Espace nord-américain : Etats-Unis-Canada-Québec
Mercredi 10 Février 2016
Dans l’Iowa, le candidat qui se proclame socialiste a recueilli 83 % des suffrages des moins de 30 ans. Dans le New Hampshire, ces mêmes jeunes constituent la force la plus militante et la plus engagée sur le terrain
New Hamspshire (États-Unis), envoyé spécial.
Ils sont jeunes. Ils sont à l’image d’une Amérique devenue multicolore : blancs, noirs, latinos, asiatiques, métis. Ils sont souvent étudiants. Ils mènent leur première campagne électorale. Et ces « Millennials » (surnom donné à ceux qui ont aujourd’hui moins de 30 ans) se mobilisent pour un candidat socialiste de 74 ans. En plus de cela, ils n’ont pas froid aux yeux. La preuve. « Si je peux me permettre de rectifi er, intervient posément Ben, petite barbichette brune à la d’Artagnan. Nous faisons campagne pour une révolution politique portée par un candidat socialiste de 74 ans et des millions d’autres personnes, dont de très nombreux jeunes. Nous avons d’ailleurs créé un hashtag, NotMeUs(PasMoiNous). » Comme si la génération du millénaire reprenait le fl ambeau des années 1960 que la « révolution conservatrice » de Reagan n’a pas réussi à totalement éteindre. Dans l’Iowa, Bernie Sanders a perdu d’un cheveu mais il a emporté 84 % du vote jeune. Dans le New Hampshire, où est organisée aujourd’hui la première primaire (le vote dans l’Iowa n’était réservé qu’aux militants du parti) du cycle présidentiel, la participation de la nouvelle génération de citoyens américains sera décisive pour l’avenir de cette « révolution politique ». Pour Sarah, tout a commencé par un quiz sur Internet, l’été dernier, l’été de ses 18 ans. Quelle personnalité politique était la plus proche de ses idées ? Un nom, dont elle avait à peine entendu parler, est apparu sur son écran : Bernie Sanders. Depuis, elle a changé trois fois de couleur de cheveux (violet, blond et désormais roux) mais pas de choix : elle veut « Bernie for president ». « Je veux surtout une démocratie restaurée où les responsables politiques ne peuvent pas être achetés par des compagnies », argumente-t-elle. Originaire du Massachusetts voisin, elle mène ses études à l’université du New Hampshire, à Durham, et c’est là qu’elle votera. Sur le campus, elle participe à l’une des 220 sections universitaires de « Sanders 2016 ». Avec Céline et Faye, entre autres, elle fait le tour des dortoirs pour s’assurer que le turn out (la participation) sera au rendez-vous. Transformer l’enthousiasme en vote : c’est également la mission de Michael, 25 ans. Vendredi dernier, lors d’un meeting tenu à Exeter, malgré d’abondantes chutes de neige qui n’ont apparemment rebuté personne, les participants avaient à peine le temps de défaire les flocons de leurs manteaux et chevelures qu’il leur demandait noms et contacts à des fins de relance dans la dernière ligne droite. Électeur d’Obama en 2008, ce petit-fils d’immigré italien entame sa première campagne comme militant. « Si la participation est forte, cela veut dire que notre mouvement a revigoré la démocratie, indique-t-il. Ce ne sera qu’une première étape. Et même s’il n’obtient pas la nomination, Sanders a changé la tonalité de la discussion politique nationale sur tous les sujets : gratuité des frais d’inscription scolaire, création d’une sécurité sociale universelle, dénonciation des inégalités, chasser l’argent de la politique. » Au milieu des vieux bois centenaires de l’hôtel de ville, Michael a croisé Jo, 18 ans, et a souri. Le jeune lycéen de l’Exeter Academy arborait ce jour-là un pull rose frappé du mot « féministe ». Quarante-huit heures auparavant, il se tenait, avec une dizaine d’autres jeunes, face à ce même bâtiment où Donald Trump venait donner un meeting façon « town hall », c’est-à-dire avec des questions des personnes présentes. Anecdote : une dame a pris le micro pour contester la vision paranoïaque de l’immigration du milliardaire nationaliste, qui a eu comme répartie : « Qui vous envoie ici, c’est Sanders ? » Une