France
19/04/2007 04:30

Médias, presse et blogs: y a-t-il un pouvoir à partager?


A l’heure où l’on commence à parler de la blogosphère comme d’un media alternatif de masse, où les candidats aux présidentielles 2007 font le décompte de leurs posts avant de faire celui de leurs voix, il est utile de se soulever quelques pistes: vérité, authenticité, fiabilité.




Blogosphère: estampillé
Blogogaphie: le mot prend corps. Il pourrait désigner la partie d'une bibliographie constituée uniquement d'articles ou de commentaires publiés dans les blogs. Il s’agit, en tout cas, d’une collection, exhaustive si possible, des articles et commentaires publiés dans les blogs sur un sujet donné. Les outils de recherche capables de faire une recherche sélective dans les blogs sont disponibles.

La crédibilité d'une blogographie?
Les blogueurs n'ont pas à exciper de compétences particulières pour créer un blog. Les informations collectées dans les blogs sont vraies ou fausses, et reconnues comme potentiellement non fiables. Pourtant, les internautes ont tendance à leur apporter un crédit singulier, renégociant ainsi les notions de vérité et d'authenticité.

La particularité des informations divulguées dans les blogs est qu'elles ne proviennent pas de sources officielles. A l'inverse des journalistes, les blogueurs n'ont pas à expurger leurs communiqués de toute opinion personnelle, ils n'ont pas à les aseptiser, à les passer au filtre de l’éthique. Les journalistes, néanmoins, déclareront pour la plupart, et presque toujours avec sincérité, que le respect du lecteur est le point essentiel dans l’éthique de la profession. Ils observent d’ailleurs cette règle dans la grande majorité des cas.

Les infos des blogueurs échappent à la médiatisation orchestrée par le baromètre de l'audimat. La presse institutionnelle diffuse une info quand elle fait la une des journaux et magazines concurrents, quand les rédactions imaginent qu'elle plaira au public - autrement dit, qu'elle fera sensation - ou encore quand une certaine oligarchie - fruit d'imaginations dubitatives ou pas - a décidé qu'il était souhaitable que l'opinion publique s'en empare.

Un post, dans un blog, ne porte pas nécessairement sur une question d’actualité; les blogueurs ne sont pas soumis à la contrainte de l’événementiel, du factuel. La fonction première d’un post est d’avertir, de divulguer; il est souvent consacré à un sujet qui prend son auteur aux tripes. La teneur du message - l’importance de son contenu - gratifie ainsi le lecteur d’une respectabilité automatique. Ces derniers éléments semblent avoir plus de valeur que la fiabilité de la source. Sans que cela permette de redéfinir les notions de vérité et d’authenticité, on observe que le respect auquel le lecteur prétend est entrain de se charger, lui, de nouvelles composantes. Voici qu’à la croisée des chemins, vérité, authenticité et respect s’enchevêtrent.

Les internautes sont par ailleurs sensibles au caractère de témoignage dont sont revêtus les posts des blogueurs.
A cet égard, on se souviendra que le mot clé blogosphère a pointé pendant quelques semaines (en février dernier) sur un podcast dans lequel Loïc Le Meur évoquait le fait que la course à pied améliorait les performances sexuelles.
Qui suis-je? D'autres ont-ils les mêmes préoccupations que moi? Suis-je comme eux et, sinon, quelle est ma différence?

Dans la presse institutionnelle, véhicule de la parole des puissants, notre différence nous est imposée. On ne la choisit pas.
Dans les blogs, on s’apparente et se différencie soi-même. On n’est pas pris pour ce que l’on n’est pas.
Cette fois-ci, respect et identité se nouent dans une alliance impérieuse.
Peut-on pour autant parler d'individualisme? Non: la blogosphère ne fait pas preuve d’individualisme. Elle génère une solidarité spontanée, propre à la communication interindividuelle dès lors que celle-ci s’installe entre deux participants ayant un point commun ou appartenant à un même groupe. Les communautés telles que wikipedia en témoignent largement.

La blogosphère offre sans doute d’autres attraits. L’un d’entre eux est que ses règles, bien que strictement définies, sont émises par des voies diffuses et encore mal identifiées. Elle se présente comme un groupe de pression sur lequel il semble difficile, justement, de faire pression.
Quant à la presse institutionnelle, elle n’est labellisable que parce qu’elle est en crise. Elle porte et conforte pourtant encore la pensée dominante: qui pourrait s’en passer? Les internautes, certainement pas : elle demeure leur terreau.
Même si les journalistes se sentent menacés par les blogs, l’adversaire de la presse n’est pas la blogosphère : ce sont les appétits dévastateurs de grandes sociétés financières ou de publicité.

Dans ces conditions, y a-t-il un pouvoir à partager? La question n’est pas là. Avant tout, la presse doit choisir ses alliés pour assurer son avenir. Et les blogueurs feraient bien d’y réfléchir.

S. D.



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