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17/12/2007 14:08

Le mariage finit chez le notaire

Libération

La séparation par consentement mutuel pourrait être bientôt prononcée par le notaire et non plus par le juge. Les avocats s’insurgent.



Un divorce express? La réforme du consentement mutuel annoncée la semaine dernière n’est «qu’une piste de travail», assure la chancellerie. Mais la question est sur la table et elle concerne plus de la moitié des 140 000 divorces par an. Une commission de travail chargée de réfléchir à la déjudiciarisation du divorce sera mise en place en janvier sous la houlette du juriste Serge Guinchard, professeur à Paris-II. Elle planchera notamment sur la proposition du ministre du Budget, Eric Woerth, de confier aux notaires les divorces par consentement mutuel. Déjà les avocats protestent: le Conseil national des barreaux (qui représente les 47 000 avocats de France dont une bonne partie doit ses rémunérations aux séparations) exige «le retrait pur et simple» du projet de réforme et appelle à une «grève d’avertissement» mercredi.

Une démarche plus simple et plus rapide. «Pour les usagers, c’est une procédure plus simple, plus rapide et moins traumatisante. Pour la justice, c’est plus de temps à consacrer aux affaires plus complexes», argumente Eric Woerth. En fait, depuis la réforme du divorce de mai 2004, les couples qui se séparent par consentement mutuel, c’est-à-dire qu’ils sont d’accord sur tous les aspects de la séparation, ne doivent plus passer qu’une seule fois devant le juge, à la place de deux. Si la réforme passait, cette audience obligatoire serait remplacée par un simple passage devant l’un des 8600 notaires.

Plus de juge pour s’assurer de l’équité du partage. «Le juge doit s’assurer du consentement libre de chacun. Le notaire, lui, ne peut qu’entériner un accord», analyse Me Franck Natali, président de la Conférence des bâtonniers, hostile à une réforme «inadmissible». «Il y a toujours un fort et un faible, dans un divorce, explique aussi Me Violette Gorny, spécialiste du droit de la famille (1). Le juge vérifie l’équité, il peut refuser ce que le plus faible est en train d'accepter.» Pour le Conseil supérieur du notariat, cette volonté de «simplifier, gagner du temps et déjudiciariser» colle à l’air du temps: «Les gens avaient envie de pacifier leurs rapports mais le droit n’avait pas pris ça en compte.» Est-ce la fin des avocats?

Les honoraires des notaires à fixer. Le recours à un avocat devient facultatif. Cela peut représenter des économies (on peut compter de 1000 à 4000 euros d’honoraires pour un consentement mutuel)… Mais il faudra de toute façon payer le notaire. Combien? Le montant n’est pas encore fixé mais pourrait être équivalent à ce que perçoivent les avocats.

La négociation sans tiers, un exercice difficile. Surtout cela élimine l’intervention d’un tiers, à un moment où la négociation directe est la plus difficile. «Quand les couples arrivent, ils disent tous qu’ils veulent divorcer à l’amiable, qu’ils sont d’accord sur tout. Après on commence à parler, et là, c’est différent» témoigne Violette Gorny. Qui va avoir la résidence des enfants? Fait-on une résidence alternée? Comment s’organisent les vacances? «Cela a l’air idiot, mais il faut régler ces questions», poursuit l’avocate. D’après les praticiens, le seul cas simple est celui d’un couple qui vit en location, sans enfants et où tous les deux travaillent. «Il y a peu de divorces heureux, le moindre grain de sable peut faire dégénérer», souligne Me Gorny.

Le mariage de plus en plus proche du pacs. Les partenaires pacsés qui souhaitent tous deux se séparer adressent au greffe une déclaration conjointe. Cela reste plus facile qu’un divorce - même express. Depuis quelques années, le pacs a tendance à se rapprocher du mariage et le mariage du pacs. D’un côté, les pacsés bénéficient de l’avis d’imposition commun dès la première année (comme les mariés), et leurs droits de succession sont alignés sur ceux des époux. De l’autre: les mariés se voient offrir une simplification des modalités de divorce :«Il y a bien un double mouvement», souligne Caroline Mécary, avocate, spécialiste du droit de la famille. «Et cette proposition participe de ce mouvement de déjudiciarisation.»

Nicolas Maury



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