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Royaume-Uni, Irlande, Ecosse

Le choc ! C’est le titre qui revient le plus dans la presse britannique ce vendredi 9 juin. Même si deux instituts de sondage l’avaient annoncé, la confirmation d’un parlement suspendu, donc privé de majorité, a déstabilisé les observateurs - Nathanaël Uhl / Grey Britain


Le Labour inverse la tendance et impose un parlement suspendu
A 6 heures (heure locale), avec onze sièges en cours de dépouillement, la tendance est irréversible. Theresa May, donnée archi favorite il y a encore un mois, perd sa majorité absolue. Elle va rester à Downing Street au prix d’une alliance avec les unionistes d’Irlande du Nord qui aura un impact sur le Brexit.

Le Labour progresse fortement. Les europhobes de UKIP sont quasiment éliminés du paysage politique. En Ecosse, le SNP trébuche lourdement. Et le bipartisme traditionnel en Grande-Bretagne fait son grand retour.

Conservatives : 316 (-12)
Labour : 261 (+31)
SNP : 35 (-19)
Lib-Dems : 12 (+3)
Plaid Cymru : 3 (0)
Greens : 1 (0)

Premier point à retenir, la participation est en hausse. Tutoyant les 69%, elle retrouve son niveau de 1997. Tout au long de la journée de jeudi, les réseaux sociaux ont vu fleurir les photos de queues devant les bureaux de vote. Les jeunes, particulièrement, semblent s’être mobilisés, alors qu’ils avaient, dans l’ensemble, raté le référendum sur la sortie de l’Union européenne il y a moins d’un an.

Le Labour reprend des forces après avoir retrouvé ses couleurs

Le parti travailliste semble être le principal bénéficiaire de ce sursaut citoyen. Après des élections locales qui l’ont laissé exsangue, menacé de perdre plus de 70 sièges, il est, ce vendredi matin, le grand vainqueur du scrutin. Le Labour progresse de dix points et parvient enfin à gagner des voix. Avec plus de 12,8 millions de suffrages, il renoue avec un niveau jamais enregistré depuis 2001. Il accroît son score de 9,58 points par rapport à 2015.

Déjouant les pronostics, non seulement les travaillistes ont su conserver leurs bastions, bien souvent en améliorant la majorité qu’ils y détenaient auparavant, mais ils ont réussi à prendre 27 sièges aux conservateurs dont certains dans des régions réputées hostiles au Labour. Autre surprise, Jared O’Mara, un travailliste, militant en faveur des personnes handicapées, ravit le siège de Sheffield Hallam à Nick Clegg, ex leader des Libéraux-démocrates et ancien vice-premier ministre de David Cameron entre 2010 et 2015.

Le Labour est récompensé pour sa capacité à imposer, dans la campagne, des questions de politique intérieure. Crise du logement, frais universitaires, emploi… ces thèmes ont été au cœur du discours travailliste qui a voulu éviter de se retrouver enfermé dans les questions liées au Brexit et à l’immigration. On a même vu le leader du parti, Jeremy Corbyn, s’emparer des questions de sécurité et, bien avant les attentats de Manchester et Londres, annoncer la création de 10,000 postes de policiers.

Le Manifesto du Labour comprenait, en outre, le retour en propriété publique du chemin de fer, par exemple. Il est considéré comme le plus à gauche du parti depuis 1983… Et les enquêtes d’opinion ont montré qu’il trouvait un véritable écho parmi l’électorat de gauche. Il faut donc reconnaître que c’est sur sa ligne politique que Corbyn a réalisé ce qui apparaît, ce matin, comme un exploit. D’ailleurs, les ténors travaillistes qui se sont succédés dans les médias tout au long de la nuit électorale se sont rangés derrière le vétéran socialiste. Même Chuka Ummuna, une des étoiles de la droite travailliste, a confirmé qu’il intégrerait l’équipe de Corbyn si ce dernier le lui demandait.

