Il y a eu la loi sur le service minimum, celle sur les heures supplémentaires et les conférences sur les conditions de travail, le pouvoir d’achat, l’égalité professionnelle. Il y a la négociation sur le marché du travail, le projet de loi sur la fusion ANPE-Unédic et la réforme des régimes spéciaux.
Voici maintenant l’agenda social 2008 et son cortège de réformes sur le travail le dimanche, les 35 heures, la représentativité syndicale, la formation professionnelle. Sans oublier la nouvelle réforme des retraites… N’en jetez plus ! Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy en mai dernier, c’est une véritable avalanche de dossiers qui s’abat sur les partenaires sociaux.
Un après-midi comme les autres. Laurence Parisot a les traits tirés. Aux journalistes qui s’apprêtent à l’interroger sur les antennes de RCF et de Radio Notre-Dame, la patronne des patrons raconte que, la veille au soir, elle a de nouveau rencontré Nicolas Sarkozy, qu’aujourd’hui elle jongle entre ses responsabilités de dirigeante du Medef et de patronne de l’Ifop, et qu’après l’émission, elle doit filer pour un nouveau rendez-vous. « À ce rythme-là, conclut-elle, on est épuisé. »
Épuisés, les partenaires sociaux le sont tous. À la CFTC, les jours de Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe, sont devenus plus longs que ses nuits : ce lundi, sa première réunion débutait à 8h30 et elle prévoyait de terminer sa journée vers 21 heures, « comme tous les jours ou presque depuis la rentrée ».
À la CFE-CGC, le syndicat des cadres, on s’est arraché les cheveux sur l’emploi du temps de Bernard Salengro, attendu en même temps à Paris pour débattre des conditions de travail et à Bruxelles pour plancher sur les questions internationales. « Il y a une intensification du travail pour tous les secrétaires confédéraux, confirme-t-on dans l’entourage de François Chérèque, leader de la CFDT. À la rentrée, on avait déjà comptabilisé 60 réunions, soit trois mois de travail à temps plein. Et beaucoup de choses se sont rajoutées depuis ! »
"Nous bombarder de dossiers "
C’est la nouvelle règle du jeu de l’ère Sarkozy : une réforme est à peine lancée que déjà une autre se profile. « Le 7 septembre, on venait tout juste d’entamer la négociation sur le marché du travail qu’on a eu droit à une série de déclarations intempestives sur la fusion entre l’ANPE et l’Unédic, raconte-t-on à la CFDT. Mais le plus usant, c’est de suivre les déclarations des uns et des autres pour voir s’il y a des informations nouvelles. » À chaque réforme, en effet, c’est la même partition à trois voix qui se rejoue.
À la composition, l’Élysée, cœur battant du pouvoir, où les partenaires sociaux sont reçus en amont des réformes, parfois officiellement, parfois non. « Ça, pour être reçus, on est reçus, explique un proche collaborateur de Bernard Thibault à la CGT, mais les négociations où on peut vraiment influer sur le fond ont été remplacées par les concertations à répétition et, au bout du compte, on a une façade de dialogue social. »
Puis, dans le rôle du chef d’orchestre, Xavier Bertrand, ministre du travail et des relations sociales. À lui de mettre en musique la réforme. Mais sans jouer de la baguette : « La méthode de Xavier Bertrand, c’est plus ça barde, plus on est gentils », ironise un permanent de Force ouvrière.
Enfin, à la grosse caisse, le premier ministre François Fillon. Il intervient en général pour scander le rythme de la réforme, faisant hurler les syndicats. « C’est évident qu’il y a une stratégie consistant à nous bombarder de dossiers en espérant qu’on n’aura pas le temps de réfléchir. Mais on est encore loin de l’asphyxie », assure René Valladon, de Force ouvrière.
