Aux états Unis d'Amériques, les scénaristes de la démocratie étant en grève, et pour cause il semble que ceux qui voudraient parler n'aient plus droit au micro et que les autres soient aphones.
Ainsi, on a donné à la population les effets spéciaux propres à compenser par des formes clinquantes et bruyantes, au moins provisoirement, le déficit de fond de plus en plus flagrant.
En France,
ils ont par une écrasant majorité, piétiné le Peuple - troisième lettre prétexte d'un part dont le président à vie est actuellement le premier homme de l'état -
Ils avaient déjà à bien d'autres reprises, manifesté clairement leur méfiance d'hommes et femmes dont la carrière est le pouvoir, à l'encontre de ceux qui ne seraient selon eux, que des enfants.
Ils ont voulu éviter de rencontrer la voix de ceux-là même qui sont censés leur conférer une légitimité en accord avec la notion de république.
Ils nous ont donc bannis, nous les Nombreux, du fonctionnement de leur régime députocratique.
Qu'ils fassent donc sans nous ce raccourci d'Europe, ce squelette sans chair et sans projet pour l'homme, à l'image de leurs billets sur lesquels on chercherait en vain la présence d'un être vivant, fusse-t-il le plus neutre des insectes.
De ce véhicule fou dont monsieur Attali proposait de supprimer les freins, il ne reste plus qu'à comprendre, pour eux comme pour nous, que le peuple est descendu ... en marche,
pour ne pas sortir de l'Histoire
et ne pas devenir des humains post-historiques
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Dans cet ordre post-historique, l'homme devient donc une machine, réduite, autant que possible, à un paquet de réflexes : remise à neuf à l'usine d'éducation pour être Conforme aux besoins des autres machines.
Dans ce but, sa nature animale originelle, pour ne pas parler des tendances qui le rendent plus précisément humain, doit être abandonnée.
Toutes ses réalisations et tous ses souvenirs passés, tous ses espoirs et toutes ses impulsions, toutes ses inquiétudes, tous ses idéaux, se dressent sur la voie de cette transformation.
Donc, seuls ceux qui ont réussi à éliminer leurs attributs les plus humains sont candidats aux plus hautes fonctions dans la société post-historique : celles de conditionneurs et de contrôleurs.
La sympathie et l'empathie, la capacité de participer avec imagination et amour à la vie des autres hommes, n'ont pas de place dans la méthodologie post-historique; car la culture post-historique exige que tous les hommes soient traités comme des choses.
Humainement parlant, l'homme post-historique est un anormal, sinon un délinquant actif; enfin, un monstre en puissance. La nature pathologique de son vice a été masquée par son haut quotient intellectuel.
Travestis avec des vêtements de confection banaux, semblant exprimer également la banalité, des opinions allant de soi, ces monstres sont déjà à l'œuvre dans la société de nos jours.
Leurs activités caractéristiques - tels leurs préparatifs pour la guerre atomique, bactériologique et chimique - sont aussi irrationnelles que leurs actions sont contraintes et automatiques.
Le fait que la démence morale, sinon la futilité pratique de ces préparatifs, n'a pas produit une révolte humaine généralisée montre bien que le développement de la société post-historique est déjà très avancé.
Aucune des activités caractéristiques de l'homme post-historique, si ce n'est peut-être l'exercice de l'intelligence pure, n'a quoi que ce soit à faire avec le service de la vie ou la culture de ce qui est vraiment humain. L'homme post-historique a déjà, théoriquement, abandonné l'homme.
Ce qui survit du patrimoine est une gêne, que son contrôle croissant sur les processus de reproduction éliminera avec le temps, comme il élimine déjà les qualités indésirables chez les porcs et le bétail. D'une façon ou d'une autre, par un conditionnement psychologique et la reproduction biologique, ou en ayant recours aux exterminations collectives sans limite, il effacera ce qui reste de l'humanité.
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Lewis Mumford "Les transformations de l'homme" 1956
Quarante ans après
nous sommes plus que jamais en route vers cet homme robot là