opération géante de mobilisation électorale Sanders, celui qui donne le la de la campagne et qui domine dans les sondages locaux. Les plus récents lui donnent entre 10 et 20 points d’avance sur Hillary Clinton. Dante Scala, professeur de sciences politiques à l’université du New Hampshire (UNH), avoue qu’il est « déconcerté » face à de tels scores annoncés. « Je pensais bien que Sanders allait bien se tenir ici, mais pas à un tel niveau. » Un tel niveau qui ne peut être possible, outre le soutien des jeunes, sans « l’adhésion de la classe ouvrière blanche. C’est tout sauf normal ici surtout pour un progressiste insurgé », commente l’universitaire. Samedi, Sarah, Joe et Michael ont participé à une opération géante de mobilisation électorale, du porte-à-porte à la relance téléphonique. À Concord, capitale de l’État, alors que Matt, Mark, Eric, Greg, Lou et Nanou forment l’équipe qui part du QG de Sanders, situé dans la zone commerciale, à quelques centaines de mètres de là, on s’apprête à faire les 3×3×3. Trois équipes de trois heures pendant trois jours. La direction nationale du syndicat SEIU a apporté son soutien à Hillary Clinton, mais le Local 1984, qui syndique les employés territoriaux du New Hampshire, a choisi Sanders. « La force motrice de la campagne du sénateur Sanders, ce sont les gens. Savoir jusqu’où elle peut aller sera déterminé par la quantité de personnes qui s’impliquent. Si nous votons en masse, eh bien, nous devenons une force politique », argumente John Hattan, secrétaire du syndicat. En quelques mois à peine, cette candidature, annoncée dans un quasi-anonymat, a débouché sur la construction d’une organisation électorale sans équivalent hormis celle de Barack Obama, en 2008. Dans le New Hampshire, dont la population équivaut à la moitié de celle de Paris, « Bernie for president », ce sont 7 200 volontaires et 108 staffs (permanents). L’embauche de ces derniers – essentielle pour une organisation – est rendue possible par une levée de fonds unique dans l’histoire électorale du pays (lire l’encadré ci-contre). Face à la percée du challenger, Hillary Clinton ne trouve pas la riposte. Coincée par sa stratégie de défense du bilan d’Obama afin de s’assurer du vote africain-américain, son supposé meilleur « pare-feu ». Empêtrée dans l’affaire de ses discours dispensés aux grandes banques de Wall Street contre des centaines de milliers de dollars. Dans les débats télévisés et en meeting, comme la semaine dernière dans le gymnase d’un collège de Manchester, la principale ville de l’État, elle tente d’abattre ses cartes maîtresses : expérience, réalisme, femme candidate. « Le fait qu’elle soit une femme est important mais le plus important est qu’elle soit qualifiée », expose Annie, une petite blonde retraitée venue de New York pour aider la campagne. Elizabeth, soutien d’« Hillary » depuis 2008, a, elle, plutôt tendance à renvoyer tous les questionnements concernant sa candidate – ses changements de position, sa proximité avec la finance – à une forme de sexisme déguisé : « C’est une femme suprêmement intelligente. Alors, on ne le supporte pas et on lui fait tout porter… » Mais elle n’est pas aveugle au point de ne pas voir que le coup est mal embarqué, ici au moins. « Certains lui ont conseillé de laisser tomber le New Hampshire et de préparer la Caroline du Sud, mais elle a refusé. » L’ancienne secrétaire d’État continue de sillonner l’État, participant à une chorégraphie politique sans équivalent, de 8 heures du matin à 11 heures du soir, de candidats au contact direct de leurs électeurs. Ici, une cafétéria de lycée. Là, une usine. L’exercice se rapproche plus de la démocratie de proximité que du barnum « à l’américaine ». Côté républicains, la droite, l’ultra-droite, la réaction nationaliste... Au-delà du « décor », ce qui domine, côté républicains, c’est la pièce jouée qui pourrait être titrée : la Grande Dérive. Suivre, dans la même journée, Jeb Bush puis Ted Cruz, Marco Rubio ou Donald Trump, c’est s’assurer un