Asie & Extrême Orient
05/11/2007 10:18

Pakistan: répression des premières manifestations contre l'état d'urgence

La police pakistanaise a réprimé lundi les premières manifestations depuis l'instauration de l'état d'urgence samedi, interpellant des dizaines d'avocats dans deux villes du pays, alors que Pervez Musharraf est sous pression pour ne pas reporter les législatives de janvier.



En visite en Chine, le secrétaire américain à la Défense Robert Gates a demandé lundi le retour de la démocratie constitutionnelle au Pakistan "le plus vite possible".

Mais des policiers et des paramilitaires ont bouclé les abords de la Haute cour de justice de Karachi, la capitale économique du sud du Pakistan, et ont chargé des avocats rassemblés devant le bâtiment, ont raconté des témoins. Les forces de l'ordre ont interpellé une cinquantaine d'avocats, a dit à l'AFP l'avocat Akhtar Hussain.

A Rawalpindi, ville de garnison à 15 km d'Islamabad, cinq avocats ont été "frappés sans pitié" alors qu'ils scandaient des slogans hostiles au gouvernement devant un tribunal, a indiqué l'avocat Mudassir Saeed.

Avocats et opposants au président Pervez Musharraf ont promis de contester dans la rue l'instauration de l'état d'urgence

A Islamabad, les avocats du barreau de la Cour suprême ont appelé à une grève générale et ont annoncé des manifestations, à la suite d'une vague de quelque 500 arrestations au cours du week-end d'opposants, militants des droits de l'Homme et avocats.

A Lahore (est), plusieurs avocats ont été blesséd, la police ayant fait usage de grenades lacrymogènes, selon des témoins.

"La police a tiré une dizaine de grenades lacrymogènes en direction des avocats qui s'étaient rassemblés devant la Cour suprême et elle les a ensuite frappés à coups de bâton", a affirmé au téléphone à l'AFP Sheikh Faisal, avocat rattaché à la plus haute juridiction du pays. Selon lui, plusieurs avocats souffrent de blessures à la tête.

Des policiers ont également été blessés par des pierres lancées par les avocats, a affirmé Aftab Cheema, le chef de la police locale.

La Cour suprême est directement visée par la mesure d'exception proclamée samedi soir. La plus haute juridiction du pays devait se prononcer dans les prochains jours sur la légalité de la réélection à la présidentielle, le 6 octobre, au suffrage indirect, du président Musharraf.

Le président de la Cour, Iftikhar Mohammed Chaudhry, dont les récents arrêts ont contrarié les desseins du pouvoir, a été évincé et remplacé.

"Tout ce à quoi à nous assistons est illégal, anticonstitutionnel et contraire aux arrêts de la Cour suprême", a déclaré le magistrat au journal The News.

Le juge Chaudhry, épine au flanc du régime Musharraf, avait été suspendu en mars par le chef de l'Etat puis rétabli dans ses fonctions en juillet après des manifestations de soutien.

Les avocats étaient alors massivement descendus dans la rue par solidarité avec ce magistrat indépendant réputé pour son intégrité mais honni du pouvoir.

Les partis religieux regroupés dans la puissante alliance Muttahida Majlis-e-Amal (MMA, Front d'action uni) ont déclaré qu'ils se joindraient au "mouvement" des avocats, selon son porte-parole Shahid Shamsi.

Le président de l'alliance, Qazi Hussain Ahmad, "a exhorté la population à envoyer des fleurs aux juges qui se sont prononcés contre l'état d'urgence et des détritus à ceux qui ont prêté serment devant Musharraf".

En remplaçant le juge Chaudhry, le chef de l'Etat avait exigé que les autres magistrats de la Cour réaffirment leur loyauté à son égard.

L'état d'urgence se justifie, selon M. Musharraf, par le terrorisme islamiste et l'opposition de la Cour suprême. La Constitution a été suspendue et une série de restrictions aux libertés publiques ont été imposées.

Quant aux législatives prévues en janvier, elles pourraient être reportées d'une année.

Des élections au suffrage universel direct pour désigner le Parlement et le renouvellement des assemblées provinciales devaient consacrer le retour de la démocratie dans cette puissance nucléaire de 160 millions d'habitants, quasiment tous musulmans.

L'ex-Premier ministre Benazir Bhutto, qui négociait jusqu'ici un partage du pouvoir avec le général Musharraf, a dénoncé "le second coup d'Etat" de M. Musharraf, après celui sans violences d'octobre 1999. Elle n'a toutefois pas exclu un accord avec lui s'il "rétablit la Constitution et (...) organise des élections libres, justes et impartiales".

La secrétaire d'Etat Condoleezza Rice a prévenu dimanche que les Etats-unis allaient "devoir réexaminer" leur aide au Pakistan, mais souligné que la plus grande partie de cette assistance, consacrée à la lutte antiterroriste, ne serait pas touchée. Washington a accordé quelque 11 milliards de dollars au Pakistan en aide financière et militaire depuis 2001.

http://www.edicom.ch/

H.V-N/EDICOM



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