L'Economie en temps réel et en continu
25/01/2008 17:23

Le trader de la Société générale, 'un génie de la fraude'

PARIS (Reuters) - Le trader de la Société générale soupçonné d'être à l'origine de la plus importante fraude bancaire de l'histoire a mis à profit sa connaissance intime des procédures internes de contrôle et de gestion des risques pour dissimuler ses transactions irrégulières, ont expliqué jeudi des sources proches de la banque.


Ce trader, Jérôme Kerviel, âgé de 31 ans, travaillait sur une activité très "classique" de la banque, l'arbitrage sur indices boursiers via des contrats à terme (futures),

Jean-Pierre Mustier, patron de la banque de financement et d'investissement de la banque, a précisé au cours d'une conférence de presse que sa rémunération annuelle, y compris la part variable (bonus), était inférieure à 100.000 euros, ce qui le situe dans les tranches les plus basses de ce type de métier.

Son nom, qui circulait dans les couloirs de la banque jeudi, a été confirmé par plusieurs sources proches de l'établissement, qui ont refusé d'être identifiées.

Recruté en 2000, il était depuis 2005 trader en charge d'activités d'arbitrage de base sur des indices boursiers, après plusieurs années dans les activités de back-office et de middle-office de la banque d'investissement.

La Société générale, qui parle de "fraude exceptionnelle", a expliqué que ce trader avait pris courant 2007 et début 2008 des positions "allant bien au-delà des limites faibles qui lui avaient été attribuées".

Entré à la SocGen en 2002, ce trader était chargé d'activités de couverture sur des contrats à terme (futures) sur indices boursiers européens, a précisé le groupe, qui n'a pas confirmé son identité.

Il semble que Jérôme Kerviel ait en effet parié massivement et à tort sur une hausse des indices boursiers européens.

Une source de la SocGen a estimé que les pertes potentielles sur ses positions représentaient environ un milliard d'euros lorsqu'elles ont été découvertes samedi mais qu'elles avaient rapidement enflé lundi et mardi, la banque ayant décidé de les solder alors que les marchés boursiers du monde entier plongeaient.

"Par malchance, il y a eu des mouvements de marché qui font que les pertes sont énormes", a dit Daniel Bouton, le président de la SocGen, ajoutant que ces positions auraient pu dégager des plus-values si les Bourses avaient monté de lundi à mercredi.

Jérôme Kerviel, de par ses fonctions, était théoriquement soumis à des limites strictes en terme de positions qu'il était susceptible de prendre.

Mais, selon la banque, sa connaissance approfondie des procédures de contrôle, acquise pendant les cinq années passées dans les services de back et de middle-office du groupe au début de sa carrière, lui ont permis de contourner ces barrières, grâce "à un montage élaboré de transactions fictives".

Daniel Bouton a reconnu lui-même que les motivations du trader étaient à ce jour incompréhensibles. "Il ne semble pas qu'il profité de cette gigantesque fraude. Directement, on en est sûr. Mais il faudra des investigations plus poussées pour vérifier qu'il n'en a pas profité à titre indirect", a-t-il déclaré.

Sa fraude ayant été découverte en fin de semaine passée, il a été interrogé au cours du week-end pour permettre d'en savoir plus sur l'ampleur des irrégularités en vue d'une liquidation des importantes positions (plusieurs dizaines de milliards d'euros) qu'il avait accumulées.

Il est ensuite rentré chez lui et n'a plus a été vu dans les locaux de la Société générale depuis. Il est désormais recherché par la police et traqué par la presse.

Sa page personnelle sur le site de socialisation Facebook montrait en début d'après-midi jeudi qu'il comptait 11 amis sur le réseau. Ce chiffre était tombé à quatre quelques heures plus tard.

Le nom de Jérôme Kerviel va sans doute rejoindre celui de Nick Leeson dans l'histoire des traders qui ont fait perdre le plus d'argent à leur employeur. Au début des années 1990, Leeson avait poussé la banque britannique Barings au bord de la faillite en accumulant en toute discrétion des pertes colossales.

Avec Yann Le Guernigou



Lu 1348 fois



Dans la même rubrique :