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Vendredi 29 Janvier 2016
Rencontre avec un militant kurde incarcéré en Turquie puis en France, avec des détenus radicalisés. Il réside aujourd’hui à Marseille, ses convictions intactes
La quarantaine, des tempes grisonnantes et une parka noire sur les épaules, Ali (le prénom a été changé) a tout d’un homme ordinaire. Et pourtant son engagement au PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) lui a valu de la prison en Turquie mais aussi en France. « Je me suis engagé à l’âge de 17 ans pour la liberté de mon peuple », indique-t-il. Ce sont ses convictions, intactes, après un parcours cabossé qui l’incitent aujourd’hui à témoigner.
Militant assumé depuis 1990 au Kurdistan de Turquie, il prend peu à peu des responsabilités et n’échappe pas indéfiniment à la répression. Son lien avec le PKK, organisation que l'État turc honnit, lui cause une lourde condamnation : 12 ans de prison. Au bout de 4 ans, il parvient à sortir de l’enfer carcéral turc et se met à l’abri en France où une importante communauté kurde vit, notamment à Marseille. « Je n’ai pas changé d’avis », insiste-t-il en esquissant avec ses mains un geste qui image la solidité de son engagement. Arrivé en 2005, il obtient le statut de réfugié politique au regard des condamnations qui lui ont été infligées en Turquie et de la violence de la répression qui s’abat sur les militants kurdes. « Je crois dans le peuple français, il a gagné beaucoup de droits pour lesquels on se bat à notre tour », sourit-il. Toujours impliqué, Ali prend à nouveau des responsabilités, cette fois dans la branche européenne « de la résistance kurde ». Lorsqu’en janvier 2013, trois militantes Sakine, Rojbîn et Leyla sont assassinées d’une balle dans la tête à Paris dans les locaux du centre d’information du Kurdistan, il constate avec effroi que l’Europe n’est pas un sanctuaire pour les activistes kurdes. Un climat délétère s’installe chez les Kurdes de France qui se méfient de tout et de tous. Quand une dispute éclate entre deux familles établies dans la région de Draguignan, Ali au titre de son autorité morale est appelé en juge de paix pour aplanir les différends. Bien mal lui en a pris : l’une des familles « à qui on a promis une régularisation si elle le faisait », dénonce plusieurs personnes dont Ali comme étant impliquées dans la levée d’un impôt révolutionnaire pour financer le PKK. « Ce n’est pas la réalité », assure-t-il. Deux hommes seront arrêtés en possession d’armes, ce n’est pas son cas. « Ce sont des jeunes kurdes qui croyaient se protéger après les assassinats de Paris », explique-t-il. Ils seront condamnés à 5 ans de prison. Ce sera 13 mois pour Ali. Depuis Paris, maître Jean-Louis Malterre, son avocat, insiste : « Il lui était reproché avant tout d’être un militant kurde, oui en France il y a des prisonniers politiques car pour des raisons économiques des services sont rendus à la Turquie », dénonce-t-il. Une quarantaine de salafistes dans le même bloc Ali se souvient de l’audience avec dans le regard un éclat où se mêlent ironie et amertume. « Le procureur dans son réquisitoire a parlé en bien des forces kurdes face à Daech avant de demander ma condamnation. Le même jour, à l’Elysée, des représentants du PYD, parti kurde de Syrie étaient reçus en alliés », rapporte-t-il. Entré à Fleury-Mérogis en 2014, Ali y retrouve les pires ennemis du PKK : des détenus fanatisés, adorateurs de Daech. « J’étais seul dans une cellule, séparé des autres kurdes mais avec une quarantaine de salafistes dans le même bloc », indique-t-il. La cohabitation n’est pas sans heurts. Le seul avec lequel un dialogue est possible est un franco-turc revenu de Syrie. « Il y a vu tant d’inhumanité, rien qui ne se rapproche de la religion qu’il s’est détourné de Daech », témoigne Ali. Pendant ce temps, la Turquie assimile rebelles kurdes et terroristes pour mieux intensifier la répression. Un motif supplémentaire de révolte pour lui. Une fois sorti de la maison d’arrêt, le militant kurde a regagné Marseille. La récente tentative de meurtre par un jeune kurde radicalisé d’un professeur juif l’a horrifié. « Il ne mérite pas d’être appelé kurde, je suis allé au rassemblement des juifs de Marseille pour dire ma solidarité », poursuit-il. Sous le coup d’une obligation de quitter le territoire consécutive à sa condamnation mais inapplicable au regard de son statut de réfugié, Ali doit pointer chaque jour au commissariat. Sans femme ni enfant, il continue à militer et ne préfère pas se projeter dans un avenir individuel. « L’important ce sont les principes révolutionnaires que je défends », assure-t-il avant d’insister : « Les terroristes ne sont pas de notre côté, c’est nous qui les combattons, au nom de toute l’humanité. » Léo Purguette Dans le camp de la liberté Non contents d’avoir contribué activement à la déstabilisation de tout le Moyen-Orient depuis l’invasion de l’Irak, les Etats-Unis par la voix de Joe Biden, vice-président, dénonçaient samedi le PKK sous l’œil comblé d’Ahmet Davutoglu, le premier ministre turc. Toujours sur la liste des organisations terroristes pour l’Union européenne, le Parti des travailleurs du Kurdistan est pourtant la seule force à avoir stoppé puis chassé Daech depuis la bataille de Kobanê. La seule force à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, l’émancipation sociale et l’administration démocratique des territoires. Ces hommes caricaturés, « noirs de barbe et de nuit, hirsutes, menaçants » à l’image des résistants de l’Affiche rouge ont besoin de la solidarité internationale quand Recep Tayyip Erdogan évoque « l’Allemagne d’Hitler » comme modèle pour sa réforme constitutionnelle. Face aux dérives autoritaires de la Turquie et à la monstruosité de Daech, oui, des résistants se tiennent débout. Certes ils ne sont pas des pantins de l'Occident mais c’est là tout leur honneur. Ce sont des combattants, oui, et dans cette sale guerre la France doit choisir son camp. Le leur, c'est celui de la liberté. L.P. http://www.lamarseillaise.fr/marseille/societe/45626-plus-fort-que-la-prison |
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