2. La crise met en question l’hégémonie impérialiste américaine de Bush, ses prétentions de contrôle économique et territorial du monde, et surtout sa politique d’interventionnisme militaire de guerre préventive sous le prétexte "de lutte mondiale contre le terrorisme". En ce sens, la présidence de Barak Obama, au-delà des changements d’accent et de forme dans la stratégie impérialiste, représente une tentative pour trouver une sortie capitaliste à la crise et recomposer les forces du capitalisme mondial.
3. La crise capitaliste mondiale constitue un facteur d’accélération et d’accroissement d’une fissure dans la politique "de sécurité démocratique" d’Álvaro Uribe. Avec les signaux évidents de décomposition avancée des structures criminelles et mafieuses du régime politique et ceux d’affaiblissement de l’unité au sein du bloc au pouvoir, la crise met en effet en question le "modèle économique" de l’extrême-droite, et montre que les bontés apparentes du récent processus de néolibéralisation en Colombie répondaient en réalité à une conjoncture favorable du cycle économique. On tente de minimiser la nouvelle situation à l’origine de la crise en la présentant comme une simple"décélération de la croissance économique".
4. La crise coïncide surtout avec un mouvement social et populaire croissant qui synthétise et stimule, sous de diverses formes, tout ce qui a été accumulé non seulement en matière de résistances mais aussi d’aspirations politiques, sociales, économiques et culturelles par un peuple travaillant pour le changement, la transformation de la société. Nous mettons l’accent sur l’esprit de lutte renouvelé du peuple colombien dans ces mobilisations. Nous soulignons l’attitude courageuse et héroïque de la grève des coupeurs de canne, des entreprises d’État, des actions du mouvement syndical et de multiples et innombrables autres mobilisations sociales et populaires. Toutes celles-ci constituent une démonstration supplémentaire de la fissuration du régime de "sécurité démocratique", et de ce que le terrorisme d’État et les composantes du projet politico-économique de l’extrême-droite en général - qui cherche à se prolonger par une seconde réélection d’Uribe ou une continuité de l’uribisme sans Uribe- peuvent être mis en échec si on arrive à organiser et consolider une vaste mobilisation sociale et populaire.
5. L’ébranlement du projet uribiste ne représente pas la fin des prétentions des classes dominantes d’instaurer un régime d’exception permanent, ni la conclusion du projet d’accumulation capitaliste basé -principalement par de grands projets minéro-énergétiques, agrocombustibles et d’infrastructure, d’exploitations monopolistiques aux mains des entreprises multinationales, du grand patronat capitaliste, de la grande propriété latifundiaire et foncière- sur la spoliation, le déplacement forcé de millions de Colombiens et Colombiennes, et les violations de Droits de l’Homme. Il met en effet bien en évidence la contradiction fondamentale au sein de la société colombienne actuelle entre, d’une part, un régime autoritaire, criminel et militariste représentant les intérêts de la finance et de la propriété terrienne à la solde de l’Empire et, d’autre part, les intérêts et aspirations démocratiques et émancipatrices de l’ensemble de la société -spécialement du prolétariat. Il indique en même temps la direction que doit prendre l’action politique organisée.
6. La tendance historique de l’accumulation capitaliste en Colombie et les structures actuelles du régime politique imposent des lectures plus complexes du conflit social et armé et de sa dynamique même, de même qu’elles transcendent les analyses simplement militaires émettant des assertions erronées de fin de conflit et même de post-conflit. Aux causes historiques du conflit armé s’en ajoutent actuellement d’autres qui résultent précisément des dynamiques territoriales de l’accumulation capitaliste. En ce sens, la nécessité de l’échange humanitaire et d’une sortie politique négociée au conflit social et armé représentent une urgence historique et une tâche que l’on ne peut ajourner. Il s’ensuit que nous autres communistes soutenons toute initiative dans cette direction et appelons à la vaste mobilisation sociale et populaire pour une paix démocratique avec justice sociale et économique.
7. Est une tâche centrale la constitution d’un vaste mouvement politique pour la paix démocratique mettant en échec ces projets de militarisation de la société et de "solution militaire" au conflit -projets qui tentent de lever la population sous l’étendard de la contre-insurrection, qui cherchent à discipliner, organiser la société entre "amis et ennemis du terrorisme" ou même à promouvoir, dans des secteurs démocratiques, des thèses contre-insurrectionnelles. Les problèmes de la société colombienne ne s’expliquent pas par la persistance du conflit social et armé. C’est celui-ci qui est plutôt dû à ceux-là. Il faut comprendre qu’il n’y a, qu’il n’y aura pas de paix en Colombie tant qu’il n’y a pas de changements politiques, économiques et sociaux.
8. Le démantèlement progressif du projet d’extrême-droite dans un contexte de crise mondiale du capitalisme, de nouvelles dynamiques territoriales de la guerre et d’un mouvement social et populaire croissant, ouvre des perspectives pour envisager un nouveau pouvoir et un gouvernement démocratique en Colombie. Le Parti Communiste lance un appel au peuple colombien, aux forces progressistes, démocratiques et de gauche, aux mouvements sociaux et populaires, indigènes et afro-descendants, pour travailler de manière solidaire dans cette direction. L’heure est arrivée d’accorder plus résolument les luttes colombiennes avec les processus de changement, de transformation et de nouvelle intégration latino-américaine mis en place par quelques gouvernements progressistes et de gauche d’Amérique latine. Il est temps d’avancer vers une démocratie économique et sociale et d’asseoir les bases d’une nouvelle société.
9. En ce sens, le Pôle Démocratique Alternatif (PDA) acquiert la plus grande signification. Les communistes manifestent leur engagement de continuer à construire le PDA -qui rassemble les plus vastes expressions organisées du peuple colombien et qui exprime le plus grand effort d’unité des forces populaires, démocratiques et progressistes du pays- et d’en faire une force cohérente et conséquente de la gauche colombienne -avec une volonté d’arriver au pouvoir en accord avec les demandes et aspirations sociales et populaires. Nous allons au second congrès du Pôle avec l’espoir que celui-ci se constitue en une force politique capable de transformer le pays de manière démocratique. La pré-candidature de Carlos Gaviria Díaz est un pas important dans la réalisation de cet objectif.
10. Le Congrès du Parti Communiste [Colombien] salue et félicite les militants sociaux et populaires, les travailleurs et les paysans, les indigènes, les afro-descendants, les jeunes et les femmes, les défenseurs des Droits de l’Homme, les prisonniers politiques, la militance communiste et, en général, le peuple colombien, et les invite à persister dans leur engagement pour la construction d’une nouvelle société.
Bogota, 16 novembre 2008