Le sort en est jeté. Le président Pervez Musharraf a annoncé hier qu'il convoquerait la nouvelle Assemblée nationale le 17 mars, mettant un terme à un mois de vide politique au Pakistan. Une vacance du pouvoir au cours de laquelle les militants islamistes ont redoublé de violence, frappant de plus belle les institutions sécuritaires de l'État : l'armée, la police, les services de renseignements… Une période d'incertitude que Washington aurait, pour sa part, mise à profit pour consolider ses positions au Pakistan afin d'y poursuivre, quoiqu'il arrive, avec ou sans Musharraf, sa guerre contre le terrorisme à la frontière afghane, estiment nombre d'analystes.
Car, à partir de lundi, le président pakistanais sera véritablement en sursis, face à une coalition de partis qui ne cesse de réclamer son départ. Ses alliés américains le savent et pourraient renoncer à le sauver. Surtout s'ils peuvent trouver dans le général Ashfaq Kayani, le nouveau chef des armées, un remplaçant fiable. Et c'est peut-être bien à Kayani que les terroristes adressent, depuis la fin février, leurs sanglants messages.
Faisant la preuve qu'ils pouvaient porter le fer jusqu'à Lahore, la capitale du Pendjab (Est) d'ordinaire épargnée par le terrorisme, les rebelles ont tué hier 26 personnes en plein centre-ville. Un double attentat suicide qui a également fait plus de 150 blessés. Il y a une semaine, jour pour jour, à Lahore toujours, cinq personnes avaient été tuées, et 19 blessées, lorsque deux kamikazes avaient réussi à pénétrer au sein d'une école navale militaire.
Hier matin, les deux explosions se sont produites quasi simultanément sur le coup de 9 h 30. La plus meurtrière a atteint les bureaux de l'Agence fédérale d'investigation (FIA). Au nombre des morts, figuraient au moins douze employés de l'agence, a indiqué Malik Mohammed Iqbal, le chef de la police locale. Affirmant que «c'était un attentat à la voiture piégée» et qu'une cinquantaine de kilos d'explosifs avaient été utilisés.
400 victimes depuis un an
Tandis qu'un énorme nuage blanc s'élevait dans le ciel, les secouristes fouillaient sans relâche les décombres. «Il y avait du sang partout. J'ai vu des corps mutilés, des membres et des lambeaux de chair éparpillés», raconte Wali Mohammed Khan, un avocat encore sous le choc. Il se trouvait au deuxième étage du bâtiment lorsque la déflagration a eu lieu. «J'ai été littéralement arraché de mon siège ; à travers l'épaisse fumée qui s'est propagée en un éclair, j'ai eu le temps de voir des gens affolés courir dans tous les sens», dit-il. Scènes ordinaires d'un terrorisme devenu la bête noire des habitants de Lahore, mais aussi d'Islamabad, de Karachi, de Peshawar. Depuis le début de l'année seulement, la violence a fait quelque 400 victimes au Pakistan.
Tariq Pervaz, le directeur de la FIA est indemne. Il s'interroge sur les motifs de cet attentat, «le plus meurtrier» qu'il ait jamais vu, dit-il. Ajoutant : «Nous avions reçu des informations selon lesquelles l'agence était menacée, mais nous ne pensions pas que cela pouvait arriver à Lahore.» La FIA est chargée des questions d'immigration, mais l'immeuble abrite aussi une petite unité antiterroriste.
La deuxième explosion, qui a coûté la vie à quatre personnes, dont deux enfants, a également été provoquée par une voiture bourrée d'explosifs. Elle visait une agence de publicité, dans l'un des quartiers les plus chics de Lahore.
Après les législatives du 18 février, les militants islamistes avaient observé une sorte de trêve. Non pas, comme on pourrait le penser, parce que les partis religieux sont sortis laminés des urnes, mais parce que les rebelles avaient espéré pouvoir entamer des négociations avec l'armée pakistanaise. Et, surtout, avec les partis vainqueurs, le PPP d'Asif Ali Zardari, et la PML-N de Nawaz Sharif. Au grand dam des Américains, qui n'avaient guère apprécié les pactes en chaîne conclus par Musharraf, depuis 2005, avec des militants des zones tribales, frontalières de l'Afghanistan. Les talibans et al-Qaida en avaient profité pour se renforcer dans la région.
A l'assaut du Sud-Waziristan
Redoutant que la nouvelle donne politique à Islamabad ne ramollisse la détermination du Pakistan à lutter contre le terrorisme, «les États-Unis ont passé le mois dernier un accord avec le régime de Musharraf encore en place», affirme Syed Saleem Shahzad, d'Asia Times Online. «Il porte sur une intensification des frappes a ériennes contre les militants islamistes», dit-il. Ajoutant : «C'est ainsi que, le 28 février, pour la première fois, un drone américain s'est envolé de Peshawar, autrement dit du sol pakistanais, pour aller frapper une madrasa (école coranique) abritant des terroristes dans le Sud-Waziristan. Jusqu'à présent, ils venaient d'Afghanistan.» Un coup d'arrêt à tout espoir de voir la guerre contre le terrorisme se dissoudre dans le dialogue, comme le souhaitent Zardari et Sharif.
