Lorsque l'on parle de pays d'Asie qui construisent le socialisme, la Chine et le Vietnam viennent à l'esprit pour beaucoup de gens, mais peu pensent au Laos. Enclavé entre le Vietnam, le Cambodge, la Thaïlande, le Myanmar et la Chine, ce pays montagneux se trouve au centre de l'Asie du Sud-Est et a subi le colonialisme français et japonais, la guerre civile et des années d'agression militaires par les États-Unis.

Pendant la guerre d'Indochine, les États-Unis ont largué deux millions de tonnes de bombes sur le Laos, soit presque l'équivalent de toutes les bombes larguées en Europe et en Asie par l'armée américaine durant toute la Seconde Guerre mondiale - près d'une tonne d'explosifs pour chaque personne qui vivait dans Le Laos à l'époque.

Depuis le renversement de la monarchie soutenue par les États-Unis et la création de la République démocratique populaire lao en 1975, le peuple du Laos s'est engagé dans un long effort pour développer son économie et préparer les bases d'un avenir socialiste moderne.

Michael Christopher, un correspondant du People's World (journal du Parti Communiste des États-Unis) basé à Vientane, la capitale du Laos, a produit l'article suivant comme une introduction au processus révolutionnaire dans ce pays et à l'économie politique du socialisme lao.

La révolution nationale démocratique

Le 2 décembre 1975, le roi Sisavang Vatthana, soutenu par les États-Unis, a officiellement abdiqué, au grand désarroi, mais pas à la surprise, de ses alliés de Washington. Avec la chute de Phnom Penh au Kampuchea (Cambodge) et de Saïgon au sud du Vietnam plus tôt cette année-là, des manifestations anti-monarchistes ont également balayé le Laos. Les forces du Pathet Lao - l'Armée populaire de libération du Laos - sont entrées à Vientiane, pacifiquement, mais armées. Le roi a compris ce que l'avenir apporterait s'il tentait de se maintenir au pouvoir, et au lieu de cela, il a volontairement mis fin à son règne de 16 ans.

D'un trait de plume, plus de 20 ans de lutte et de guerre contre le colonialisme, l'impérialisme et l'exploitation étaient enfin terminés. Le pouvoir politique est officiellement remis sans effusion de sang au Parti révolutionnaire populaire lao (LPRP). Alors que le drapeau rouge, blanc et bleu de la nation lao libre était hissé sur la capitale de Vientiane aux côtés de la bannière écarlate du socialisme, la République démocratique populaire lao (RDP lao) est née.

La jeune RDP lao hérite de ce que beaucoup auraient considéré comme un ensemble de circonstances intenables : environ 10% de la population lao est morte, conséquence directe des guerres colonialistes françaises et impérialistes américaines ; 20% de la population est blessée ou handicapés de façon permanente ; environ 10% de la population a fui à l'étranger ; et au moins 50% sont des réfugiés internes au pays. L'espérance de vie était d'un peu moins de 46 ans, l'alphabétisation était inférieure à 25% et des millions de bombes américaines non explosées jonchaient la campagne.

Du fait de l'exploitation de la période coloniale, la capacité de production du pays était quasi inexistante ; le peu qui restait en termes d'infrastructures a été en grande partie endommagé ou détruit lors des guerres de libération - la lutte contre le colonialisme français et la « guerre secrète » menée contre le Laos par l'impérialisme américain.

Au début de la période de lutte révolutionnaire du Parti communiste chinois dans ce pays, il y a eu un débat entre les membres qui pensaient que le manque de capacité de production de la Chine nécessitait d'abord une période de capitalisme afin d'établir la base productive nécessaire au socialisme, et ceux qui prônaient une approche adaptée : plutôt que de s'appuyer principalement sur les ouvriers de l'industrie comme force dirigeante, comme l'avaient fait les révolutionnaires russes, une plus grande alliance des ouvriers et des paysans serait nécessaire.

Près de deux décennies plus tard, sur les 19 représentants enregistrés comme participant au premier congrès du Parti populaire lao (aujourd'hui le LPRP) dans la province de Houaphan, seuls deux étaient enregistrés comme ouvriers, 13 comme paysans et les quatre appartenant à la classe des "petits bourgeois". Ainsi, observant la réalité matérielle de leur nation et suivant l'approche des partis communistes de Chine et du Vietnam, la LPR a déterminé qu'il était nécessaire de s'appuyer sur une alliance ouvrière-paysanne.

