France
03/07/2014 22:45

Sarkozy : Georges Fenech exige des juges de droite

Dans l’affaire de la garde à vue et de la mise en examen par des juges, dont une est de gauche, Georges Fenech affirme que Claire Thépaut doit se déporter et le demande explicitement au Tribunal de grande instance de Paris. C’est encore une atteinte à la séparation des pouvoirs et Georges Fenech ne semble pas s’en émouvoir.



Serge Portelli, président de Chambre à la cour d'appel de Versailles et appartenant au même syndicat de magistrats que Claire Thépaut se demande s’il doit, lorsqu’il instruit ou juge une affaire, se coller une étiquette mentionnant ses opinions politiques sur le front, voire se vêtir d’une robe de couleur différente de celle des magistrats des autres partis politiques. Ces messieurs de la droite forte semblent donc ne vouloir être jugés que par des juges de droite, les autres n’étant pas dignes de confiance.
Pour son intervention télévisée de mercredi 2 juillet, Nicolas Sarkozy a convoqué à son quartier général deux journalistes et s’est adressé aux Français, indigné qu’il était d’avoir été placé en garde à vue et, dans la foulée, mis en examen. Je ne vais pas revenir sur le fait que c’est le cas de la plupart des justiciables soupçonnés d’avoir commis un délit et en particulier des «racailles» dont Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, proposait de nettoyer les cités au karcher.
Attachons-nous plutôt à bien établir les réalités juridiques suivantes. En premier lieu, ce ne sont pas les juges qui inventent les affaires mais les policiers qui portent des faits à l’attention du procureur de la république, lequel désigne des juges. S’agissant tout particulièrement de la garde à vue, les policiers n’en décident pas, c’est soit le procureur dans le cadre d’une information ouverte (enquête préliminaire demandée par la police), soit le juge d’instruction qui, désigné par le procureur, donne commission rogatoire à la police. En tout état de cause, la garde à vue est sous le contrôle du procureur de la république, lequel, sur la base du rapport de police, décide s’il faut ou non que l’individu (comme disent les policiers) soit présenté au juge d’instruction. En effet, l’affaire peut fort bien s’arrêter à l’enquête de police sur décision conjointe des policiers et du procureur. Ajoutons à cela que le juge d’instruction ne met pas en examen, surtout dans une affaire sensible comme celle de Nicolas Sarkozy, sans prendre l’avis du procureur de la république, lequel peut à son tour interroger le procureur général. Généralement, le juge d’instruction suit l’avis du procureur. Il se trouve que dans le cas d’espèce qui nous préoccupe, s’il est vrai que la juge Claire Thépaut fait partie d’un syndicat de gauche, le procureur de la république n’en fait pas partie, et encore moins le procureur général.
Je suis donc surpris que Nicolas Sarkozy, qui s’est un temps flatté d’être le premier flic de France, fasse mine de ne pas savoir que la police l’a convoqué et mis en garde à vue sans éléments dits concordants et concomitants et d’indices mettant en cause directement ou indirectement l’ancien président de la république. Je peux comprendre que l’opportunisme de Sarkozy l’autorise à sauter sur l’occasion pour retourner en politique. Pourquoi pas ? D’autant que, ne faisant pas l’objet d’une condamnation définitive, il est présumé innocent. Je ne comprends pas pourquoi il se plaint d’avoir été mis en garde à vue, puis en examen puisque, dans un cas comme dans l’autre, il avait droit à un médecin et à un avocat. Dans le cas contraire, ce droit n’aurait pas été ouvert. Il y a en effet - et tout le monde le sait - le plus grand intérêt, lorsque l’on comparait devant un policier suspicieux ou accusateur, à être couché sur le registre des gardes à vue afin que le temps de l’interrogatoire soit compté. Par devant un juge d’instruction, lorsque l’on fait l’objet d’éventuelles poursuites ou accusations, la mise en examen donne accès au dossier de l’instruction. Ce n’est pas le cas pour ceux qui comparaissent en tant que témoins. Alors, je m’autorise une question: pourquoi Nicolas Sarkozy se sent-il humilié, est-il offusqué, pourquoi n’a-t-il pas confiance ne l’indépendance des juges alors que, lorsqu’il était président de la république, il en a été le garant pendant cinq ans ? La seule réponse plausible, valable qu’il soit innocent ou coupable, est que, du temps de sa présidence, il intervenait régulièrement dans les affaires judiciaires.
Je n’irai pas jusqu’à affirmer qu’il n’y a eu aucune intervention de la garde des sceaux ou du ministère de l’intérieur, que l’un et l’autre n’était pas informé, je suis seulement surpris du manque de confiance de Nicolas Sarkozy envers la justice de notre pays, en laquelle il avait pourtant confiance lorsqu’il l’a dirigée contre son rival Dominique de Villepin. A moins que …
On notera qu’au cours de l’intervention télévisée, à la timide question du journaliste sur les fameux 17 millions de Bygmalion, Nicolas Sarkozy a répondu tout simplement qu’il n’est informé de rien et qu’il fallait s’adresser à l’UMP.
Pour autant, cette affaire Sarkozy révèle à quel point notre justice est inquisitoire, n’a besoin d’aucune preuve directe pour détruire la réputation d’un homme. Pas celle de Nicolas Sarkozy qui trouve sa position confortée auprès de ses militants (dites-en du bien, dites-en du mal). Il reste à savoir dans quel délai le code de procédure pénale sera revu et mieux adapté à l’indispensable présomption d’innocence du citoyen. Dans ce sens, Nicolas Sarkozy n’a rien fait durant son quinquennat.

Henri Vario-Nouioua



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