voyage dans le temps. Le « frère de… », c’est un Parti républicain à l’ancienne, à la Reagan. Sur ses affiches, il a tenté de faire oublier son nom de famille. Sur fond rouge, il est juste écrit : « Jeb ! » Mais en débat avec les étudiants de l’université Colby-Sawyer, de New London, il ne peut pas échapper à la réalité : « Je suis un Bush et j’en suis fier. Je fais partie de l’establishment. Mais j’ai une vie aussi. » Républicain « classique », il critique l’État et les impôts mais il développe des plans en 3 points pour régler tous les grands problèmes du pays et reconnaît certaines réalités (le changement climatique, la persistance du racisme). « Jeb » est un homme de raison. De droite mais de raison. Ted Cruz, sénateur du Texas et vainqueur du premier round en Iowa, lui, est un homme de l’ultra-droite et psychotique, obsessionnel. Nous sommes allés l’écouter à Hooksett, petite ville jadis industrielle (textile et briques) au bord d’une rivière. Il avait choisi comme lieu de rencontre le Robie Country Store, une épicerie générale du XIXe siècle transformée en restaurant, avec sur les murs, affiches de campagne (de Goldwater 1964 à Reagan 1980), des ustensiles de pêche, quelques armes à feu. Bref, l’Amérique laborieuse et traditionnelle. La pluie du jour était glaçante. L’argumentation aussi. Cruz a une solution : « C’est le génie de la Constitution qui va nous retirer du bord du précipice. » Pour « restaurer » l’Amérique, il n’a que des plans en 2 points, toujours les mêmes : supprimer et abolir. Supprimer le département de l’Éducation. Supprimer l’administration fiscale. Abolir la réforme de la santé d’Obama. Abolir la progressivité de l’impôt. Entre chaque proposition, surgissent des « Yeah », des « Amen », et même un « Alleluia ». Ted Cruz, d’origine cubaine et ex-catholique, est devenu un évangélique born gain. Son premier jour en tant que président : mettre fin à la persécution religieuse qui sévit aux États-Unis ! L’appareil républicain cherche un homme plus modéré que Trump La « réaction » incarnée par Trump est plus « nationaliste » que « religieuse », même s’il manie également ce bâton de dynamite. Le milliardaire new-yorkais se grime en porte-parole de l’homme blanc en colère qui veut renverser la table car il ne reconnaît plus son pays. À Exeter, son public est manifestement interclassiste : des deux fils à papa déposés en Porsche au chauffeur routier, chemises à carreaux et casquettes aux couleurs de la bannière étoilée. Trump est toujours donné en tête dans les sondages mais l’appareil républicain cherche un homme plus « modéré », moins « cinglé », capable de gagner l’élection générale le 8 novembre prochain. Et le bon « cheval », ce serait lui, Marco Rubio, élu sénateur de Floride, en 2010, avec la vague des Tea Party. Fils d’immigrés cubains, père barman et mère femme de ménage. Un visage de gendre idéal. Sa campagne semble prendre. Dans la cafétéria d’un collège de Salem, il a fait le plein, comme à chaque fois. « Je connais la maison, nous dit un militant blanchi sous le harnais. Je peux vous dire que c’est le bon vieux Parti républicain qui est ici : professions libérales, petits patrons, mères de famille. » Et que dit Rubio, l’homme du consensus ? Il affirme que « Dieu est la source de nos droits ». Qu’il abolira l’Obamacare. Annulera l’accord avec l’Iran. Baissera le nombre d’agents des impôts pour augmenter celui des patrouilles de la frontière. Traquera les terroristes, qu’il enverra à Guantanamo, sans procès ni avocat. Le consensus qui s’annonce sera le plus à droite de l’histoire du parti de Lincoln ! Comme le résume John Nichols, qui couvre la campagne pour le magazine progressiste The Nation, « l’Amérique vire à droite et l’Amérique vire à gauche en même temps. C’est plus vrai que jamais. Cette élection s’annonce vraiment comme un moment pivot dans l’histoire du pays. » http://www.humanite.fr/en-campagne-avec-les-acteurs-de-la-revolution-sanders-598397 |
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