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Nicolas Maury Militant PCF Istres






 



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Histoire du mouvement social et communiste

Ils ont vécu Mai 68 en assumant des responsabilités importantes à La Marseillaise, au PCF et à la CGT


Mai 1968 dans les Bouches du Rhône
Georges Righetti Rédacteur en chef de La Marseillaise en 1968

« Quarante ans après il est difficile de parler du rôle de la Marseillaise en mai 1968.
Il faut oublier tous les événements qui se sont déroulés ensuite, pendant quatre décennies. Oublier aussi les analyses faites, avec le recul, par les historiens.

Il ne s’agit pas non plus de retracer l’année 1968. Les journalistes de la Marseillaise d’aujourd’hui le feront mieux que moi avec d’autres témoins. Aujourd’hui la Marseillaise, fort heureusement, a retrouvé son indépendance à l’égard du Parti Communiste comme en témoigne son visage actuel.
En 1968 la ligne politique était celle de la direction du Parti Communiste qui, choisissait aussi, les dirigeants et les principaux collaborateurs du journal. Déroger à la règle exposait à des sanctions, ce qui fut le cas pour quelques journalistes.

A la fin 1967, c’était mon retour à la Marseillaise pour assurer provisoirement le remplacement du remarquable rédacteur en chef, Marcel Carrasso, hospitalisé à la suite d’un accident de voiture. Quelques semaines à peine de rodage dans cette fonction et voici qu’arrive la première manifestation des étudiants, le 22 mars 1968. Le mouvement étudiant prend de l’ampleur jusqu’en mai 1968.

La Marseillaise doit faire face à une situation très complexe. Continuer à dénoncer et combattre le pouvoir de De Gaulle – Pompidou et en même temps, se situer par rapport au mouvement étudiant. Un mouvement qui, par delà ses excès, ses outrances, ses erreurs, sa composition hétérogène, bouleverse les conceptions de luttes de masse du passé et pose à sa façon la nécessité de transformer en profondeur et même radicalement la société en crise. Il se proclame révolutionnaire.
Rien n’est simple pour la Marseillaise.

La CGT le 9 mai refuse de s’associer au mouvement étudiant. Le Parti Communiste dénonce l’aventurisme des étudiants (ce qui lui vaudra d’être traité le 19 mai de « Crapule stalinienne » par Cohn Bendit. Un Parti Socialiste, qui se préoccupe surtout de savoir comment il va s’emparer du pouvoir qui selon lui est à prendre. Une majorité de notre peuple, qui observe et que les violences inquiète. Elle le montrera en juin en assurant la victoire de De Gaulle – Pompidou aux élections.

La rédaction de La Marseillaise, était composée de journalistes de très grand talent, comme par exemple le rédacteur en chef adjoint Richard Lelangran, Maurice Corot, Robert Dugrou, André Petit, Raymonde Ardoin, Joseph Forentini et nos maîtres en journalisme, André Remacle, Fernand Clericy, Jean Tourette et bien d’autres encore. Ils étaient, jour et nuit, sur le terrain. Aussi bien à l’université que dans les usines. Ils ont eu du mal à comprendre l’attitude pour le moins hésitante de la CGT, du Parti Communiste et du Parti Socialiste. Ensemble, nous décidons de dépasser toutes ces contradictions. De faire à notre façon, notre métier d’information et cela dans tous les camps en présence. Nous décidons aussi, de donner la parole aux acteurs et à nos lecteurs malgré les critiques qui ne manquèrent pas de fuser de toutes parts.

Comme rédacteur en chef, je m’efforçais de protéger nos journalistes et d’affronter toutes les pressions d’où qu elles viennent. Fort heureusement, en quelques jours tout se décante d’une façon positive. Le 13 mai, c’est l’appel à la grève générale et de puissantes manifestations unitaires. Les occupations d’usines les 14 et 15 mai (souvent à l’initiative des jeunes grévistes poussant en avant leurs aînés syndicalistes), le 27 mai les accords de Grenelle et douze grandes manifestations de la CGT.

Avant de terminer cet entretien, je voudrais rendre un très grand hommage au Syndicat du Livre CGT. La grève de la presse avait été décidée et entraîné la non-parution de tous les journaux. Le syndicat du Livre CGT de Marseille décida que pour mieux soutenir chaque jour le combat des étudiants et des travailleurs, le meilleur moyen était de faire paraître La Marseillaise, qui s’était rangée clairement à leur côté. La Marseillaise parut donc seule et son tirage fut triplé. Compte tenu de la grève dans les usines de fabrication du papier, La Marseillaise parut dans un format réduit.

En conclusion nos journalistes en prise directe avec ceux qui luttaient, firent la preuve que la vérité a tout à gagner dans le choc des idées et dans les remises en cause des opinions préconçues.
C’est ce que font si bien, aujourd’hui, les talentueux journalistes de l’actuelle Marseillaise dans le contexte aussi complexe de notre temps. »

Robert Allione. Dirigeant de la fédération du PCF des Bouches Du Rhône de l’époque

