Je ne sais ce qui fut le plus choquant, de Bébé hurlant, son petit visage défiguré par la colère, ou de sa cellule jonchée de débris de jouets fracassés, détruits avec acharnement. La violence de l'enfant faisait comme une aura. Elle puait. Non comme une odeur, mais plutôt comme une sensation qui vous plantait ses crocs au bas de l'estomac, déchirait vos défenses.
J'étais épouvanté, les pores de ma peau se mirent à libérer de la sueur froide. Celle que vous ressentiez alors qu'enfant, on vous demandait de descendre dans la cave à l'unique ampoule grillée. Ma voix trembla, les mots se formèrent malgré moi:
- Tu le nourris comment? "
Laurence se fit distante; je ne la sentais plus. Tout un monde nous séparait: ce n'était plus comme "LA-BAS". Mais n'était-ce pas moi qui refusais de la rejoindre?
- Comme je peux ... A travers la grille. Il n'a jamais eu besoin ni du sein ni du biberon. Il est autonome Crapeau, il n'a pas besoin de nous! "
C'est le moment, me dis je en lui posant bien à plat les mains sur le ventre.
- Montre moi, Laurence! "
Nous rejoignîmes les autres. Pendant le trajet, mon corps se tassa, se ramassa. Ma décision se prit d'elle-même. On ne choisissait pas la misère, l'orphelinat, tout l'environnement social qui en découlait. Il s'imposait, vous enveloppait, vous enserrait tel une peau de chagrin.
Si Bébé avait été le produit d'une quelconque manipulation génétique, j'aurais volontiers participé à sa destruction. Mais Bébé était notre fruit, celui de notre misère, nous ne pouvions pas le rayer d'un coup de gomme. Je ne croyais pas un mot des affirmations de Laurence quant aux pouvoirs occultes de doc. "Doc sait pénétrer les voies", quel genre de voies, nom de Dieu! Ils mentaient tous voilà tout. Je refusai d'écouter la petite voix, qui quelque part dans ma tête, me ressassait: "T'es qu'un flic obtus, un sale flic!"
Dans le séjour, Fabien et doc grignotaient en silence. La nuit porte conseil, ai-je crié. Je suivis Fabien vers ma chambre. Elle n'était pas fermée à clef. La main sur la poignée, il attira la porte vers lui. Les gonds grincèrent. Il s’effaça pour me céder le passage. J'évitai son regard:
- Je suis désolé, Tam Tam, j'aurais tant aimé te voir heureux. "
- Mais je le suis, Crapeau, je le suis. "
- Menteur, répliquai-je sur le ton de la plaisanterie. Etait-il dupe?
Une fois étendu sur mon lit, j'eus du mal à trouver le sommeil. L'image du corbeau crevé revenait sans cesse me hanter. Il marchait sur une patte, l'arrière train affaissé. De son bec grand ouvert, il happait l'air en un appel démesuré de silence.
Le petit corps chaud de Bébé se blottit contre moi. Je le reconnus à son rire. Une sueur glacée m'inonda, mes yeux se brouillèrent de larmes. Lui se contentait de dire Papa en caressant mon visage.
Au matin, je me demandais si c'était un rêve.
"Ecoute-moi, fiston, un crapaud, ça saute et ça ne tombe pas. Je ne sais pas ce que tu es mais tu es des nôtres. Alors, nous quitterons tous les deux ta cellule et partirons à la rencontre des autres.
Je ne veux pas de cellule pour toi, Bébé. Je sais que ça marchera ... Je le sais, maintenant!"
En pensant cela, je ne savais pas que je serais l'instrument de ceux qui ne voulaient ni de lui ni de moi. Mais qui pouvait deviner?
J'étais épouvanté, les pores de ma peau se mirent à libérer de la sueur froide. Celle que vous ressentiez alors qu'enfant, on vous demandait de descendre dans la cave à l'unique ampoule grillée. Ma voix trembla, les mots se formèrent malgré moi:
- Tu le nourris comment? "
Laurence se fit distante; je ne la sentais plus. Tout un monde nous séparait: ce n'était plus comme "LA-BAS". Mais n'était-ce pas moi qui refusais de la rejoindre?
- Comme je peux ... A travers la grille. Il n'a jamais eu besoin ni du sein ni du biberon. Il est autonome Crapeau, il n'a pas besoin de nous! "
C'est le moment, me dis je en lui posant bien à plat les mains sur le ventre.
- Montre moi, Laurence! "
Nous rejoignîmes les autres. Pendant le trajet, mon corps se tassa, se ramassa. Ma décision se prit d'elle-même. On ne choisissait pas la misère, l'orphelinat, tout l'environnement social qui en découlait. Il s'imposait, vous enveloppait, vous enserrait tel une peau de chagrin.
Si Bébé avait été le produit d'une quelconque manipulation génétique, j'aurais volontiers participé à sa destruction. Mais Bébé était notre fruit, celui de notre misère, nous ne pouvions pas le rayer d'un coup de gomme. Je ne croyais pas un mot des affirmations de Laurence quant aux pouvoirs occultes de doc. "Doc sait pénétrer les voies", quel genre de voies, nom de Dieu! Ils mentaient tous voilà tout. Je refusai d'écouter la petite voix, qui quelque part dans ma tête, me ressassait: "T'es qu'un flic obtus, un sale flic!"
Dans le séjour, Fabien et doc grignotaient en silence. La nuit porte conseil, ai-je crié. Je suivis Fabien vers ma chambre. Elle n'était pas fermée à clef. La main sur la poignée, il attira la porte vers lui. Les gonds grincèrent. Il s’effaça pour me céder le passage. J'évitai son regard:
- Je suis désolé, Tam Tam, j'aurais tant aimé te voir heureux. "
- Mais je le suis, Crapeau, je le suis. "
- Menteur, répliquai-je sur le ton de la plaisanterie. Etait-il dupe?
Une fois étendu sur mon lit, j'eus du mal à trouver le sommeil. L'image du corbeau crevé revenait sans cesse me hanter. Il marchait sur une patte, l'arrière train affaissé. De son bec grand ouvert, il happait l'air en un appel démesuré de silence.
Le petit corps chaud de Bébé se blottit contre moi. Je le reconnus à son rire. Une sueur glacée m'inonda, mes yeux se brouillèrent de larmes. Lui se contentait de dire Papa en caressant mon visage.
Au matin, je me demandais si c'était un rêve.
"Ecoute-moi, fiston, un crapaud, ça saute et ça ne tombe pas. Je ne sais pas ce que tu es mais tu es des nôtres. Alors, nous quitterons tous les deux ta cellule et partirons à la rencontre des autres.
Je ne veux pas de cellule pour toi, Bébé. Je sais que ça marchera ... Je le sais, maintenant!"
En pensant cela, je ne savais pas que je serais l'instrument de ceux qui ne voulaient ni de lui ni de moi. Mais qui pouvait deviner?