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Nicolas Maury Militant PCF Istres






 



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Le candidat républicain aux élections présidentielles, le sénateur John McCain d’Arizona, est régulièrement qualifié dans les médias américains de « héros de la guerre du Vietnam ». Au cours des derniers mois, son rival démocrate, le sénateur Barack Obama, a introduit sa critique des positions politiques de McCain en reconnaissant en lui un « véritable héros de guerre », « un homme qui a héroïquement servi son pays » et « un héros américain dont nous honorons les états de service militaire »


McCain : 'Je suis un criminel de guerre. J'ai bombardé des femmes et des enfants innocents'
Le jugement politique traditionnel pourrait associer une telle rhétorique à l’embellissement de leur candidat par les républicains ou à une tactique venant d’un candidat démocrate manquant d’expérience militaire, mais les mots ont une signification politique plus large et plus sinistre.

Quelle est la source objective de la désignation de McCain comme « héros de guerre », titre qu'il a transformé en carrière politique couronnée de succès, soutenue par la fortune familiale de sa deuxième femme et encouragée par le promoteur corrompu de l'Arizona Charles Keating ?

McCain, fils et petit-fils d’amiraux à quatre étoiles, a été, durant presqu’une décennie, engagé dans une carrière plutôt anonyme de pilote de la marine, lorsqu’il a été abattu au-dessus du Vietnam du Nord en octobre 1967, ce qui l’a conduit durant les cinq années et demie suivantes dans un camp vietnamien pour prisonniers de guerre.

Avant que son appareil ne soit abattu, il avait fait environ 20 heures de vol en combat dans le ciel vietnamien, larguant des bombes hautement explosives sur les villes et les populations lors de courtes sorties à partir d’un porte-avion américain opérant dans la mer de Chine du Sud.

Il s’était porté volontaire pour l’opération « Tonnerre roulant » ordonnée par l’administration démocrate du président Lyndon Johnson afin de briser la volonté du peuple vietnamien. Le but était de détruire l’économie et les infrastructures du pays et de tuer et blesser le plus grand nombre possible de ses citoyens.

Avant la fin de la guerre, les avions de guerre américains avaient largué près de huit millions de tonnes d’explosifs – quatre fois plus que le nombre total de bombes largué durant toute la Seconde Guerre mondiale – dans un pays de la taille approximative de l’État du Nouveau-Mexique. Cette campagne de bombardement, la plus intense et la plus soutenue de l’histoire, a dévasté les villes du Vietnam et détruit son infrastructure industrielle ainsi que ses réseaux de transport et de communication.

Avant la fin de la guerre, quelque cinq millions de Vietnamiens étaient tués, beaucoup d’entre eux victimes des bombardements américains.

Dans son livre Vietnam, le journaliste vétéran Stanley Karnow rapporte la description d’un bombardement par un paysan vietnamien : « Le bombardement a commencé vers huit heures du matin et a duré des heures. Lorsque nous avons entendu les explosions, nous nous sommes précipités dans les tunnels, mais beaucoup n’ont pas pu s’y rendre. Après que l’attaque se soit calmée, quelques-uns parmi nous sont allés voir ce que nous pouvions faire, et le spectacle était horrible. Les corps étaient déchiquetés, des membres pendaient des arbres et jonchaient le sol. Le bombardement reprit de nouveau, cette fois avec du napalm, et le village a pris feu. J’ai été touché par le napalm. J’avais l’impression que tout mon corps avait pris feu, comme un morceau de charbon. J’ai alors perdu connaissance. Des amis m’ont amené à l’hôpital et mes blessures n’ont commencé à guérir que six mois plus tard. Plus de 200 personnes sont mortes durant cette attaque, y compris ma mère, ma belle-sœur et trois neveux. Ils sont morts enterrés vivants lors de l’effondrement du tunnel. »

La description qui est faite ici n’est pas un acte d’héroïsme, mais un crime de guerre de la nation la plus puissante du monde contre un pays pauvre et historiquement opprimé.

Lorsque l’avion de McCain fut abattu, il terminait un tel raid aérien contre une centrale énergétique située dans une zone densément peuplée de Hanoi.

