France
14/01/2015 22:31

Tout est pardonné, Inch Allah que personne n'oublie

Il y a huit jours, quelques prétendus musulmans dont certains sont morts et d'autres probablement encore tapis quelque part, ont cruellement blessé la république sociale de France en assassinant des journalistes, des policiers, bien d'autres encore. Certains étaient juifs, d'autres musulmans et d'autres, tout simplement ni l'un ni l'autre.



Muhammad reçoit la révélation de l’ange Gabriel. Compendium des Histoires (Jâmi‘ al-tawârikh) de Rashîd al-dîn, manuscrit illustré produit à Tabriz au début du XIVe siècle (Edinburgh University Library, MS Arab 20). Source: http://ifpo.hypotheses.org/4445
Aujourd'hui, Charlie Hebdo a affiché une Une dans laquelle la caricature du prophète Mohamed pleure. Je veux comprendre qu'en effet un prophète pardonne y compris lorsque qu'il n'y a rien de pardonnable. J'imagine déjà les Juifs se lever et s'écrier: «Shalom Mohamed, Inch Allah, c'est vrai!» Le peuple de France n'a jamais su se pardonner, de la Saint Barthélémy à Vichy, en passant par la Shoah, l'assassinat des Algériens par le préfet Papon,  un colonialisme qui a laissé tant de charniers, rien, rien n'est pardonné. Et puisque Manuel Valls et François Hollande demandent qu'il n'y ait pas d'amalgame entre les terroristes fanatiques et les musulmans tranquilles, l'immigré sans religion, venu en France chercher la lumière de Voltaire et de Diderot, cessera peut-être un jour d'avoir peur d'être discriminé par le faciès.
Nous avons payé mercredi notre laïcité à la française au prix fort. Notre vivre ensemble de croyants et d'incroyants a été frappé au cœur. Il est normal que tous les prophètes des trois livres monothéistes sacrés pleurent en commun. C'est que cette laïcité française s'est faite, en son temps, contre le religion catholique et non pas pour le vivre ensemble. Nous avons tant écrit sur les frontons des monuments officiel et des écoles «Liberté, égalité, fraternité» que nous passons devant sans lire ni comprendre...
Ok, Ok, ne nous fâchons pas et puisque le président de la république a dit qu'il s'agit d'une guerre, restons sur la réserve, pensons à nos soldats sans prétendre qu'ils défendent des intérêts occultes mais bien nos valeurs républicaines. Ce soir, la rédaction d'Editoweb Magazine se sent enfin Charlie, mais pas que. Et quant à moi, j'assume l'Histoire de ce pays, ses contradictions, ses charniers ; je le fais en toute conscience de mes imperfections, de celles du peuple auquel j’appartiens, qui n'est pas plus taré que les autres peuples.
Si le prix de la paix était simplement d'écrire «Liberté, égalité, fraternité et liberté religieuse», je le ferais, pas en tant que croyant d'une quelconque religion, simplement en tant que citoyen républicain. Passons cela aussi.
J'apprends que certains de mes compatriotes de confession juive veulent s'en aller. Il y a déjà dix ans qu'ils y pensent, peut-être même vingt ans, peut-être même depuis Pétain. Je les ai déjà vus partir d'Afrique du nord avec l'espoir que Vichy était effacé. Mais voilà que Dieudonné et Génération identitaire veulent le ressusciter. En Afrique du nord, j'avais déjà dit tous les shalom possibles, je ne veux plus avoir à les redire en France.
Manuel Valls a raison: la France sans les Juifs, ce n'est pas la France. Il a oublié d'ajouter que la république sans les immigrés victimes d'un colonialisme injuste et cruel, ce n'est pas non plus la France que nous aimons. Et lorsqu'il a ajouté que l’État protégera ceux qui croient autant que ceux qui ne croient pas, il oublie de préciser que son devoir d'aujourd'hui et de demain est de construire des passerelles pour que les mains et les cœurs des uns et des autres puissent se rejoindre.
Nous devons cesser de nous déchirer les uns les autres et quand bien-même nous avons le droit, et il faut l'affirmer, de blasphémer, peut-être faut-il éviter de blesser celui qui n'est pas nous. Chaque citoyen devrait plus que jamais prendre conscience de son devoir d'aller vers celui ou celle qui ne lui ressemble pas et qui ne semble pas être des siens et le protéger. C'est à ce prix-là seulement que la république française méritera le qualificatif d'universel.
Pour finir, et ainsi percer mon propre bubon, j'aimerais réaffirmer ce que j'ai écrit lors de précédentes parutions des caricatures dites du prophète, nul n'est obligé d'acheter, de lire et de commenter Charlie Hebdo.

Henri Vario-Nouioua



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