Sénégal d'Aujourd'hui
17/07/2009 12:59

Quand les délestages annoncent les fins des régimes

A l’approche de la fin du règne des socialistes, une bataille très âpre a été menée par les syndicalistes du secteur de l’électricité, le Sutelec contre le pouvoir de Abdou Diouf. On est à 7 ans, de la présidentielle de 2000. Mademba Sock leader syndical est arrêté puis emprisonné. Le front social s’échauffe. Contre la volonté des travailleurs, les socialistes privatisent la Senelec et hausse le coût de l’électricité. Pour sanctionner le pouvoir socialiste, les Sénégalais ont tout simplement voté pour le leader de l’Opposition d’alors Me Wade qui s’est fortement engagé dans le combat mené par les agents de la Senelec, les populations et du Sutelec.



On est 1993, à sept ans de la présidentielle de 2000. L’Etat du Sénégal annonce sa volonté de privatiser la Senelec. Ceci, contre la volonté des travailleurs et du syndicat, le Sutelec dirigé alors par Mademba Sock.

Sur le plan budgétaire, l’Etat du Sénégal semble financièrement incapable d’assurer l’entretien et les investissements au niveau de cette boîte. Catégoriquement, les travailleurs s’y opposent.

Décidé à vendre la Senelec, les socialistes tentent de maîtriser le bouillonnement au sein de l’entreprise. Le leader syndical Mademba Sock soutenu par tous les travailleurs tient tête au pouvoir socialiste qui n’hésitera pas à l’arrêter puis à l’envoyer en prison.

L’Opposition politique saisit la balle au rebond, rejoint le mouvement social et s’empare de l’affaire. Depuis la France, le leader du Pds Me Abdoulaye Wade durcit le ton. Il apporte tout son soutien aux membres du Sutelec. Toute l’opposition d’alors dont la plus importante partie est dans l’actuel «Benno Siggil Sénégal», occupe le terrain et politise le mouvement.

L’opposition réussira à faire de cette affaire, une bataille politique contre le régime socialiste. Le Mouvement devient populaire avec le tube fétiche du leader du Super Youssou Ndour «bouléne coupé» (ne couper pas). Les masses populaires adoptent le single du roi du Mbalakh qui devient par la suite, une chanson de campagne.

Le leader de l’Urd Djibo Leïty Kâ qui venait de quitter la mouvance présidentielle, disait «qu’au Sénégal quand il n’y a pas de délestages du matin au soir, les populations sont surprises». En d’autres termes, le leader de l’Urd voulait simplement souligner que les sénégalais se sont tellement habitués aux délestages que la fourniture en permanence d’électricité devient un fait surprenant. Le procès de Mademba Sock et compagnie sera politique et politisé par les leaders de l’Opposition d’alors.

Contre la volonté populaire, les socialistes haussent le coût de l’électricité. Les sénégalais ruminent leur colère et attendent le moment opportun pour prendre leur revanche sur le régime qui est devenu arrogant et intolérable à leurs yeux. Le dossier glisse sur le terrain politique.

Le succès qu’il tirera de cette affaire poussera Mademba Sock à rejoindre l’Opposition et à se présenter à la présidentielle de 2000 contre le candidat socialiste.

Jusqu’au mois de février 2000, les délestages alimentent le quotidien des sénégalais. Les ménages perdent leurs matériels et accessoires. Les travailleurs voient leurs activités au ralenti. Les petits ouvriers du secteur privé informel (tailleurs, menuisiers métalliques, ébénistes etc…) y voient une volonté du pouvoir en place de leur priver de travail et de revenus.

L’opinion publique nationale perçoit la privatisation de la Senelec comme une dilapidation d’un bien commun. Le terme «privatisation» est interprété par l’Opposition comme une vente banale. Ce que la masse populaire n’a pas compris.

En 2000, la chute d’Abdou Diouf n’a pas tardé. Le succès qu’a connu la campagne menée par l’Opposition contre le pouvoir socialiste sur le dossier de la Senelec a fortement contribué à la chute du candidat socialiste. L’électricité étant la première des denrées de première nécessité. Il n’existe pas un secteur de l’activité humaine qui n’utilise pas d’électricité surtout dans les grandes villes.

En 2000, l’une des premières mesures prises par le tout nouveau Président de la Républiquen c’est de revenir sur la privatisation de la Senelec faite par les socialistes. Le Gouvernement de Moustapha Niass prend la décision de rembourser les repreneurs étrangers. Près de 30 milliards de nos francs ont été versés dans les caisses des repreneurs. Depuis ce jour, la Senelec n’arrive pas à être à jour.

L’arrivée au pouvoir de l’Opposition qui a porté le combat de la Senelec face aux socialistes n’a apporté aucun changement qualitatif. Les sénégalais continuent aujourd’hui pire qu’hier de vivre les délestages.

La Senelec est devenue le pire ennemi du pouvoir libéral actuel. En dépit des promesses non tenues sur la situation de cette entreprise, les inaugurations des centrales et des tribunes, la situation est loin de connaître sa fin.

La nomination de Samuel Sarr comme Directeur Général de la Senelec a coïncidé à un moment où les choses étaient devenues catastrophiques.

Le dossier de la Senelec a occasionné beaucoup de problèmes entre certains membres du Gouvernement libéral. Devant le Président Wade, l’ancien Premier Ministre Macky Sall, l’ancien Directeur Général Samuel Sarr et l’ancien Ministre de l’Energie Madické Niang ont ouvertement affiché leurs divergences sur le dossier. «Macky Sall est un complexé» martelait l’actuel Ministre de l’Energie Samuel Sarr. Malgré les difficultés vécues par les populations depuis plusieurs années, Samuel Sarr ancien Directeur général devenu Ministre de l’Energie n’est pas inquiété. Au contraire, il est promu à des postes de responsabilité importante. C’est dire, est-ce que réellement Samuel Sarr est responsable de cette situation ? Le Président Wade a-t-il été convaincu que son Ministre de l’Energie n’est pas responsable ?

Dans tous les cas, les délestages et le coût élevé des factures d’électricité ont fini par radicaliser les populations. En dehors, des batailles des leaders de l’Opposition, les populations sont plus que jamais déterminées à faire face à tout ce qui peut rendre amer leurs conditions de vie. La Senelec a réussi, aujourd’hui à dresser les populations contre le régime en place.

Contrairement aux hommes politiques avant 2000, ce sont les Imams, les organisations sociales, les Asc, les associations de défense des consommateurs (Ascosen), la Société civile et les organisations féminines qui ont pris la bataille en charge. Les cités religieuses ne sont pas épargnées par ces désagréments dus aux délestages.

Selon des statistiques, les jeunes occupent prés de 60% des inscrits dans le fichier électoral. Et il est avéré que ces jeunes sont pour la plupart : des ouvriers, des tailleurs, des commerçants, des marchands ambulants, des chômeurs. Et selon toujours ces mêmes sources, le plus grand nombre de ces jeunes habitent la banlieue qui a été à l’origine de ces contestations populaires contre l’électricité chère et les délestages.

La situation sociale présente rappelle, la veille de la présidentielle de 2000 quand le candidat socialiste cédait sa place à celui de l’Opposition.


Source: Rewmi

Awa Diakhate



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