Que McCain ait survécu après s’être parachuté sur Hanoi témoigne de l’humanité du peuple vietnamien et cela ne fut possible que grâce à un travailleur vietnamien qui nagea jusqu’au pilote blessé qui avait atterri dans un lac, le transporta en sûreté avant qu’il ne se noie et le protégea d’une foule en furie.

On peut seulement imaginer la réaction des gens si un pilote étranger, dont le pays n’avait jamais été attaqué, était parachuté sur Phoenix ou sur toute autre ville américaine après avoir mené des bombardements ayant déchiqueté hommes, femmes et enfants, et réduit en miettes les maisons.

Lors d’une entrevue en 1997 à l’émission « 60 minutes » du réseau CBS, McCain a franchement admis: « Je suis un criminel de guerre ; j’ai bombardé des femmes et des enfants innocents. » C’était une déclaration honnête, mais loin d’être un argument en faveur de sa présidence.

Ses crimes de guerre ne découlent pas de ses seuls actes personnels, qui furent certes aussi dévastateurs que My Lai même s’il opérait d’une plus grande distance. Il s’agit plutôt du caractère objectif de la guerre elle-même. De nombreux éléments aux plus hauts échelons du gouvernement, de l’armée, des agences de renseignement et des deux principaux partis, tenaient clairement une bien plus grande part de responsabilité dans la guerre d’agression criminelle et contre-révolutionnaire au Vietnam.

L’élite dirigeante américaine tente depuis plus de trois décennies de réviser l’histoire de la guerre du Vietnam afin de masquer sa propre responsabilité dans les plus grands crimes de guerre commis depuis la chute des nazis et pour effacer de la mémoire politique toute trace de la défaite subie par l’impérialisme américain alors qu’il faisait face chez lui à une opposition de masse et à une explosion des luttes sociales.

Surmonter le « syndrome du Vietnam » a été le but avoué de l’élite dirigeante depuis au moins la première administration Bush. Les gens dans l’élite dirigeante espéraient que la première Guerre du golfe Persique et ensuite l’invasion de l’Irak contribueraient, en quelque sorte, à balayer la répugnance populaire aux guerres d’agression américaines qui fut l’héritage de la guerre du Vietnam.

Malgré l’admission de McCain en 1997, sa glorification comme héros de guerre a constitué une grande partie de cet effort, et ses propres conceptions sur la guerre du Vietnam ont joué un rôle décisif dans ses prises de positions face à l’Irak et face à une nouvelle guerre potentielle contre l’Iran.

Un article publié dans le New York Times dimanche, fondé sur un essai écrit par McCain en 1974 alors qu’il fréquentait le Collège de guerre nationale, approximativement une année après sa remise en liberté, donne un nouvel aperçu des leçons tirées par McCain de son expérience épuisante et formatrice au Vietnam. Même si plusieurs officiers avaient conclu que les Etats-Unis n’auraient jamais dû envoyer des forces de combat au Vietnam, l’essai de McCain « mettait l’accent sur l’échec à gagner le soutien du public pour la bataille, » selon le Times.

Il a critiqué les prisonniers de guerre qui « questionnaient la légalité de la guerre » comme étant « des avantages facilement accordés à la propagande communiste » et il a blâmé les « forces qui entraînent la division » aux Etats-Unis mêmes.

Comme antidote, il proposait un endoctrinement des troupes américaines concernant les objectifs de la politique étrangère du gouvernement, tout en admettant qu’« un programme de cette nature pourrait être interprété comme un "lavage du cerveau" », ainsi qu’une tentative plus agressive par le gouvernement pour habituer le peuple américain à « quelques faits de base de sa politique étrangère ».

Évidemment, des millions d’Américains, dont plusieurs dans l’armée, « questionnaient la légalité de la guerre » parce qu’elle était en fait une guerre d’agression. De plus, les travailleurs américains n’étaient pas prêts à continuer à faire les frais de cette guerre, qui a tué environ 60 000 soldats et en a laissé des centaines de milliers physiquement et mentalement détruits. Au même moment, les gens de partout à travers le monde voyaient la guerre comme un crime et une honte morale.

