Dès sa descente de l’avion, il retrouve les odeurs et les bruits de la nuit africaine. L’Afrique, ce continent où en fait il est réellement né en 1968, lors de sa première arrivée en Côte d’Ivoire. Il avait déjà vécu vingt et un ans en France sans s’en apercevoir. C’est ce continent qui lui a fait prendre conscience de son moi.
Onze heures de car pour effectuer les derniers sept cents kilomètres qui séparent Lomé de Dapaong, à la frontière du Burkina Faso. Là, Toubabou est attendu par Pascal, le Noir, fervent catholique, président de l’ONG OREPSA (Organisation Régionale pour la Promotion Sociale et Agricole) et par Hamadou, le Peul, musulman pratiquant un islam éclairé, de couleur de peau intermédiaire due au fort métissage de cette ethnie nomade, et chargé de la lutte contre l’excision des fillettes.
Immédiatement, un contact fraternel s’établit.
Onze heures de car pour effectuer les derniers sept cents kilomètres qui séparent Lomé de Dapaong, à la frontière du Burkina Faso. Là, Toubabou est attendu par Pascal, le Noir, fervent catholique, président de l’ONG OREPSA (Organisation Régionale pour la Promotion Sociale et Agricole) et par Hamadou, le Peul, musulman pratiquant un islam éclairé, de couleur de peau intermédiaire due au fort métissage de cette ethnie nomade, et chargé de la lutte contre l’excision des fillettes.
Immédiatement, un contact fraternel s’établit.
Il semble à Toubabou qu’il est attendu comme après une longue absence, comme s’il faisait partie de leur famille. Toubabou vient étudier la faisabilité d’un projet d’adduction d’eau dans deux écoles de «brousse». Lorsqu’il reviendra en France et présentera le projet, il fera remarquer aux décideurs que chaque fois qu’ils tirent la chasse d’eau ils utilisent la quantité d’eau potable consommée par une famille africaine en une journée. Mais cela va-t-il les convaincre?
Lors de la première soirée, pour un pot fraternel, ils s’assoient en rond autour d’un tronc coupé qui sert de table, à l’abri d’un tamarin. Une jeune fille sert du tchapalo (bière de mil rouge fermentée). Pascal de l’ethnie Moba du nord Togo, verse quelques gouttes de tchapalo sur le sol avant d'en boire, « pour les ancêtres ». Il y a plusieurs usages autour de la consommation du tchapalo en Afrique, notamment celui de boire une petite gorgée dans une calebasse avant de la faire passer à un camarade pour prouver que le tchapalo n'est pas maudit. Le tchapalo est utilisé dans des rituels pratiqués en l'honneur des ancêtres, des génies et des esprits. Il sert à l'établissement de la communication entre le monde visible et le monde invisible. Il ne peut être consommé par les vivants qu'après avoir été offert aux habitants du monde spirituel.
Puis Pascal fait passer la calebasse tour à tour. Machinalement, sans y faire attention, les trois hommes prennent chacun une poignée de cette terre rouge qui caractérise l’Afrique, cette terre qui a la couleur du sang versé, du sang des hommes de toutes les couleurs et de toutes les religions. Ils font couler ensemble de leur main cette terre qui forme un seul tas sur le sol comme pour réconcilier les Hommes et les Religions.
Symbolisme de l’échange des sangs dans les sociétés rituelles ancestrales ou jeux pour passer le temps ? Mais ce soir, sous le ciel étoilé du Sahel, ils deviennent réellement des Frères. Et, dans ce continent, ce n’est pas une expression dénuée de valeur, c’est un lien très puissant qui vient de se nouer.
Hamadou demande : « Toubabou, comment peux-tu vivre sans croire en un Dieu ? Comment expliques-tu tout ce qui nous entoure et qui a été créé par Dieu ?». Pascal, qui ne croit pas au même Dieu qu’Hamadou, le regarde avec attention car lui aussi croit en la Création. Toubabou leur répond : « Pourquoi croire à un seul Dieu qui a si mal créé ce monde ? Moi je ne crois en aucun Dieu, mais derrière chaque merveille de ce monde il y a une vie, un processus scientifique que ton Dieu ne peut expliquer, mais que moi, sans Dieu, je peux t’expliquer ».
