Chers camarades,
C'est avec un grand plaisir qu'au nom du Parti communiste français, je vous adresse, ainsi qu'à nos camarades du Parti communiste portugais qui nous accueillent si chaleureusement, notre fraternel salut ici, à Lisbonne, où le vent de la Révolution d'avril souffle à nouveau.
Le peuple portugais, dans de puissantes et larges mobilisations, entend se libérer des politiques mortifères d'austérité, et de régression sociale et démocratique que les tenants d'une Europe du capital, plus discréditée que jamais, veulent lui imposer comme à tous les peuples d'Europe.
La France n'échappe pas à cette menace, et c'est pour la combattre que notre peuple en 2012 a chassé du pouvoir Nicolas Sarkozy et la droite la plus revancharde que notre pays ait connu depuis 1945 et qui ont attaqué toutes les conquêtes sociales et démocratiques de notre peuple. Ils ont, d'un commun effort avec la droite allemande dirigée par Angela Merkel, voulu faire plier tous les peuples européens sous la férule du capitalisme financier.
Au printemps 2012, le PCF et ses alliés du Front de gauche ont largement contribué à la défaite cuisante de Nicolas Sarkozy. Nous avons rassemblé nos forces au 2e tour à celles de toute la gauche pour battre Nicolas Sarkozy, sans illusion aucune sur les choix qui seraient mis en œuvre par François Hollande.
Si certains en Europe se sont bercés d'illusions sur les conséquences de l'élection de François Hollande. Nous n'en étions pas. Nous avons refusé de participer à un gouvernement qui n'aurait pas pour ambition de rompre avec l'austérité ni de prendre le parti des travailleurs contre les forces du capital. Nous avons décidé que nous jugerions les actes du gouvernement, et agirions au Parlement et dans la rue à cette aune : l'intérêt des travailleurs, l'intérêt du pays contre celui des banques, des multinationales et du patronat.
De fait, le premier geste du nouveau président a été de ratifier le pacte budgétaire européen sans en changer une ligne et de se plier aux injonctions de la réduction des dépenses publiques, de compétitivité et de flexibilité.
Nous avons combattu l'adoption du traité budgétaire, l'Accord national interprofessionnel, une nouvelle réforme des retraites – d'ailleurs rejetée il y a trois jours au Sénat.
Chaque combat nous l'avons mené en montrant que l'alternative à ces choix existe. Et nous le poursuivons sur le plan des idées et de l'action et engageons une grand campagne nationale contre le coût du capital.
Les politiques « austéritaires » de l'Union européenne, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, ainsi que la sacralisation du principe de la concurrence libre et non faussée fissurent le socle de l’État social presque toujours né dans l'après-Guerre ou après la chute des régimes fascistes comme au Portugal, en Espagne et en Grèce.
La crise du capitalisme, « leur » crise, a permis d'accélérer le démantèlement des acquis sociaux et démocratiques. En France, comme dans de nombreux pays d'Europe, le mouvement social ne se laisse pas faire. Il résiste dans un contexte difficile de désespoir collectif organisé et entretenu par les gouvernements en place, les forces de droite, l'extrême droite, un grand patronat très mobilisé qui a ses relais dans la presse.
C'est pourquoi nous voyons comme extrêmement positives et importantes les positions de la Confédération européenne des syndicats qui a pour la première fois rejeté le dernier traité européen. De même que les mobilisations citoyennes qui dans certains de nos pays ont accepté de dialoguer et d'agir avec nos partis et organisations. C'est nouveau et c'est porteur d'espoir.
La mobilisation contre l'accord transatlantique, dans notre pays, s'organise et nous participons activement à la campagne de révélations et de mobilisation qu'il faut faire grandir pour mettre en échec ce projet. Après avoir fait retirer la culture de cet accord, un large rassemblement associatif, citoyen, syndical et politique est en train de se développer, et on y retrouve tout l'arc des forces progressistes qui nous avait permis de rejeter le Traité Constitutionnel en 2005.
Les choix sociaux-libéraux assumés du président français et de son gouvernement se traduisent aussi dans une politique étrangère qui repose sur trois piliers : la conquête de parts de marché pour des multinationales qui n'ont plus de françaises que le nom, l'« otanisation » de notre Défense, de celle de l'Europe, et de notre politique étrangère, enfin la militarisation des relations internationales pour asseoir des rêves de « puissance moyenne » que serait selon eux la France.
Certes, la crise syrienne, comme la situation dans toute la région du Proche et Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord pose des questions globales sur les enjeux de sécurité internationale aujourd'hui, et sur la nécessité d'une mise en cause des politiques de puissance et des logiques de force.
Et, nous savons bien, combien les stratégies néo-impérialistes à l’œuvre dans cette région du monde et ailleurs ont des effets dévastateurs et déstabilisateurs, lourds de dangers pour les peuples.
Mais autant il nous faut développer notre solidarité avec les révoltes populaires et démocratiques face à des régimes d'oppression et despotiques, autant nous devons affirmer avec force notre rejet de toute intervention étrangère.
Le Mali est aussi un exemple de la manière dont la France conçoit ses relations avec les pays africains et son rôle sur le continent africain.