"Il y a comme un bug ! "
En attendant, le calendrier social s’est singulièrement accéléré. «Le fait d’avoir une date butoir a sans doute intensifié la négociation sur le marché du travail. Elle se déroule tous les vendredis depuis septembre, un rythme jamais connu jusqu’ici », remarque-t-on à la CFDT. « On ne se plaint pas de cette vitesse car on est plus proche du rythme des entreprises mais ça a ses limites, ajoute Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la CGPME. Par exemple, pour préparer la conférence sociale, on est reçus… le lendemain à Matignon. Il y a comme un bug ! »
Pourtant, les grandes confédérations l’affirment, elles font face. Ainsi, à la CFDT, on explique que « le congrès de 2006 a permis de trancher tout un tas de dossiers sensibles. Et, depuis la réforme des retraites de 2003, nous organisons ce que l’on appelle nos “40 débats” dans nos 22 régions et 18 fédérations. Donc, sur un certain nombre de sujets, la machine revendicative était déjà prête. » Mais «c’est vrai que nous avons dû recentrer sur l’actualité nationale», précise-t-il.
À la mi-novembre, en pleine crise des régimes spéciaux, François Chérèque a ainsi dû renoncer in extremis à un voyage en Nouvelle-Calédonie. Quant à Jean-Claude Mailly, il a dû, lui, limiter ses déplacements en province. «Surtout, explique son entourage, ce rythme réduit le temps de consultation, car, d’habitude, une position syndicale, ça se construit par une série de débats avec nos militants. Là, parfois, c’est juste.»
C’est surtout dans les petites organisations qu’on tire la langue. À la CGPME, qui compte une trentaine de permanents au siège, «nous avons élargi notre noyau de négociateurs et embauché trois experts pour préparer les dossiers. Mais ces recrutements et les frais de déplacements pour faire venir les délégués de province ont bien sûr un coût. »
Le jeu en vaut cependant la chandelle : « Avec la multiplication des réformes se multiplient aussi les occasions d’être entendus. Pour obtenir la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle (IFA), nous avons mis les bouchées doubles en demandant à tous nos délégués de rencontrer leur député. »
Dans les petits syndicats aussi, on multiplie les efforts, en gardant en tête l’échéance du 3 décembre 2008, date des élections prud’homales. «Pour nous, conclut Gabrielle Simon, à la CFTC, c’est le moment ou jamais de prouver que nous sommes une incontournable force de propositions.»
Voici maintenant l’agenda social 2008 et son cortège de réformes sur le travail le dimanche, les 35 heures, la représentativité syndicale, la formation professionnelle. Sans oublier la nouvelle réforme des retraites… N’en jetez plus ! Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy en mai dernier, c’est une véritable avalanche de dossiers qui s’abat sur les partenaires sociaux.
Un après-midi comme les autres. Laurence Parisot a les traits tirés. Aux journalistes qui s’apprêtent à l’interroger sur les antennes de RCF et de Radio Notre-Dame, la patronne des patrons raconte que, la veille au soir, elle a de nouveau rencontré Nicolas Sarkozy, qu’aujourd’hui elle jongle entre ses responsabilités de dirigeante du Medef et de patronne de l’Ifop, et qu’après l’émission, elle doit filer pour un nouveau rendez-vous. « À ce rythme-là, conclut-elle, on est épuisé. »
Épuisés, les partenaires sociaux le sont tous. À la CFTC, les jours de Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe, sont devenus plus longs que ses nuits : ce lundi, sa première réunion débutait à 8h30 et elle prévoyait de terminer sa journée vers 21 heures, « comme tous les jours ou presque depuis la rentrée ».
À la CFE-CGC, le syndicat des cadres, on s’est arraché les cheveux sur l’emploi du temps de Bernard Salengro, attendu en même temps à Paris pour débattre des conditions de travail et à Bruxelles pour plancher sur les questions internationales. « Il y a une intensification du travail pour tous les secrétaires confédéraux, confirme-t-on dans l’entourage de François Chérèque, leader de la CFDT. À la rentrée, on avait déjà comptabilisé 60 réunions, soit trois mois de travail à temps plein. Et beaucoup de choses se sont rajoutées depuis ! »
"Nous bombarder de dossiers "
C’est la nouvelle règle du jeu de l’ère Sarkozy : une réforme est à peine lancée que déjà une autre se profile. « Le 7 septembre, on venait tout juste d’entamer la négociation sur le marché du travail qu’on a eu droit à une série de déclarations intempestives sur la fusion entre l’ANPE et l’Unédic, raconte-t-on à la CFDT. Mais le plus usant, c’est de suivre les déclarations des uns et des autres pour voir s’il y a des informations nouvelles. » À chaque réforme, en effet, c’est la même partition à trois voix qui se rejoue.
