Alors que la guerre fait rage en Europe et que la situation sociale est particulièrement difficile en Guadeloupe, pour les «larges masses laborieuses», une idée progresse.
Ainsi, à Pointe-à-Pitre, à l’initiative d’un ouvrier, Sabin Ducadosse, qui s’était rendu en URSS, et de quelques intellectuels dont Amédée Fengarol, Rosan Girard, une sorte de «cercle d’étude marxiste» voit le jour.
Dès 1943, ces valeureux Guadeloupéens, défiant la répression vichyssoise du gouverneur Sorin tenteront vainement de créer un «Parti Communiste Guadeloupéen». Ce n’est qu’une année avant la fin de la guerre, en 1944, que le «cercle» devient le noyau fondateur d’une «Section Guadeloupéenne du Parti Communiste Français». Un jeune avocat saintannais, Hégesippe Ibénée, a entre temps rejoint le groupe fondateur.
Rosan Girard, qui sera pendant longtemps LE théoricien des communistes guadeloupéens, rédige un tract qui est entré dans l’histoire, le célèbre «Appel au Peuple». Le Mouvement Communiste Guadeloupéen est officiellement né. Dans la foulée, le 7 juin 1944 sort de l’imprimerie des «Editions Sociales», le premier numéro de «l’Étincelle», l’organe officiel du Parti Communiste Région Guadeloupe.
Les idées diffusées par ce qui devient la Fédération Guadeloupéenne du Parti Communiste Français (FG PCF) sont très bien accueillies dans notre pays. Le Dr Rosan Girard, brillant orateur, dès 1945, est élu maire de la ville du Moule. En 1946, il est le premier député communiste guadeloupéen à l’Assemblée Nationale française. C’est l’époque de la fameuse loi sur la «départementalisation» et le début du processus «d’assimilation» (mars 1946). Les communistes «pèsent» de tout leur poids alors sur la vie politique guadeloupéenne. En 1951, Amédée Fengarol, qui s’était battu pour l’application des lois sociales en Guadeloupe, est élu maire de Pointe-à-Pitre, mais meurt le jour même de son élection dans des conditions restées encore très mystérieuses.
Plus tard, Gerty Archimède, première avocate guadeloupéenne, membre du PCF, revient dans son pays. Elle fonde l’Union des Femmes Guadeloupéenne. Dès cette époque et jusqu’à la fin des années 70, les communistes sont la première force politique guadeloupéenne. Ils dirigent avec rigeur et honnêteté des villes comme Basse-Terre, Pointe-à-Pitre, Capesterre Belle Eau, Moule, Port-Louis, Petit-Canal, Deshaies, Sainte-Anne.
Le mouvement nationaliste guadeloupéen voit le jour. Il «déborde» le PCG sur sa gauche. Il est symbolisé par le GONG (1963/1968), puis par le PTG (1973/1990), l’UGTG (1973), l’UPLG (1978), le MPGI (1981/88), le KLNG (1997/2000)*. Les nationalistes cherchent à occuper le terrain politique, lancent le mot d’ordre d’Independance Nationale et contestent parfois très durement l’hégémonie du PCG, qui les qualifient de «nationaux populistes».
Mais bien avant tout cela, en mars 1958 à Capesterre Belle-Eau, les communistes guadeloupéens faisant preuve d’un esprit d’indépendance, s’émancipent de la tutelle du PCF et tiennent le congrès fondateur du Parti Communiste Guadeloupéen. Le mot d’ordre «d’autonomie» est avancé. Une nouvelle page de l’histoire de ce parti est désormais tournée.
Un demi-siècle après, où en est le PCG ? Ce Parti a connu des périodes difficiles. Après l’épreuve des évènements de mai 67, sur lesquels il faudra bien un jour que tout soit dit, c'est en 1990, qu’intervient la plus importante crise du PCG. Sous l’impulsion de dirigeants «historiques» tels que Henri Bangou et Daniel Géniès, une scission intervient. Des ex-communistes font la rupture et créent le Parti Progressiste Démocratique Guadeloupéen (PPDG). Les militants restés fidèles au PCG et au mot d’ordre «d’Indépendance Nationale» adopté au 10ème Congrès du PCG, serrent les dents, resserrent les rangs. Leur parti sort affaibli et presque exsangue de cette épreuve.
La lutte idéologique fait alors rage entre les PPDGistes considérés comme des «traîtres» et les militants orthodoxes du PCG. Il en résulte que le PCG perd beaucoup de son influence politique et électorale, mais il survit…
Vingt ans après, retournement de l’histoire, de crises en crises, le PPDG a pratiquement disparu de la scène politique. Le PCG qui lui, a élu en février 2008, Félix Flémin Secrétaire général, tente de regagner le terrain perdu. Depuis son dernier congrès, il a lancé une nouvelle initiative historique, en appelant à la création d’un front patriotique pour l’autodétermination. Si le PCG réussit à fédérer les éléments les plus déterminés du mouvement anticolonialiste guadeloupéen, peut-être que la question de la décolonisation et de la libération nationale de la Guadeloupe, connaîtront une nouvelle actualité. Le PCG aura peut-être accompli là, sa «mission historique». Mais, les conditions objectives sont-elles réunies ? Le peuple guadeloupéen est-il prêt pour ce saut qualitatif ? Qui peut répondre ?
Notes :
GONG : Groupe d’Organisation Nationale Guadeloupéenne. Organisation clandestine pro-chinoise.
PTG : Parti des Travailleurs Guadeloupéens Marxiste léniniste - maoïste, héritière du GONG
MPGI : Mouvement Populaire pour la Guadeloupe Indépendante
KLNG : Konvva pou Liberasyon Nasyonal Gwadloup, héritière du MPGI.