Textes Littéraires
16/09/2005 23:25

Marseille 2057: 3° épisode

Le Jardinier ne viendra plus... Henri Vario

Le ciel est lourd, un smog, où se mêlent poussière et pollution, voile le rouge sang du soleil. A ma droite, le vieux port envahi d’algues putréfiées continue son agonie. Des voiliers sont couchés sur le flanc en une posture obscène. Leur proue se dresse vers un horizon qu’ils n’ont plus.


Il y a quelque chose d’indécent dans leurs gesticulations. Peut-être ce sang qui dégouline sur leurs habits. Au sol, il se fond dans la poussière et fait naître des taches aux reflets ocres. Des taches de vie, vite recouvertes de cette mystérieuse terre qui ressemble à de la cendre. Elle circule seule, au ras du sol, se fait douce sous mes pas.
Je n’ai rien à débattre avec Flory ni avec personne. Les régulateurs ne laissaient pas aborder les bateaux, il n’y avait rien à faire. Rien. Des centaines de bateaux!
Echoués, rouillés, dévorés par le sel.
A cinq mille des côtes, là où finissent les dunes. Les immigrés les plus solides parvenaient à atteindre la ville, les autres, tous les autres, femmes, enfants et vieillards, les traqueurs et moi nous en occupions.
Et les Blancs continuent à attendre les greffes en se bouffant la chair.
« Le vieux était reparti là-bas, son Afrique natale et j’étais resté avec elle. Ce con avait refusé l’homologation et de donner aux blancs l’un de ses membres. La vérité est qu’il avait honte de moi. »

Des Flory, il y en avait plein les bouges et les clandos. Elles se maquaient avec des chasseurs, des régulateurs, parfois même des traqueurs. Jamais avec des Blancs.
Mais qu’espérait donc Flory de cette meute de zombies ?

Le ciel est lourd, un smog, où se mêlent poussière et pollution, voile le rouge sang du soleil. A ma droite, le vieux port envahi d’algues putréfiées continue son agonie. Des voiliers sont couchés sur le flanc en une posture obscène. Leur proue se dresse vers un horizon qu’ils n’ont plus.
Je bifurque dans la direction de la Porte d’Aix, une planche à roulettes me heurte à la jambe droite. Je vais boiter. Une dizaine de mètres plus loin, son propriétaire se traîne, rampe. C’est un rouquin aux traits blêmes, aux yeux hagards. Il a peur! Je voudrais l’aider. Il est si frêle et désemparé. Mais un chasseur ne pouvait rien dans ce cas, rien de rien. Aucun droit de toucher un blanc. Du pied, je frappe la planche, elle roule vers lui.
Je débouche sur la place. Une marée humaine acclame un Prédicateur qui invite à la rédemption. A ses pieds, deux jeunes filles blondes n’ont pas de pansement. Elles brandissent leurs bras apparemment intacts en hurlant des alléluias. A intervalles réguliers, l’homme s’incline pour caresser le buste de l’une ou l’autre des filles en déclamant :
- C’est là qu’est la vie mes frères, et le Pouvoir Central ne devrait pas obliger nos jeunes filles à copuler avec les nègres ! Pour cela qu’ils soient maudits, mille fois maudits ! »
L’une des filles se dénude les seins, se redresse et à plusieurs reprises lève et abaisse les bras en un lent mouvement de balancier. La foule est en extase, amen et alléluia des fidèles montent en une cacophonie baroque.
A l’écart, un black est assis sur une carcasse de voiture encore fumante et la nuit qui commence à tomber m’empêche d’apercevoir sa minerve. Normalement, celles des non homologués clignotent dès la tombée du jour. Celle-ci, je ne sais pas.
Je reprends le chemin du Port. A grands pas cette fois. Si vite que j‘aperçois déjà les premiers postes de garde. Un vigile se dirige vers moi, l’arbalète au poing. Un autre à sa droite, légèrement en retrait, parle dans une radio.
Et les canons tonnent toujours.

Quelque chose ne va pas, mon bracelet identificateur peut-être.
Prières et imprécations du prédicateur me reviennent, un boomerang qui fait mal. J’ai la poitrine en feu et la nuit est tombée. Doucement le vent se lève, il accompagne les ténèbres. Je crois que je dors.


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