À la composition, l’Élysée, cœur battant du pouvoir, où les partenaires sociaux sont reçus en amont des réformes, parfois officiellement, parfois non. « Ça, pour être reçus, on est reçus, explique un proche collaborateur de Bernard Thibault à la CGT, mais les négociations où on peut vraiment influer sur le fond ont été remplacées par les concertations à répétition et, au bout du compte, on a une façade de dialogue social. »
Puis, dans le rôle du chef d’orchestre, Xavier Bertrand, ministre du travail et des relations sociales. À lui de mettre en musique la réforme. Mais sans jouer de la baguette : « La méthode de Xavier Bertrand, c’est plus ça barde, plus on est gentils », ironise un permanent de Force ouvrière.
Enfin, à la grosse caisse, le premier ministre François Fillon. Il intervient en général pour scander le rythme de la réforme, faisant hurler les syndicats. « C’est évident qu’il y a une stratégie consistant à nous bombarder de dossiers en espérant qu’on n’aura pas le temps de réfléchir. Mais on est encore loin de l’asphyxie », assure René Valladon, de Force ouvrière.
"Il y a comme un bug ! "
En attendant, le calendrier social s’est singulièrement accéléré. «Le fait d’avoir une date butoir a sans doute intensifié la négociation sur le marché du travail. Elle se déroule tous les vendredis depuis septembre, un rythme jamais connu jusqu’ici », remarque-t-on à la CFDT. « On ne se plaint pas de cette vitesse car on est plus proche du rythme des entreprises mais ça a ses limites, ajoute Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la CGPME. Par exemple, pour préparer la conférence sociale, on est reçus… le lendemain à Matignon. Il y a comme un bug ! »
Pourtant, les grandes confédérations l’affirment, elles font face. Ainsi, à la CFDT, on explique que « le congrès de 2006 a permis de trancher tout un tas de dossiers sensibles. Et, depuis la réforme des retraites de 2003, nous organisons ce que l’on appelle nos “40 débats” dans nos 22 régions et 18 fédérations. Donc, sur un certain nombre de sujets, la machine revendicative était déjà prête. » Mais «c’est vrai que nous avons dû recentrer sur l’actualité nationale», précise-t-il.
À la mi-novembre, en pleine crise des régimes spéciaux, François Chérèque a ainsi dû renoncer in extremis à un voyage en Nouvelle-Calédonie. Quant à Jean-Claude Mailly, il a dû, lui, limiter ses déplacements en province. «Surtout, explique son entourage, ce rythme réduit le temps de consultation, car, d’habitude, une position syndicale, ça se construit par une série de débats avec nos militants. Là, parfois, c’est juste.»
C’est surtout dans les petites organisations qu’on tire la langue. À la CGPME, qui compte une trentaine de permanents au siège, «nous avons élargi notre noyau de négociateurs et embauché trois experts pour préparer les dossiers. Mais ces recrutements et les frais de déplacements pour faire venir les délégués de province ont bien sûr un coût. »
Le jeu en vaut cependant la chandelle : « Avec la multiplication des réformes se multiplient aussi les occasions d’être entendus. Pour obtenir la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle (IFA), nous avons mis les bouchées doubles en demandant à tous nos délégués de rencontrer leur député. »
Dans les petits syndicats aussi, on multiplie les efforts, en gardant en tête l’échéance du 3 décembre 2008, date des élections prud’homales. «Pour nous, conclut Gabrielle Simon, à la CFTC, c’est le moment ou jamais de prouver que nous sommes une incontournable force de propositions.»