Le caprice politique de Theresa May lourdement sanctionné

Si Corbyn a réalisé une excellente campagne personnelle, Theresa May a raté la sienne. Elle a semblé coupée du monde, refusant le débat avec son opposant principal et fuyant la presse. Signe des temps, sur les 43 constituencies qu’elle a visitées durant la campagne, seules 16 ont envoyé un conservateur au parlement. C’est un camouflet personnel pour la Première ministre sortante. Elle avait lancé la campagne sur le thème du « leadership fort et stable » avec une communication centrée sur sa personne. C’est donc avant tout elle qui a été désavouée dans les urnes.

La convocation d’élections générales anticipées a été un pari qui s’est retourné contre son initiatrice. En arrivant à Downing Street, Theresa May avait, à plusieurs reprises, écarté la perspective d’un scrutin avant la date normale de 2020. Elle a pu mesurer qu’elle disposait, à la chambre des communes, d’une majorité solide pour mener le Brexit selon son propre agenda. La dissolution précipitée du parlement est donc apparu comme le caprice politique d’une dirigeante qui ne doit son mandat qu’au seul vote des membres conservateurs du parlement. Theresa May, qui a annoncé qu’elle ne démissionnera pas, est fragilisée. Dans son camp, son autorité est battue en brèche.

La débâcle UKIP

La question du Brexit a donc cédé le pas à d’autres préoccupations, notamment économiques et sociales. Comme si, cette question actée à l’issue du référendum, les électeurs revenaient à leurs premières préoccupations. C’est ce que laisse penser l’analyse du comportement des électeurs qui, en 2015, avaient choisi le parti europhobe UKIP. Il se présentait dans 375 constituencies, arguant du fait qu’il refusait de fragiliser les membres du parlement sortant qui s’étaient engagés en faveur de la sortie. Sur l’ensemble de ces candidatures, seules 43 parviennent à dépasser la barre des 5%…

Globalement, les anciens électeurs de UKIP sont rentrés dans leurs maisons respectives, chez les tories certes mais aussi chez les travaillistes. Le ratio est de deux voix qui reviennent chez les conservateurs pour une qui rentre au Labour, notamment dans les bastions ouvriers traditionnels du nord.

Le SNP pris en tenaille en Ecosse

En Ecosse, le Scottish national party au pouvoir au parlement régional trébuche lourdement. Le parti dirigé par Nicola Sturgeon perd 21 sièges. Certes, son score de 2015, qui l’avait vu remporter 56 des 59 constituencies écossaises, relevait de l’exploit impossible à renouveler. Mais la chute est brutale, puisqu’elle s’accompagne de la défaite d’Alex Salmond, ancien leader du SNP et ex premier ministre de l’Ecosse, mais aussi du leader des nationalistes écossais à Westminster Angus Robertson.

Avec un gain de 12 sièges, les conservateurs confortent leur position de deuxième force politique au-delà du mur d’Hadrien. Menés par la bouillante Ruth Davidson, ils s’imposent sur une ligne « unioniste » de refus de l’indépendance de l’Ecosse, placée au centre des débats par Nicola Sturgeon. Le parti travailliste regagne 6 sièges. Le retour à une ligne clairement de gauche, plus conforme avec la tradition de la classe ouvrière écossaise, permet au Scottish Labour de tacler le SNP sur sa politique d’austérité déguisée.

L’Irlande du nord, dernier espoir des tories ?

Enfin, en Irlande du nord, le Democratric unionist party (DUP – droite, allié aux conservateurs) et le Sinn Féin (gauche, nationaliste) raflent quasiment tous les sièges. La dynamique bipartidaire a opéré à plein dans un scrutin qui a vu le vote tactique fonctionner à plein. Ce sont peut-être les 10 membres du parlement du DUP qui tiennent entre leurs mains l’avenir des conservateurs à Westminster.

Étrange retournement de situation, là encore. Alors que l’Irlande du nord est en proie à une crise politique intense depuis le référendum sur le Brexit, Theresa May a ignoré totalement cette partie du Royaume-Uni. Or, aujourd’hui, elle a du composer avec les Membres irlandais du parlement pour maintenir une majorité. Le DUP a déjà fait connaître son prix : un statut particulier pour l’Irlande du nord qui maintient les comtés à mi-chemin de l’Union européenne. Theresa May l’a accepté. Elle se maintient donc au 10 Downing Street.

Grey Britain

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