Sur cette question, il y avait vraiment peu de débat à avoir. Alors que la Chine et le Vietnam avaient au moins de petites bases industrielles, le Laos n'en avait pratiquement aucune. Les caractéristiques distinctes de l'économie lao – les conditions rurales dominées par les travailleurs agricoles – ont façonné l'élaboration des politiques après la fondation de la RDP lao.

Les trois campagnes révolutionnaires

I : La révolution des forces productives

Après 1975, le LPRP et son secrétaire général, Kaysone Phomvihane, ont mené des programmes révolutionnaires dans tous les domaines de la société lao : les forces productives, la révolution scientifique et technique et la révolution idéologique et culturelle. À partir de 1979, une réévaluation des réalités économiques lao a commencé à être développée qui atteindra son apogée au congrès du parti en 1986.

Formellement connues sous le nom de nouveau mécanisme économique (NEM), les réformes de cette période ont été calquées sur la nouvelle politique économique (NEP) formulée par V.I. Lénine en Union soviétique dans les années 1920, ainsi qu'en utilisant les leçons tirées des expériences au Cambodge, en Chine et au Vietnam voisins.

Le LPRP a accepté la réalité économique selon laquelle un socialisme avancé ne pouvait pas être construit sur une base préindustrielle. Il était nécessaire de développer la capacité industrielle de la nation, en s'éloignant d'une situation de guerre et vers une économie de marché productive capable d'élever l'ensemble de la nation lao. Dans son livre de 2015, "Le parti et le peuple du Laos choisissent et adhèrent au socialisme", Mounkeo Oraboun, un ancien ministre du gouvernement, écrit :

"

• 'économie dans le régime démocratique du peuple lao est une économie marchande avec de nombreuses parties fonctionnant selon le" mécanisme de marché avec gestion de l'État ", ce qui est la vision correcte et appropriée aux conditions réelles du Laos."
  
  Cette révolution des forces productives a combiné la création d'entreprises publiques et l'accent accru sur le développement des infrastructures locales avec le développement de nouvelles politiques agricoles et sociales.
  
  Comme mentionné ci-dessus, au moins 50% de la population laotienne avait été déplacée sous une forme ou une autre pendant la guerre. Et avec une population d'environ trois millions d'habitants en 1975, mais une superficie totale d'environ 236 800 kilomètres carrés, le Laos avait une densité de population d'environ 12,6/sq seulement/km. Cela signifiait que la RDP lao avait une opportunité tout à fait unique en termes de réinstallation de sa population et de mise en œuvre de vastes réformes agraires.
  
  Avec de vastes étendues de territoires peu peuplés, le gouvernement a pu réinstaller des villages entiers dans de nouvelles zones avec des terres plus adaptées à la culture agricole et au développement industriel. Pour des communautés telles que les Khmu et d'autres issues des « tribus des collines » qui avaient migré dans la région très récemment et se sont installées dans les zones les plus inhospitalières des hautes montagnes, cela signifiait se déplacer vers les basses terres où le sol était plus adapté à l'agriculture.
  
  À l'opposé du désastreux « vidage des villes » effectué par le régime de Pol Pot au Kampuchéa, le LPRP a activement encouragé le développement de grands centres de population et la fusion de villages, ce qui a fait que de nombreuses villes et villages de la RDP lao n'ont vu le jour après 1975. Cela a facilité le développement de projets d'infrastructures ; plutôt que d'essayer d'atteindre des communautés isolées dans les hautes montagnes, ils pourraient plus facilement amener ces communautés dans les zones plus basses, créer un accès plus facile via la construction de routes et, de cette manière, améliorer considérablement les moyens de subsistance des personnes grâce à l'introduction de soins de santé, l'éducation, l'administration centralisée, etc.

II : La révolution scientifique et technique

En appliquant les principes du marxisme-léninisme aux conditions d'après-guerre, le LPRP a initié des développements au Laos qui auraient semblé totalement impossibles il y a cinq décennies. En effet, le LPRP a réussi à transformer la nation d'une nation féodale-coloniale opprimée en un État socialiste en développement sans période de capitalisme à part entière.

La population a plus que doublé, à près de sept millions et demi, augmentant la densité à environ 31,3/h/km. La reprise de la population et sa densification urbaine est un indicateur de développement, mais ce n'est en aucun cas le seul. Bien que l'éducation ne soit pas encore gratuite pour tous les Laotiens, le taux d'alphabétisation national a explosé de moins de 25% en 1975 à 87,1% en 2015, ce qui signifie que l'alphabétisation au Laos a égalé ou même dépassé les États-Unis, selon les sources statistiques.

