pour Madagascar, en 1947, la question de l’impossible bilan hante la mémoire de ce terrible déchaînement de violence coloniale. Il se « situerait dans une fourchette de quinze à vingt mille victimes. Le caractère massif de la répression explique cette imprécision. Il rend très aléatoire, en effet, le décompte des morts », écrit l’historienne Sylvie ­Thénaut (2). Ce tragique 8 mai 1945, inscrit en lettres de sang dans la conscience d’une nation naissante, est un point de non-retour. Comme un prologue à la guerre d’indépendance algérienne déclenchée neuf ans plus tard.

Pour la première fois, le 19 avril dernier, un membre du gouvernement français s’est rendu à Sétif pour un geste de commémoration, soixante-dix ans après le massacre. « En me rendant à Sétif, je dis la reconnaissance par la France des souffrances endurées et rends ­hommage aux victimes algériennes et européennes de Sétif, de Guelma et de Kherrata », a expliqué Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État aux Anciens Combattants et à la Mémoire, en reprenant les termes choisis par François ­Hollande lors de sa visite officielle en Algérie, en 2012. Une reconnaissance timide et tardive, qui occulte toujours la nature criminelle de toute entreprise coloniale. En Algérie, la ­mémoire de cette insurrection écrasée dans le sang demeure comme une blessure à vif. Sur cette plaie, Randa El Kolli, une jeune dramaturge de Sétif, a posé ces mots : « Du côté de chez moi, il n’y a pas d’étoiles, il y a juste une lune. Une seule lune. Guetteuse de massacres et de guets-apens. »

(1) Jean-Pierre Peyroulou, Guelma, 1945. 
Une subversion française dans l’Algérie coloniale, La Découverte, 2009.

(2) Sylvie Thénaut, Histoire de la guerre d’indépendance algérienne, Flammarion, 2005.

http://www.humanite.fr/setif-1945-un-massacre-colonial-573457

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