« Le principal souvenir que je garde, c’est d’abord celui d’un immense mouvement des travailleurs, des étudiants, des lycéens. Au delà des familles d’ailleurs. Il était fréquent de retrouver dans les manifestations de Mai non seulement ceux que je viens de citer mai aussi des femmes, des enfants, descendus des quartiers de Marseille. Donc un immense mouvement populaire porteur à la fois d’une exigence forte de démocratie, de libertés et de revendications concrètes concernant les salaires, les droits de femmes, les libertés syndicales. Etc. Un mouvement responsable aussi et souvent, en particulier à Marseille, convergent. Je me souviens qu’avant la manifestation du 13 mai, les étudiants avaient envisagé le samedi matin une manifestation et surtout souhaité la participation de la population marseillaise. A L’époque nous avions discuté avec les responsables syndicaux pour leur dire que cela nécessitait un peu de préparation et qu’il convenait plutôt de l’organiser l’après midi. D’ailleurs lors du meeting de matin, avaient pris la parole le secrétaire de fédération du PCF (Georges Lazzarino) et le secrétaire de l’Ud CGT . Et l’après-midi il y eut une formidable manifestation où se sont mêlés dans un même cortège les étudiants, les lycéens, les travailleurs des entreprises (qui commençaient à être occupées) et la population venue de tous les quartiers de Marseille. Et cette manifestation combative avait une véritable allure de fête. Quelque chose de formidable et d’inoubliable, qui a préfiguré de ce qui allait être ensuite le 13 mai et la suite du mouvement.

Il faut reconnaître cependant que nous n’avions pas senti dès le départ la portée réelle de ce qui se passait ni même de ce qui allait se passer. Le mouvement était porteur d’exigences profondes, nouvelles, et qui nous ont amené- mais plus tard - à analyser autrement les choses, pour en tirer des conclusions de caractère politiques bien plus profondes. Cela étant ce n’était pas le problème qui nous était posé en plein mouvement notamment à Marseille et dans les Bouches du Rhône où nous étions sur le terrain tous les jours pour organiser, animer rencontres, débats etc… D’ailleurs en l’espace d’un mois plus de 2000 adhésions ont été enregistrées au PCF dans le département. C’est dire que – probablement - ce parti avait une accroche profonde à ce mouvement , même s’il n’en n’a pas senti toute la portée tout de suite. D’ailleurs le caractère convergent des luttes, tout au moins pour Marseille et les Bouches du Rhône n’est pas né spontanément. Il était précédé d’autres mouvements sociaux d’avant Mai et portait aussi notamment sur le rassemblement à partir de valeurs de solidarité internationale sur les question de l’Espagne , du Vietnam, de la Grèce etc… »

Pierre Amendola. Membre du secrétariat de l’UD CGT 13

« L’une des grandes questions en discussion sur ce sujet c’est de dire que les organisations syndicales et en particulier la CGT ont pris mai 68 sur un coin de la tête. C’est nier une réalité . Les années 60 ont été marquées par de très forts mouvements revendicatifs. Par exemple, en 1963 la grande grève des mineurs. 1967 est l’année qui a totalisé plus de 4,5 millions journées de grève. On peut parler d’une montée du mouvement revendicatif précédant mai 68.

Dans le département des Bouches du Rhône 66 et 67 avaient connu de grandes luttes chez les dockers, dans la métallurgie, dans l’alimentation, dans la construction, et aussi dans la Fonction publique. … Je me souviens de l’éditorial de Livio Mascarello dans la Vie Ouvrière du 1er mai 68 qui annonçait que « 68 s’annonce porteur de grands mouvements revendicatifs ».

Ensuite, face à la répression policière contre les étudiants au Quartier Latin, la CGT a réagi. Mais là encore, il faut souligner une concordance entre la répression policière contre les étudiants et la répression patronale que subissaient les travailleurs dans leurs entreprises.

Il faut se souvenir que la moindre grève provoquait le lock-out. Il faut se souvenir que la Canebière nous était interdite depuis1954. Et le 13 mai 68 nous l’avons reconquis ! Pour le mouvement revendicatif de l’époque c’était énorme !

La manifestation s’est faite en concordance avec l’AGEM –Unef et l’union nationale des comités d’action Lycéens UNCAL, Elle était immense. Je m’en souviens d’autant plus que jeune responsable de l’UD, c’est à moi que Marius Colombini secrétaire de l’UD, avait confié la responsabilité de prendre la parole, devant 100 000 personnes. J’ai encore dans les oreilles le bruit de mes genoux qui s’entrechoquaient pendant tout le discours.

On ne pourrait pas comprendre mai 68 si l’on ne soulignait pas l’aspect de décision démocratique qu’il porte ou encore l’impact de l’accord unitaire conclu entre la CGT et la CFDT en janvier 66. Ces deux éléments ont été facteurs de la montée des luttes.

On a vécu cette période dans l’enthousiasme et il faut bien le dire sans beaucoup dormir. A Marseille les choses se sont déroulée dans une ambiance folle mais sans une vitre cassée, un magasin abîmé ou même une voiture brûlée. Histoire de rappeler que 68 n’a pas été que violence et barricades.
De cette période il me reste une grande fierté d’avoir été acteur d’un mouvement historique.

J’ai encore une petite anecdote significative : j’ai été le premier orateur de la première manif, j’ai aussi le dernier de la dernière, place Sadi Carnot, le 29 mai. Ce jour là les dockers avaient sorti des mouchoirs blancs et manifestaient en chantant « Adieu Charlot ». A la fin de mon intervention, le responsable de la CFDT est venu me glisser à l’oreille : « tu peux leur demander de chanter l’Internationale, toutes les organisations syndicales sont d’accord. Et croyez moi pour la CFDT de l’époque, c’était une petite révolution. Je me suis du coup retrouvé chef d’orchestre d’une chorale de 100000 têtes entonnant l’internationale. Et ça reste un des plus beaux frissons de ma vie. »

Nicolas Maury
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[Fr] Perspective communiste, blog francophone ayant pour vocation le partage d’informations nationales et internationales. De proposer des analyses marxistes de l’actualité et du débat d’idée. Ainsi que de parler de l’actualité du Parti Communiste Français et du Mouvement des Jeunes Communistes de France.

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