Fidèle à ses fondements, le LPRP cherche à améliorer l'éducation et à encourager la transformation de la classe ouvrière laotienne en professionnels dotés d'une solide base de connaissances et de compétences hautement développées. La première étape de cette révolution scientifique et technique a été de maximiser l'accès à l'éducation, d'améliorer considérablement l'alphabétisation et d'amorcer le processus visant à attirer un retour de professionnels compétents de la diaspora lao tout en développant simultanément les premières générations de nouveaux travailleurs lao chez eux.

Selon une enquête menée par l'Agence japonaise de coopération internationale (JICA) en 2016, la RDP lao abrite cinq hôpitaux centraux, 17 hôpitaux provinciaux, 134 hôpitaux de district et 983 centres de santé, totalisant environ 1 139 établissements, soit un établissement de santé par 6 000 personnes environ. Encore plus d'installations ont été construites depuis que l'enquête a été menée. En revanche, les États-Unis comptent approximativement une installation pour 50 000 personnes.

Alors que l'État émet un programme d'assurance, prenant en charge les coûts des soins de santé pour de nombreuses personnes, et que l'accès a été élargi depuis la fondation de la RDP lao, la qualité des soins et les coûts restants continuent d'être au centre des réformes et du développement des politiques en cours. De même, en raison des programmes de réinstallation après la guerre, les zones restantes avec un accès plus faible sont en grande partie les communautés qui ont choisi de rester dans des zones plus difficiles d'accès dans les montagnes ou ont choisi de retourner dans les montagnes plutôt que de rester dans de nouvelles colonies.

En ce qui concerne la dépendance à l'égard de l'aide étrangère, selon un article de recherche publié par l'Institut du Mékong en 2014, l'aide publique au développement (APD) ne représentait qu'environ 4 % du PIB du Laos entre les exercices 2000-01 et 2008-09. Cela a été utilisé principalement pour combler les lacunes de financement dans les programmes dirigés par le gouvernement autour du développement agricole, de la santé et de l'éducation. La part du PIB représentée par l'APD a diminué à mesure que le développement socio-économique du Laos se poursuit, indiquant le développement global de la nation et son autosuffisance croissante.

Et les coûts de la guerre continuent d'accaparer les ressources nationales. Une partie de l'aide étrangère, par exemple, est toujours affectée chaque année à la désactivation et à l'élimination des munitions non explosées (UXO) larguées par les États-Unis pendant la guerre ; au total, environ 8 000 km² du pays reste contaminé par les UXO.

III : La révolution idéologique-culturelle

Le Phra Lak Phra Ram, l'adaptation traditionnelle laotienne du Ramayana - l'histoire d'un bodhisattva nommé Rama, l'une des vies antérieures de Gautama Buddha - est considérée comme l'histoire mythique d'origine de la nation lao. Bien qu'il soit probable que le bouddhisme soit arrivé plus tôt dans la région, la légende locale veut que la grande histoire ait été apportée au Laos par le roi Fa Ngum, qui a établi le premier royaume lao de Lan Xang au 14ème siècle.

La religion bouddhiste a, et reste, l'écrasante majorité au Laos, chaque village (à peu près équivalent à un quartier) hébergeant au moins un Wat ou temple. Cependant, le soi-disant nationalisme bouddhiste tel qu'il a émergé au Myanmar voisin n'est pas présent, et le LPRP marxiste maintient une politique d'harmonie religieuse plutôt que d'athéisme forcé.

Les pratiques religieuses et culturelles traditionnelles bouddhistes et animistes existent si étroitement les unes à côté des autres qu'elles se croisent souvent, comme dans la prévalence des soi-disant « maisons des esprits ». Ces petits sanctuaires en forme de maison placés sur des piédestaux sont censés attirer les bons esprits qui éloigneront les mauvais. Ils sont si populaires que même de nombreux temples bouddhistes et la plupart des maisons familiales en ont.

Plutôt que la persécution et l'athéisme, fréquemment associée à tort à la gouvernance socialiste, le LPRP maintient une politique de liberté religieuse et encourage activement l'épanouissement robuste de la diversité religieuse et culturelle au sein de la nation. Il n'existe pas de plus grand exemple de cela que la reconstruction de Hai Hin Mixayaram à Phonsavan. Le site a été détruit par les bombes américaines pendant la guerre et a été reconstruit grâce à la coopération entre les autorités locales bouddhistes et du parti.