Un bon nombre de pilotes des forces aériennes et navales, cependant, avaient tiré des conclusions différentes sur la guerre. Le plus important parmi eux était le général Curtis LeMay, l’ancien chef de l’armée de l’air, qui était irrité par toute restriction à la guerre aérienne contre les Vietnamiens et qui avait suggéré que les Etats-Unis « les bombardent pour les faire revenir à l’âge de pierre ». Ces éléments étaient très critiques de l’administration Johnson depuis le début de la campagne « Tonnerre qui gronde », croyant que les Etats-Unis devaient imposer un bombardement intensif et implacable des villes vietnamiennes. Ils firent l’éloge de Nixon pour le déploiement de bombardiers B-52 sur Hanoi lors des bombardements de Noël en 1972, atrocité qui n’a pas réussi à briser la volonté du peuple vietnamien et a ouvert la voie au retrait des forces américaines du pays.

McCain a décrit son passage au Collège de guerre nationale, là où il a écrit son essai, comme la période de sa vie qui a vu la « fondation de ses principes » sur la question de la guerre et de la politique étrangère. Sa conclusion essentielle était que les Etats-Unis auraient pu gagner la guerre du Vietnam s’ils avaient adopté une autre stratégie militaire et qu’ils n’avaient pas plié devant les « forces de division », parmi lesquelles il inclut le mouvement anti-guerre, les médias et le Parti démocrate.

La réécriture de l’histoire du Vietnam par McCain est loin d’être unique. Elle fait partie d’une grande campagne idéologique qui dure depuis des dizaines d’années et qui a trouvé son expression dans des produits de la culture populaire comme les films de Rambo. Son but ultime est d’ouvrir la voie à de nouvelles guerres d’agression américaines comme celle de l’Irak (de laquelle McCain a dit qu’il ne voyait pas de problème à ce que des soldats américains y participent pendant cent ans) et l’Iran, où il a exprimé son point de vue en chantant « bombarder, bombarder, bombarder… bombarder, bombarder l’Iran » sur l’air d’une vieille chanson des Beach Boys.

L’aide et l’impulsion qu’a données le Parti démocrate à cette campagne idéologique n’a pas commencé avec les éloges obséquieux de McCain en tant que « héros de guerre ». Pendant des dizaines d’années, le parti a été dominé par la crainte de voir la droite accuser son aile anti-guerre d’être responsable de la défaite de l’impérialisme américain.

Il vaut la peine de souligner que les républicains n’ont pas hésité au même moment à attaquer les réputations militaires de leurs rivaux. En 2004, lorsqu’ils ont formé les « vétérans pour la vérité » afin non seulement de dénoncer le président démocrate John Kerry pour s’être opposé à la guerre lorsqu’il est revenu du Vietnam, mais aussi pour jeter le doute sur l’existence même de la bataille pour laquelle Kerry a reçu la médaille Silver Star.

Quant à Kerry et les démocrates, ils ont fait de leur mieux pour faire oublier la campagne contre la guerre qu’avait menée le candidat présidentiel plus de trente années auparavant, le présentant comme un « héros de guerre » qui a su « défendre son pays ».

L’effet de cette rhétorique, comme la reconnaissance continuelle du passé militaire de McCain aujourd’hui, a été d’aider à réhabiliter la guerre du Vietnam.

Cette tentative de réhabilitation n’est pas fondée sur une nouvelle compréhension du passé, mais se base plutôt sur l’espoir que les souvenirs douloureux sont moins aigus et que la nouvelle génération est moins familière avec les terribles événements de cette guerre.

Au bout du compte, ce révisionnisme historique que pratiquent tant les démocrates que les républicains est dicté par le consensus existant au sein de l’élite dirigeante, peu importe les désaccords sur la tactique à prendre pour mieux défendre ses intérêts en Irak. Ils s’entendent sur le fait que la défense de la position stratégique de l’impérialisme américain exigera de nouveaux crimes de guerre, encore plus terribles.

Cela s’applique tout autant à Obama (qui a dit de l’Afghanistan que c’était « une guerre que nous devons gagner », proposé d’attaquer le Pakistan et appelé à une plus grande armée) qu’à John McCain.

Dans un contexte où les travailleurs américains sont confrontés encore une fois à d’intenses luttes sociales au pays et à la guerre à l’étranger, il est crucial de défendre la véritable histoire de la défaite de l’impérialisme américain.

Source: Mondialisation.ca

Nicolas Maury
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