Nouvelles de la Faim et de la Mort!
04/11/2005 01:08

Niger: Medias et humanitaire

Le drame était annoncé depuis des mois. Comme le notait le 15 juin dernier Pierre Chambonnet dans Le Temps, "ONG et Nations unies ont multiplié les signaux d’alerte et demandé des mesures d’urgence". Mais pour qu’une information humanitaire s’impose réellement au sein de l’opinion jusqu’à provoquer la mobilisation des associations et l’action des gouvernements, il faut davantage que quelques articles occasionnels ou quelques images fugaces placées en queue de JT.


Le drame était annoncé depuis des mois. Comme le notait le 15 juin dernier Pierre Chambonnet dans Le Temps, "ONG et Nations unies ont multiplié les signaux d’alerte et demandé des mesures d’urgence". Mais pour qu’une information humanitaire s’impose réellement au sein de l’opinion jusqu’à provoquer la mobilisation des associations et l’action des gouvernements, il faut davantage que quelques articles occasionnels ou quelques images fugaces placées en queue de JT.
Selon une étude publiée en 2004 par la Reuters Foundation et le Fritz Institute, une crise a le plus de chances d’attirer l’attention des médias "si elle a provoqué un grand nombre de morts, si elle touche une population du même type que l’audience, si elle a causé beaucoup de souffrances parmi les enfants, si elle peut fournir des images et des témoignages forts et si elle a des implications de politique étrangère pour le pays d’origine du journaliste". Et, ajouterais-je, une crise a le plus de chances d’attirer l’attention du public si elle est placée "à la une", si elle est traitée de manière répétée, si elle est mise en scène.
Le tsunami a montré l’extraordinaire capacité de mobilisation des médias internationaux face à une catastrophe naturelle – selon une étude d’AlterNet, sa couverture au cours de six semaines a représenté autant que celle des 10 "crises oubliées" au cours de toute une année. La crise au Dafour et la famine au Niger ont illustré leur tout aussi extraordinaire capacité de négligence. La presse serait-elle comme un poisson rouge, virevoltant dans son bocal et incapable de plus de trente secondes d’attention ?
Imaginons-nous un instant autour de la table lors d’une réunion de rédaction et essayons de penser en "journalistes". Le tsunami avait tous les ingrédients d’un grand événement médiatique : la simplicité – un coup de colère de la nature et non la conséquence de politiques ou de pratiques humaines -, les images spectaculaires d’une mer déchaînée, la lutte désespérée d’être humains happés par les eaux furibondes, l’impression d’une proximité en raison de la présence de touristes occidentaux, les rumeurs diffusées sur Internet sur l’origine comploteuse de la catastrophe (une explosion nucléaire ?) et sur le temps d’alerte (les Américains savaient, ils ont déplacé leur flotte et n’ont rien dit !), les exigences de la diplomatie publique américaine empressée de faire oublier l’occupation de l’Irak en aidant des pays musulmans, etc. etc.
Au Niger, rien de tout cela. Le pays le plus pauvre du monde, situé dans une zone à première vue dépourvue d’enjeux économiques ou stratégiques réels. Aucune guerre. Quasi aucun touriste. Aucune image. Une complexité des causes. Et l’impression de la fatalité et du mauvais sort. Ces régions sahéliennes ont toujours souffert de la sécheresse et de la famine, n’est-ce pas ? Et le verdict du rédacteur en chef tombe : on l’a déjà fait, ça n’intéresse personne…

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