Il a fallu de nombreuses calebasses de tchapalo et quelques pintades grillées pour mettre tout le monde d’accord. Enfin, plutôt pour remettre la discussion au lendemain. Toubabou remercie ses hôtes. Pascal lui répond fraternellement : « On ne remercie pas quand on est invité en Afrique noire. Ce n’est pas un cadeau, c’est normal. Et on ne se dit jamais adieu ni au revoir car des Frères ne se quittent jamais. ». Aïe, encore une leçon d’humanité que le Blanc a reçu ce soir.
Cette nuit Toubabou a eu beaucoup de mal à trouver le sommeil. Cette Afrique fraternelle qu’il croyait enfouie à jamais au fond de lui vient de rejaillir violemment. Il se retrouve quarante cinq ans plus tôt, jeune coopérant, plein de certitudes, dans ce continent qui te bouffe ou qui te transforme en un homme.
Le tchapalo est vraiment une boisson magique qui fait voyager dans le temps et lire dans le cœur des hommes. Au fait, je repars quand retrouver mes Frères ?
Lors de la première soirée, pour un pot fraternel, ils s’assoient en rond autour d’un tronc coupé qui sert de table, à l’abri d’un tamarin. Une jeune fille sert du tchapalo (bière de mil rouge fermentée). Pascal de l’ethnie Moba du nord Togo, verse quelques gouttes de tchapalo sur le sol avant d'en boire, « pour les ancêtres ». Il y a plusieurs usages autour de la consommation du tchapalo en Afrique, notamment celui de boire une petite gorgée dans une calebasse avant de la faire passer à un camarade pour prouver que le tchapalo n'est pas maudit. Le tchapalo est utilisé dans des rituels pratiqués en l'honneur des ancêtres, des génies et des esprits. Il sert à l'établissement de la communication entre le monde visible et le monde invisible. Il ne peut être consommé par les vivants qu'après avoir été offert aux habitants du monde spirituel.
Puis Pascal fait passer la calebasse tour à tour. Machinalement, sans y faire attention, les trois hommes prennent chacun une poignée de cette terre rouge qui caractérise l’Afrique, cette terre qui a la couleur du sang versé, du sang des hommes de toutes les couleurs et de toutes les religions. Ils font couler ensemble de leur main cette terre qui forme un seul tas sur le sol comme pour réconcilier les Hommes et les Religions.
Symbolisme de l’échange des sangs dans les sociétés rituelles ancestrales ou jeux pour passer le temps ? Mais ce soir, sous le ciel étoilé du Sahel, ils deviennent réellement des Frères. Et, dans ce continent, ce n’est pas une expression dénuée de valeur, c’est un lien très puissant qui vient de se nouer.
Hamadou demande : « Toubabou, comment peux-tu vivre sans croire en un Dieu ? Comment expliques-tu tout ce qui nous entoure et qui a été créé par Dieu ?». Pascal, qui ne croit pas au même Dieu qu’Hamadou, le regarde avec attention car lui aussi croit en la Création. Toubabou leur répond : « Pourquoi croire à un seul Dieu qui a si mal créé ce monde ? Moi je ne crois en aucun Dieu, mais derrière chaque merveille de ce monde il y a une vie, un processus scientifique que ton Dieu ne peut expliquer, mais que moi, sans Dieu, je peux t’expliquer ».
Il a fallu de nombreuses calebasses de tchapalo et quelques pintades grillées pour mettre tout le monde d’accord. Enfin, plutôt pour remettre la discussion au lendemain. Toubabou remercie ses hôtes. Pascal lui répond fraternellement : « On ne remercie pas quand on est invité en Afrique noire. Ce n’est pas un cadeau, c’est normal. Et on ne se dit jamais adieu ni au revoir car des Frères ne se quittent jamais. ». Aïe, encore une leçon d’humanité que le Blanc a reçu ce soir.
Cette nuit Toubabou a eu beaucoup de mal à trouver le sommeil. Cette Afrique fraternelle qu’il croyait enfouie à jamais au fond de lui vient de rejaillir violemment. Il se retrouve quarante cinq ans plus tôt, jeune coopérant, plein de certitudes, dans ce continent qui te bouffe ou qui te transforme en un homme.
Le tchapalo est vraiment une boisson magique qui fait voyager dans le temps et lire dans le cœur des hommes. Au fait, je repars quand retrouver mes Frères ?
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