En ce sens, ce fut une révolution tranquille. Et c’est parce qu’il avait pris très tôt conscience de l’incapacité du système départemental à apporter des réponses adaptées à nos difficultés que notre Parti , dès 1960, a lancé la revendication d’un véritable pouvoir martiniquais, puis, en 1996, l’idée des “Etats généraux pour la responsabilité et le développement”.
Quel était le but recherché ? Amener à faire parler d’une même voix l’ensemble des forces de progrès qui exprimaient des revendications identiques, mais condamnées à l’impuissance car divisées. Il s’agissait d’élaborer une stratégie commune pour aboutir à un véritable projet conçu par les Martiniquais, un projet à défendre face à un pouvoir central sourd à nos légitimes aspirations. Nous serions mieux armés qu’aujourd’hui!
Depuis, un pas important en ce sens a été franchi avec l’élaboration de l’Agenda 21 par le Conseil Général et le Schéma martiniquais de développement économique du Conseil Régional. Notre Parti s’est réjoui de leur fusion en un document unique qui définit les axes stratégiques pour un développement durable et endogène. Il doit demeurer l’ossature de notre projet global de développement.
La crise est passée, contraignant le président de la République et son gouvernement à agir. D’où sa décision d’organiser en hâte ces Etats Généraux pour donner le sentiment que l’on change de méthode, que l’on remet tout à plat.
Ainsi, le pouvoir tente de récupérer, à son profit, le puissant désir de prise de parole du peuple par une démarche de démagogie populiste. D’où notre grande méfiance renforcée par un sentiment d’impréparation largement partagé.
L’urgence justifie-t-elle une telle précipitation ? Une précipitation qui s’apparente à une stratégie de dislocation du front social qui avait forcé le pouvoir et ses alliés du patronat à céder sur des points sur lesquels ils n’entendaient rien lâcher comme la baisse des prix et l’augmentation du pouvoir d’achat. D’autre part, n’est-ce pas une tentative de noyer dans une grand-messe les revendications identitaires fortement exprimées tout au long de ces 38 jours de crise ?
Mais par delà les incohérences entre les thèmes débattus dans certains ateliers, ces Etats Généraux soulèvent de graves problèmes de légitimité politique qui risquent de porter atteinte à la représentativité même de nos élus.
Car voilà que nombre de questions déjà tranchées par un vote solennel se retrouvent au menu de certains ateliers. Cela nourrit notre inquiétude avec la remise en débat de la question institutionnelle, sur laquelle le Congrès, qui est l’instance légale mise en place par la loi, s’est déjà prononcé à 74% en faveur de l’article 74, et donc pour une véritable autonomie.
N’est-ce pas une stratégie du pouvoir, à travers ces Etats généraux, de remettre en cause ce choix et imposer sa préférence pour l’article 73 ?
Et pourquoi avoir remis en débat nombre de questions sur lesquelles la Loi d’Orientation (LODEOM), conçue comme une réponse globale à la crise que traverse l’Outremer et à la problématique du développement endogène, a déjà légiféré ?
La LODEOM n’a-t-elle pas déjà arrêté une batterie de mesures allant de la zone franche globale, aux nouvelles exonérations de charges, aux mesures en faveur de l’hôtellerie, à la mobilité, au fonds exceptionnel d’investissement, à la continuité territoriale et au logement social, d’ailleurs grand oublié de ces Etats Généraux ?
Et pour ajouter à la confusion, voilà que le Gouvernement vient de confier au député Serge Letchimy une mission sur le logement qui est l’une des principales compétences du Conseil Général ! Manoeuvre de division.
A peine votée, cette loi serait-elledéjà caduque ?
Toutes les causes de notre mal être ont déjà été identifiées et décortiquées.
La question de fond est celle de l’absence de volonté du pouvoir central de mettre en oeuvre une réelle politique de développement et d’en donner les moyens politiques et financiers au peuple martiniquais à travers ses élus.
Il est à craindre que ces Etats Généraux déjà formatés par le pouvoir ne servent qu’à avaliser des décisions déjà arrêtées. De même, il est à redouter que le libéralisme qui inspire toute la politique du gouvernement ne le pousse à ne prendre en compte que les aspirations du patronat fortement mobilisé.
Pourquoi des Etats Généraux alors qu’une grande partie du travail est déjà fait ? La crise doit d’abord être perçue comme une incitation à aller plus vite et plus loin. Mais pas comme un moyen de tergiverser sur les solutions à y apporter. L’essentiel des revendications et des propositions que notre Parti soutient demeure les orientations déjà adoptées par le Congrès ou qui le seront lors de la séance du 18 juin et qui ouvrent la voie à une véritable autonomie.
Pour renforcer leur légitimité, nous proposons la tenue, avant la deuxième cession du Congrès, d’un Forum pour une Martinique nouvelle qui prendrait en compte les nouvelles aspirations exprimées par le mouvement du 5 février.
Et puisqu’il y a urgence, ne perdons pas de temps à chercher des réponses dont l’essentiel a déjà été élaboré par nos Elus. Bouclons le projet martiniquais en tenant compte des aspirations du 5 février 2009.
G. Erichot