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10/06/2006 23:37

Un mois de fête

MONDIAL 2006 • La fête n'est pas pour tout le monde

Alors que la planète s'apprête à garder les yeux rivés sur les télévisions pendant les quatre semaines que va durer la Coupe du monde de football, une partie de la presse internationale estime que cette mondialisation sportive, pour joyeuse qu'elle devrait être, laissera pas mal d'exclus, à l'instar de sa grande sœur, la mondialisation économique.



"Pendant un mois, le monde va se consacrer à ce qui se rapproche le plus d'une religion universelle : regarder du football", constate The Economist, qui précise que "la Coupe du monde sera retransmise en direction de 5 milliards de personnes dans 189 pays". Un universalisme apparent, auquel La Tribune d'Alger s'empresse de mettre un bémol. "La majorité des pays a les yeux tournés vers le ciel, et l'angoissante question de ce fameux signal, qui risque de ne pas venir, hante des millions de téléspectateurs de par le monde. Chez nous, comme dans la majorité des pays pauvres, c'est la dépression collective à l'idée de ne pas pouvoir suivre l'événement sur le petit écran."

Car, si les matchs peuvent être retransmis presque partout sur la planète, reste que, pour les diffuser, les chaînes locales doivent acquitter des droits de retransmission auprès d'entreprises qui ont elles-mêmes acquis des monopoles régionaux sur ces droits. Ainsi, explique La Tribune d'Alger, "en Algérie, à l'instar de nombreuses contrées du Maghreb et du Moyen-Orient, la supervedette est incontestablement la chaîne cryptée arabe ART, dont l'évocation des initiales fait sortir de leurs gonds les amoureux du football, qui parlent d'un 'hold-up' historique."

Son confrère El-Watan fait ainsi part du "sentiment de frustration qui a couru au sein de l'opinion nationale après l'échec des négociations avec le patron du bouquet ART, détenteur exclusif des droits pour le monde arabe et l'Afrique du Nord. Les instances algériennes n'ont eu d'autre choix que de se rabattre sur les cartes de décryptage ART offertes au public pour la modique somme de 2 100 dinars (environ 20 euros). Les Algériens pourront également, avons-nous appris, capter en clair les matchs du Mondial sur les chaînes allemandes ARD, ZDF et RTL."

Les Marocains aussi pourront voir les stars du ballon rond, puisque, "grâce à l'intervention personnelle de Sa Majesté le roi Mohammed VI auprès du président des chaînes de radio et télévision arabes ART, le Maroc a obtenu le droit de retransmettre gratuitement sur les chaînes publiques le match d'ouverture, les demi-finales et la finale de la Coupe du monde de football 2006", se réjouit Aujourd'hui le Maroc.

Mais est-il bien normal d'en arriver ainsi, tout roi qu'on est, à quémander la gratuité des matchs ? "La Coupe du monde à l'œil est une ère bel et bien révolue. Le Mondial passe par la désormais incontournable lucarne de la sacro-sainte logique du monde des affaires", note La Tribune d'Alger. Et El-Watan de regretter le fait que "de nombreux peuples du tiers-monde ne pourront suivre, comme ils le font d'habitude, les péripéties de la compétition sur les stades allemands".

Le quotidien algérien relève que, autrefois, "la FIFA mettait en avant les vertus du football en tant que facteur de rapprochement entre peuples et permettait aux populations économiquement démunies de capter l'image à moindres frais. C'était le temps où l'instance internationale cherchait à populariser la pratique du ballon rond dans les zones les plus reculées. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : le profit a pris le pas sur la noblesse des principes véhiculés autrefois, battus en brèche par les droits télévisés faramineux que la FIFA va engranger grâce à la Coupe du monde." Le Financial Times révèle d'ailleurs que ces droits vont rapporter à la FIFA "plus de 1 milliard d'euros".

Lire l'article de Eric Glover

Sylvie Delhaye



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