La réponse des islamistes ne s'est pas fait attendre. Le 2 mars, un kamikaze se faisait exploser lors d'une «Jirga (assemblée traditionnelle) de la paix», dans la ceinture tribale, non loin de Peshawar. Mais pour l'heure, ni Zardari ni Sharif, tout occupés à sceller leur nouvelle entente, n'ont formulé de véritable stratégie pour lutter contre le terrorisme. Si ce n'est, comme le confiait Nawaz Sharif, au Figaro début janvier, qu'il n'est pas question de «faire la guerre à l'américaine» au Pakistan.
lefigaro.fr
Car, à partir de lundi, le président pakistanais sera véritablement en sursis, face à une coalition de partis qui ne cesse de réclamer son départ. Ses alliés américains le savent et pourraient renoncer à le sauver. Surtout s'ils peuvent trouver dans le général Ashfaq Kayani, le nouveau chef des armées, un remplaçant fiable. Et c'est peut-être bien à Kayani que les terroristes adressent, depuis la fin février, leurs sanglants messages.
Faisant la preuve qu'ils pouvaient porter le fer jusqu'à Lahore, la capitale du Pendjab (Est) d'ordinaire épargnée par le terrorisme, les rebelles ont tué hier 26 personnes en plein centre-ville. Un double attentat suicide qui a également fait plus de 150 blessés. Il y a une semaine, jour pour jour, à Lahore toujours, cinq personnes avaient été tuées, et 19 blessées, lorsque deux kamikazes avaient réussi à pénétrer au sein d'une école navale militaire.
Hier matin, les deux explosions se sont produites quasi simultanément sur le coup de 9 h 30. La plus meurtrière a atteint les bureaux de l'Agence fédérale d'investigation (FIA). Au nombre des morts, figuraient au moins douze employés de l'agence, a indiqué Malik Mohammed Iqbal, le chef de la police locale. Affirmant que «c'était un attentat à la voiture piégée» et qu'une cinquantaine de kilos d'explosifs avaient été utilisés.
400 victimes depuis un an
Tandis qu'un énorme nuage blanc s'élevait dans le ciel, les secouristes fouillaient sans relâche les décombres. «Il y avait du sang partout. J'ai vu des corps mutilés, des membres et des lambeaux de chair éparpillés», raconte Wali Mohammed Khan, un avocat encore sous le choc. Il se trouvait au deuxième étage du bâtiment lorsque la déflagration a eu lieu. «J'ai été littéralement arraché de mon siège ; à travers l'épaisse fumée qui s'est propagée en un éclair, j'ai eu le temps de voir des gens affolés courir dans tous les sens», dit-il. Scènes ordinaires d'un terrorisme devenu la bête noire des habitants de Lahore, mais aussi d'Islamabad, de Karachi, de Peshawar. Depuis le début de l'année seulement, la violence a fait quelque 400 victimes au Pakistan.
Tariq Pervaz, le directeur de la FIA est indemne. Il s'interroge sur les motifs de cet attentat, «le plus meurtrier» qu'il ait jamais vu, dit-il. Ajoutant : «Nous avions reçu des informations selon lesquelles l'agence était menacée, mais nous ne pensions pas que cela pouvait arriver à Lahore.» La FIA est chargée des questions d'immigration, mais l'immeuble abrite aussi une petite unité antiterroriste.
La deuxième explosion, qui a coûté la vie à quatre personnes, dont deux enfants, a également été provoquée par une voiture bourrée d'explosifs. Elle visait une agence de publicité, dans l'un des quartiers les plus chics de Lahore.
Après les législatives du 18 février, les militants islamistes avaient observé une sorte de trêve. Non pas, comme on pourrait le penser, parce que les partis religieux sont sortis laminés des urnes, mais parce que les rebelles avaient espéré pouvoir entamer des négociations avec l'armée pakistanaise. Et, surtout, avec les partis vainqueurs, le PPP d'Asif Ali Zardari, et la PML-N de Nawaz Sharif. Au grand dam des Américains, qui n'avaient guère apprécié les pactes en chaîne conclus par Musharraf, depuis 2005, avec des militants des zones tribales, frontalières de l'Afghanistan. Les talibans et al-Qaida en avaient profité pour se renforcer dans la région.
A l'assaut du Sud-Waziristan
Redoutant que la nouvelle donne politique à Islamabad ne ramollisse la détermination du Pakistan à lutter contre le terrorisme, «les États-Unis ont passé le mois dernier un accord avec le régime de Musharraf encore en place», affirme Syed Saleem Shahzad, d'Asia Times Online. «Il porte sur une intensification des frappes a ériennes contre les militants islamistes», dit-il. Ajoutant : «C'est ainsi que, le 28 février, pour la première fois, un drone américain s'est envolé de Peshawar, autrement dit du sol pakistanais, pour aller frapper une madrasa (école coranique) abritant des terroristes dans le Sud-Waziristan. Jusqu'à présent, ils venaient d'Afghanistan.» Un coup d'arrêt à tout espoir de voir la guerre contre le terrorisme se dissoudre dans le dialogue, comme le souhaitent Zardari et Sharif.
La réponse des islamistes ne s'est pas fait attendre. Le 2 mars, un kamikaze se faisait exploser lors d'une «Jirga (assemblée traditionnelle) de la paix», dans la ceinture tribale, non loin de Peshawar. Mais pour l'heure, ni Zardari ni Sharif, tout occupés à sceller leur nouvelle entente, n'ont formulé de véritable stratégie pour lutter contre le terrorisme. Si ce n'est, comme le confiait Nawaz Sharif, au Figaro début janvier, qu'il n'est pas question de «faire la guerre à l'américaine» au Pakistan.
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