Le Népal, le véritable Népal, le Népal estimable n’est pas dans Thamel, le quartier touristique de Kathmandu. Il n’est pas autour des grands stupas qui ne sont que des Lourdes bouddhiques à la spiritualité baignant dans le mercantile. Et il n’est évidemment pas dans les régions de trekking intensif : Khumbu, Annapurna, Langtang..., qui sont au Népal, ce que la Côte d’azur et le massif de Chamonix sont à la France.
L’aficionado, le curieux du Népal, savent que ce pays est le plus pauvre de l’Asie. Qu’il est plus pauvre que le Benglha-desh considéré comme le pays symbole de la misère sur la terre par les Occidentaux.
Politiquement, le Népal, jusqu’à sa deuxième révolution en 2006, était un pays dans lequel régnait une monarchie absolue ou quasi absolue. Et cette monarchie était étayée par des privilégiés, à savoir des membres des hautes castes hindouistes. Celle des bahuns-brahmanes et celle des chétris. Aux premiers qui sont les prêtres de l’hindouisme et possèdent de ce fait une puissante influence sur des populations analphabètes à 50%, les postes de la haute administration, aux seconds le haut commandement de l’armée et de la police. Sous cette aristocratie népalaise la masse des gens de basse caste : dalits, paysans sans terre, serfs-kamalayias et les Tribaux-Indigenous : Bothes, Magars, Gurungs, Tamangs, Kirats, Magis, Tharus... Tous regardés par les gens des hautes castes, avec le même regard que notre noblesse de 1789 portait à nos manants. Le Népal présentait donc une stratification sociale comparable à celle de notre ancien régime et il est normal que des mouvements de contestation allant jusqu’à une guerre civile et à des révolutions se soient enchaînés.
Le dialogue est difficile entre des Népalais révoltés et les membres de nos sociétés apaisées dans lesquelles les manifestations de revendications sociales sont plus près des promenades digestives que des luttes sauvages. Le sens des mots est différents dans les deux sociétés Combien de mots du vocabulaire révolutionnaire sont devenus obsolètes chez nous : peuple, féodalité, noblesse, ancien régime, révolution... ! Et maoïste ! Les révolutionnaires népalais n’ont-ils pas baptisé leur mouvement maoïste ! Un mot rejeté par tous en France ! Pourtant, il faut comprendre que pour ces Népalais le mot maoïste n’est pas porteur des fautes commises par Mao Zedong devenu Président de son pays. Il leur rappelle la Longue marche victorieuse de son armée contre celle de Tchank Kaï chek –d’ailleurs équipée et armée déjà par les Etats d’Unis !- Le mot maoïste sous-entend pour les révolutionnaires népalais, la victoire des coolies sur les mandarins. Il est de plus, depuis peu, la marque de la victoire économique du communisme façon chinois sur le capitalisme-mondialiste occidental en déclin. Sens des mots différents : quel parti politique de gauche, quel syndicat français fait aujourd’hui référence à Marx et à Lénine ? Pourtant ces noms sont dans le vocabulaire quotidien des Népalais révolutionnaires. Logique, ils sont pour eux ce que les noms de Jean Jacques Rousseau et de Voltaire étaient à nos Sans culottes.
Faut-il condamner les maoïstes népalais parce qu’ils ont choisi un mot rejeté par les Occidentaux ? Faut-il les critiquer par ce qu’ils ont, sous ce nom, lutté pendant dix ans contre l’arbitraire et la féodalité. Faut-il également, j’entends ici ce refrain : condamner la révolution népalaise parce que les révolutions se terminent toujours mal ? Celle de 1789 a conduit à la Terreur, celle des Soviets à Staline, celle de Mao Zedong aux fautes qu’il a commises. Oui ? A ce compte il fallait que nos Sans culotte acceptent l’ancien régime, que les moujiks russes conservent leurs seigneurs et leur tsar, que les coolies chinois conservent leurs mandarins et leur empereur.
Après dix années de guerre civile et une deuxième révolution les maoïstes vainqueurs ont défait la monarchie et implanté une République népalaise. Enorme victoire. Hélas bien courte, rapidement, les forces de droite ont repris le pouvoir. Aujourd’hui le pays est gouverné par une coalition qui comprend des royalistes de l’ancien régime, des membres du Nepali Congres, le parti des gens de caste, le tout, honte suprême, sous la direction du parti Union Marxiste Leniniste (sic) qui n’a de révolutionnaire que le nom.
Nous sommes quelques Français à manifester notre réprobation, à vouloir montrer aux maoïstes népalais qui viennent de commencer une grève générale illimitée qu’ils ne sont pas oubliés. Seriez-vous de ces Français à participer à la rédaction d’un site New Népal ? D’une association même informelle ? Seriez-vous quelques élus de gauche qui accepteraient de vous rapprocher de ces Sans culottes népalais ?
Sigayret, Kathmandu, mai 2010.