Art et Culture
06/10/2008 22:09

'Picasso et les maîtres': rencontres au sommet

PARIS - C'est l'exposition de la rentrée. "Picasso et les maîtres" réunit à partir de mercredi les tableaux de l'inventeur du cubisme et de ses illustres prédécesseurs, ces peintres qu'il a copiés, chahutés, déconstruits et dépassés.


Plus de 200 chefs-d'œuvre vont ainsi pouvoir dialoguer pour la première fois, sous les yeux des 10.000 visiteurs qui sont attendus chaque jour au Grand Palais, à Paris.

"Qu'est-ce au fond qu'un peintre? C'est un collectionneur qui veut se constituer une collection en faisant lui-même les tableaux qu'il aime chez les autres", devisait Picasso. "C'est comme ça que je commence, et puis ça devient autre chose".

En effet, Picasso ne plagie pas les maîtres; il s'approprie leurs toiles et les réinvente. L'unique copie de l'exposition est son "Portrait de Philippe IV", calqué de Vélasquez. Or c'est est déjà "une relecture de l'oeuvre" de son compatriote.

Le "cannibalisme" de Picasso ne consiste pas à copier stérilement mais à "absorber la puissance de sa propre filiation", relève Anne Baldassari, la directrice du musée Picasso. A l'origine de ce projet, cette institution parisienne a prêté de nombreux tableaux, tout comme le Louvre, Orsay, de prestigieux musées étrangers et des collections privées.

L'exposition s'ouvre d'ailleurs sur une série d'autoportraits qui retrace la filiation picturale du maître du cubisme: Le Gréco, Poussin, Rembrandt, Goya, Delacroix, Cézanne et Gauguin. "C'est un peu le Panthéon idéal laissé aux générations futures", remarque Olivier Picasso, le petit-fils du peintre. "C'est une page d'éternité qui nous est offerte".

Dans cette première salle, Picasso trône au milieu de tous ceux qui, avant lui, ont révolutionné la peinture. "Il est le seul qui ait, à ce point, endossé toute l'histoire de la peinture", affirme Anne Baldassari.

Tout au long du parcours, les oeuvres de Picasso sont présentées en contrepoint de celles de ses précurseurs. Son "Mousquetaire à l'épée" ressemble au "Matador saluant" de Manet. Son "Olga au col de fourrure" pose avec la même douceur que "Caroline Rivière" dans le portrait d'Ingres.

Cependant, l'exercice ne se réduit pas à un petit jeu de correspondances binaires. Souvent, des groupes de tableaux restituent le bouillon créatif dans lequel Picasso a baigné: Puvis de Chavannes et Renoir pour la sensualité des longues chevelures féminines, Ribera et Zurbarán pour les austères portraits masculins.

D'autres ensembles montrent comment Picasso s'est acharné sur certaines toiles de ses maîtres. Par exemple, "Les Ménines" de Vélasquez, réinterprétées 44 fois en six mois en 1957. Dans la plus aboutie de ces versions, Picasso se peint à la place de Vélasquez, qu'il relocalise dans le miroir où apparaissaient le roi et la reine d'Espagne dans le tableau original. "Il vient dans le tableau refaire l'histoire du tableau", souligne Anne Baldassari.

L'original est resté en Espagne. "Si on enlève les Ménines, le Prado s'écroule", plaisante la directrice du musée Picasso. L'institution madrilène a toutefois été très généreuse, prêtant notamment la "Vénus" du Titien et la "Maja desnuda" de Goya.

Aux côtés de "L'Olympia" de Manet, venue d'Orsay, ces toiles figurent dans l'étourdissante salle des grands nus qui clôt l'exposition. Elles sont entourées de nus couchés de Picasso qui leur redonnent un peu de leur indécence originelle. Par un troublant effet de juxtaposition, le petit chat noir de l'Olympia semble avoir sauté dans la toile voisine pour jouer avec la souriante femme allongée nue, peinte par Picasso. Surtout, c'est la première fois que ces célèbres beautés se rencontrent "et ça ne se reproduira sans doute jamais", prédit Anne Baldassari.

"Une exposition comme ça, c'est un miracle", souffle-t-elle en invitant le public à venir "découvrir un choc qui nous bouleverse tous".


Source: Yahoo news


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