Faisant fi de la responsabilité de la France, de l'UE, du FMI, des Américains... dans le délitement de la société malienne et la faillite de l’État malien, l'intervention militaire française était un pis aller parmi tous les moyens à mettre en œuvre, depuis des années, pour empêcher la pénétration de groupes djihadistes dans la société L'avenir du Mali appartient aux Maliens et c'est à cette tâche que la France devrait s'atteler en commençant par renoncer à une politique et à des pratiques d'un autre temps.
Et je ne parle pas ici de la honte et la colère qu'a suscitées en nous le fait que notre gouvernement interdise au président Morales le survol du territoire français. Les prétextes et justifications avancés pour justifier cet acte d'agression caractérisé et cette violation du droit international sont éloquents du degré de soumission aux principes atlantistes alors qu'il s'agit aujourd'hui pour la France d'en sortir définitivement.
Les expériences en cours en Amérique latine nous montrent comment, depuis plus de 15 ans, grâce au développement des luttes et mobilisations populaires, des gouvernements de gauche et progressistes ont pu prendre le pouvoir politique et mettre en place des stratégies de développement qui ont fait reculer l'hégémonie étasunienne et le néolibéralisme.
Les avancées démocratiques, économiques et sociales sont sans précédent : la réappropriation des ressources naturelles, la mise en place des programmes de développement humain qui ont sorti des millions de personnes de la pauvreté, les nationalisations des secteurs stratégiques et d'importantes avancées démocratiques et des droits des travailleurs. Il n'y avait jusqu'ici qu'à Cuba que de telles avancées avaient été rendues possibles.
Les communistes, quelle que soit la situation dans laquelle ils sont placés, n'ont pas pour vocation de protester, certes il faut le faire, mais d'inventer, de proposer des solutions, d'agir et de rassembler pour partout ouvrir un chemin à l'émancipation.
Notre ambition est de rendre confiance et courage dans leurs forces aux travailleurs, aux salariés, aux ouvriers femmes, précaires et jeunes.
En 2013, comme au début du 20e siècle, c'est la confiscation du pouvoir économique et politique dans quelques mains qui pose problème. La bataille aujourd'hui est que le pouvoir revienne vraiment, au peuple, partout, dans tous les lieux où la bourgeoise et le patronat l'en ont spolié mais aussi là où il en a toujours été privé, c'est-à-dire à l'entreprise et dans les lieux de travail.
Les institutions nationales et européennes sont à bout de souffle – la Ve République française, un régime présidentialisé, personnalisé est devenu un obstacle à la vie démocratique. Nous voulons la dépasser. Elles ont montré qu'elles n'étaient nullement un rempart au néo-libéralisme, puisqu'elles en sont les défenderesses.
Nous travaillons à impulser les fronts les plus larges possibles contre l'Europe de l'austérité. C'est tout le sens que nous donnons à une refondation qui, basée sur de profondes ruptures avec les traités actuels de l'UE, porte l'exigence d'une tout autre conception régionale fondée sur la solidarité des peuples et le progrès social, économique, écologique et démocratique pour tous.
C'est bien parce que c'est la logique même du système qui est aujourd'hui au cœur des crises sociales, économiques, politiques, démocratiques que les forces du capital n'ont aucun scrupule, à nouveau, à laisser grandir la menace fasciste ; menace qui se nourrit du désarroi et des déceptions que les politiques libérales engendrent. Nous sommes lucides. Ce combat exige un changement de cap complet de la politique du gouvernement français, et un rassemblement inédit à gauche. Mais qu'on ne compte pas sur nous pour laisser les peuples européens se faire diviser et opposer, dans la haine, les uns aux autres.
Les élections municipales, puis quelques semaines plus tard et dans d'autres conditions, les élections européennes, vont être en France des moments importants : beaucoup sera fait pour affaiblir encore toute capacité de résistance et de conquête populaire. Partout dans le pays les communistes ont préparé cette échéance, et vont préparer la suivante, avec 3 objectifs clairs : battre la droite, barrer la route à l'extrême-droite, gagner des majorités de gauche anti-austérité pour mettre l'humain au cœur des choix de société.
« Le communisme est la jeunesse du monde » écrivait Paul Vaillant-Couturier, notre tâche est immense, et quels que soient les chemins que nous prenons dans nos pays, quelles que soient les appréciations que nous pouvons porter les uns et les autres sur nos choix nationaux, il est essentiel qu'existent des espaces comme celui dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui.
Des espaces qui, pensons-nous, peuvent permettre aux forces progressistes d'agir pour la transformation de nos sociétés, pour dépasser un capitalisme porteur de véritables reculs de civilisation pour l'humanité.
Chers amis et camarades,
nous avons besoin d'internationalisme, de cet internationalisme qui a toujours fait partie de notre identité communiste en contribuant aux plus larges rassemblements de celles et ceux qui se sont battus hier et qui se battent aujourd'hui pour faire vivre leur idéal communiste. Notre internationalisme peut prendre des formes nouvelles, il demeure ce même lien de lutte et de fraternité qui nous unit.
Nous le disons ici, au Portugal, la patrie d'Alvaro Cunhal, ce grand révolutionnaire qui a su, à la tête du Parti communiste portugais et, au moment où d'autres peuples se libéraient eux aussi du joug des dictatures fascistes, porter l'aspiration des travailleurs et du peuple portugais à prendre le chemin de la liberté, de l'égalité, de la justice sociale et de la démocratie.
Merci.