Asie & Extrême Orient
01/09/2009 15:40

Le PDJ pourrait changer la façon de gouverner au Japon

La victoire historique de l'opposition aux législatives japonaises de dimanche n'apportera pas de bouleversements radicaux dans les orientations politiques mais pourrait bien révolutionner la façon dont le pays est gouverné - à condition que les nouveaux dirigeants parviennent à mettre au pas la puissante bureaucratie nippone.



Avec sa nette victoire sur le Parti libéral-démocrate (PLD) qui a dirigé le pays presque sans aucune interruption depuis 1955, le Parti démocrate du Japon (PDJ) de Yukio Hatoyama affiche l'ambition de réduire l'influence de l'administration, qui veille à ses prérogatives depuis des décennies.

Il entend d'autre part réorienter les efforts de dépenses publiques vers les ménages, au lieu de se concentrer comme avant sur les groupes industriels et autres secteurs qui bénéficiaient traditionnellement des largesses du PLD.

Ces deux axes - plus que les différences idéologiques entre les faucons et les colombes sur le plan de la défense ou les partisans du libéralisme à tout crin et les keynésiens dans le domaine économique - distinguent les démocrates, classés au centre-gauche, de leurs adversaires conservateurs.

Cela signifie que la deuxième économie mondiale ne connaîtra pas de réel tournant vers la sociale-démocratie ou vers un capitalisme plus débridé, et ne s'éloignera guère de l'alliance avec Washington qui est au coeur de la diplomatie nippone depuis les lendemains de la Seconde Guerre mondiale.

"Les deux partis ne s'opposent pas en termes d'idéologies et n'ont pas de clivages nets (...)", estime Gerry Curtis, professeur à l'université Columbia de New York.

"Il existe néanmoins des différences (...). Pour le PLD, l'art de gouverner repose sur l'aptitude à maintenir des alliances bien huilées entre l'establishment politique et l'administration", ajoute-t-il. "Pour le PDJ, l'art de gouverner, au contraire, c'est la capacité des politiques à imposer leurs vues aux bureaucrates."

Retirer leur pouvoir de décision aux employés des ministères habitués à avoir leur pré carré ne sera pas aisé, mais le fait même de rompre les liens en place depuis des décennies de domination du PLD constituera un pas gigantesque.

Certains reprochent au PLD d'avoir laissé trop de place à la bureaucratie, car le Japon a du mal de ce fait à s'attaquer aux problèmes en profondeur comme le vieillissement de sa population et sa diminution.

Il faudra quand même que les démocrates se trouvent des alliés au sein des ministères pour mettre en oeuvre leurs projets. S'ils réussissent, il sera plus facile de cultiver la transparence, de réduire la corruption et de diminuer les dépenses de travaux publics entrepris à des fins électoralistes, qui gonflent la dette publique du pays jusqu'à en faire l'une des plus lourdes des pays riches.

"Bien des choses vont changer, et rapidement - en matière de gaspillages, de corruption, de réformes de la façon de gouverner. C'est ce que les gens veulent", explique Steven Reed, professeur de sciences politiques à l'université Chuo.

"(Dans ces élections), les gens ne voulaient voir aucun thème traité plus à gauche ou plus à droite. Ce qu'ils voulaient, c'est que le Japon s'améliore. Qu'il fonctionne mieux", ajoute-t-il.

Signe de la difficulté qu'il y aura à faire changer les bureaucrates, les ministères ont soumis des demandes en matière budgétaire au gouvernement sortant de Taro Aso, lundi, alors même que le PDJ avait mis en déroute ce cabinet-là lors des législatives de la veille.

Et alors même que le Parti démocrate a promis de revoir le budget de A à Z.

"Je pense qu'ils suivaient la pratique habituelle, en tant que ministères, mais à l'heure du changement de gouvernement, il n'était pas bienvenu de présenter leurs requêtes budgétaires sans que le Parti démocrate en prenne connaissance", a déclaré Hatoyama à la presse.

La promesse des démocrates de relancer le pouvoir d'achat des ménages par des mesures comme les allocations familiales, les subventions aux agriculteurs ou encore la suppression des péages autoroutiers fait craindre aux marchés financiers que la dette publique, déjà de l'ordre de 170% du PIB, n'augmente encore.

Mais les démocrates auront une bonne raison d'éviter les pratiques dépensières - le souci de leur popularité. "Je ne crois pas qu'ils se comporteront comme un parti populiste, parce que ce n'est pas populaire dans ce pays", estime Gerry Curtis. "Il n'est pas bien vu dans ce pays de jeter l'argent par les fenêtres".


Source: Reuters via Yahoo News

Awa Diakhate



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