Suite à la reconstruction du temple, en 2015, l'immense Bouddha de Hai Hin Mixayaram a ensuite été ajouté au temple, donnant sur la ville de Phonsavan et le plateau de Xiengkhouang. Il symbolise une promesse de protection et de prospérité et la détermination à ne plus jamais permettre à la terreur aveugle de la guerre de blesser à nouveau le peuple.

À la base, la révolution idéologique et culturelle lao est le reflet social des développements de l'économie politique lao. Tout comme la construction du socialisme apporte la prospérité commune, elle apporte également l'égalité pour les personnes, quel que soit leur sexe, leur groupe ethnique ou leur appartenance religieuse.

Étant une société à prédominance agraire - l'agriculture représente encore 51% du PIB de la RDP lao et près de 80% de la population est engagée dans l'agriculture - la culture traditionnelle lao reste fortement orientée autour de la famille et du village. À l'époque coloniale, cela signifiait l'inégalité des droits entre les hommes et les femmes, l'inimitié entre les diverses tribus et groupes ethniques, etc. Aujourd'hui, la Constitution de la RDP lao garantit la liberté religieuse et l'égalité pour tous, sans distinction de sexe ou d'origine ethnique.

En maintenant la relation la plus étroite possible entre le gouvernement et le peuple, en développant une démocratie populaire directe et sensible aux intérêts de toute la société, la LPRP continue de renforcer sa relation directe avec le peuple. Comme en Chine et au Vietnam voisins, les campagnes anti-corruption et les efforts visant à assurer la représentation la plus large possible de tous au sein du système démocratique ont été au centre des récentes réformes politiques.

Le Laos regarde vers l'avenir

La province de Xiengkhouang représente peut-être le mieux les progrès et le développement résultant de ces politiques individuelles et du développement en cours du Laos. Comme mentionné dans des rapports précédents sur la RDP lao, la province de Xiengkhouang et son plateau géographiquement vital ont été l'hôte de certains des combats les plus féroces entre les forces indépendantistes du Pathet Lao et l'armée royale lao soutenue par les États-Unis.

En 1975, une grande partie de la province, y compris son ancienne capitale, Khoune, était en ruine, avec d'énormes cratères de bombes et des UXO éparpillant le paysage autrefois prospère. Presque tous les habitants d'avant-guerre de Xiengkhouang ont été évacués au cours de la guerre afin d'éviter les bombardements aveugles. Lorsque le nettoyage et la reconstruction des UXO ont commencé après la guerre, la réinstallation dirigée par le gouvernement a ramené de nombreuses familles et en a introduit de nombreuses autres.

Aujourd'hui, la nouvelle capitale de la province de Xiengkhouang est la ville de Phonsavan, établie après la guerre. Les UXO désactivés sont un spectacle courant, utilisés pour tout, de la décoration à la construction, et la population très diversifiée de la région comprend une importante communauté Hmong.

Le peuple Hmong, faisant partie des « tribus montagnardes », vit traditionnellement haut dans les montagnes. Leur nombre est si important que des milliers de Hmongs viennent à Phonsavan du monde entier pour célébrer le Nouvel An Hmong, l'un des événements les plus importants de la culture Hmong.

Près du centre de la ville se dresse une coopérative agricole, tandis que tout autour, la terre est mise en culture. Les habitants d'un village visité par People's World, Ban Na Pia, près du site 3 de la Plaine des Jarres, sont traditionnellement des agriculteurs, mais ils ont également développé leur propre industrie artisanale unique en faisant fondre les UXO et en les transformant en divers bibelots à vendre. . Cela a valu à leur localité le surnom de « village de la cuillère ». Les quelque 40 000 habitants de la ville sont desservis par quatre hôpitaux et d'innombrables petites cliniques.

La RDP lao, en tant que pays en développement, a encore un long chemin à parcourir dans sa poursuite du socialisme. Cependant, en poursuivant le socialisme sans entrer dans une période de plein capitalisme, en construisant le nouveau mécanisme économique à orientation socialiste et en poursuivant le développement des réformes économiques sur la base du marxisme-léninisme, la RDP lao, avec le LPRP à la tête, a accompli plus au cours des cinq dernières décennies qu'il n'aurait semblé possible en 1975.

Michael Christopher

Né dans le sud-ouest de la Virginie, Michael Christopher est l'ancien secrétaire du district de Virginie du Parti communiste des États-Unis. Il a étudié à Taipei en 2016 et en Chine continentale en 2017. En 2022, il est devenu rédacteur en chef de Mount Tai Press. Il réside actuellement en République démocratique populaire lao.

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