Il est compréhensible que tout cela puisse paraître relativement lointain, et qu’avant de se pencher sur ce sujet hautement sensible, il semble préférable de commencer par parler de ce qui se présente immédiatement : la mise en place de la nouvelle seconde à la rentrée 2010, la réflexion sur les nouveaux programmes, la mise en oeuvre de l’accompagnement, etc. L’annonce d’une nécessaire réforme du baccalauréat viendra en son temps, une fois que la réforme du lycée sera bien avancée sur ses rails.
Sage attitude que celle du Ministre en la matière, qui sait parfaitement qu’il tient là une “patate très très chaude”, tant le sujet est sensible et porteur de réactions diverses et fort contradictoires en perspective : bon courage à ceux qui vont devoir “s’y coller”, et bien malin celui qui réussira la synthèse acceptée sur un tel sujet. C’est loin 2013, et d’ici là, autant ne pas évoquer trop de sujets qui fâchent à la fois. A chaque jour suffit sa peine !
Pourtant, si on veut bien lire de près les textes relatifs à la réforme du lycée, et en particulier tenir compte de certaines novations qui ne pourront pas ne pas entraîner une réforme du baccalauréat, alors il devient possible de définir les contours fortement probables de ce que sera le nouveau baccalauréat à compter de 2013.
1. Extension du contrôle en cours de formation :
Vous avez peut être remarqué qu’en ce qui concerne les enseignements des langues étrangères (deux sont désormais obligatoires dans toutes les filières générales et technologiques alors que ça n’était jusqu’ici le cas que pour les voies générales et STG), il a été décidé que, de la seconde à la terminale incluse, les horaires des deux langues étrangères seront globalisés.
Concrètement, cela signifie qu’il appartient désormais à chaque équipe d’établissement de décider de la répartition des heures obligatoires fixées par l’Etat. Ainsi, par exemple, les 4 h hebdomadaires auxquelles auront droit les futurs élèves de terminale ES, donneront lieu à des répartitions variables d’un lycée à un autre : 2h30 + 1h30, ou 2h + 2h , ou 2h15 + 1h45…
Parallèlement, comme chacun peut s’en douter, le Ministère ne va pas édicter des programmes différents pour chacune des combinaisons horaires possibles : les programmes de LV1 et LV2 seront les mêmes nationalement. Comment, dans de telles conditions, garantir l’équité de situation des candidats devant un examen national ? Continuer de faire subir aux élèves des épreuves externes communes devient impossible, et est en outre susceptible, en cas de contestation par des familles devenues progressivement de plus en plus procédurières, de recours devant les tribunaux administratifs que les “usagers” gagneraient à coup sûr, au nom du sacrosaint principe d’égalité de situation des candidats devant des épreuves externes communes d’examen national ! La seule façon de procéder devient dès lors évidente : noter les élèves par le contrôle en cours de formation, c’est-à-dire par leurs propres professeurs.
Ce sera donc inévitablement le cas pour les deux langues étrangères. Je pense que la tentation sera forte au Ministère d’aller plus loin, tant est désormais fort le souci d’alléger l’organisation actuelle du baccalauréat, en désignant d’autres disciplines qui pourraient ainsi faire l’objet d’un “contrôle en cours de formation” dont les notes seraient prises en compte pour le résultat final. Dans cette logique, chaque filière déboucherait vers un examen composé d’un “noyau dur” d’épreuves externes finales (correspondant à trois ou quatre enseignements fondamentaux), et d’un “second cercle”, composé de disciplines soumises au contrôle en cours de formation.
Il faut savoir que ce système existe déjà pour le brevet des collèges, mais aussi pour divers types de baccalauréats (ceux délivrés dans le secteur des lycées agricoles, mais aussi pour les baccalauréats professionnels), et même pour certaines épreuves des baccalauréats généraux et technologiques actuels (l’Education physique et sportive par exemple). Et bien sur, comme chacun sait, ce système est très répandu dans l’enseignement supérieur. On n’inventerait donc rien en la matière, mais on étendrait ce qui n’est aujourd’hui qu’encore marginal.
Dans cette perspectve, je souhaite bien du plaisir à ceux qui seront chargés de fixer, bac par bac, les listes des “enseignements fondamentaux” dignes d’une évaluation externe finale, et ceux qui seront rangés au statut de “disciplines secondaires”, évaluables par le contrôle en cours de formation. Nul doute qu’ils auront à affronter de nombreux corporatismes disciplinaires et qu’il sera malaisé de parvenir à un accord globalement accepté sur un tel sujet.
Je souhaite également bien du plaisir aux enseignants, qui vont inévitablement être confronté à un “face à face” plus serré par rapport aux élèves et aux parents, soucieux bien sur d’obtenir de chaque évaluateur la meilleure évaluation possible, et prêt parfois à toutes sortes de “pressions” pour y parvenir. C’en sera terminé de la quiétude que procure l’existence d’un jury externe.
2. Extension du nombre d’épreuves anticipées en fin de première :
Si vous avez suivi le débat qui a précédé la publication des textes officiels concernant la réforme du lycée, vous savez qu’il a été décidé que l’enseignement d’histoire-géographie cessera d’être un enseignement obligatoire de tronc commun en terminale S. A sa place, il demeure possible d’offrir un enseignement optionnel facultatif de deux heures par semaine. Autre contre partie : le programme d’histoire-géographie de première S , actuellement fixé à 2h30 par semaine, passera à 4h.
Dans ces conditions, il n’est évidemment plus possible que les élèves de terminale S subissent en fin de terminale les épreuves obligatoires d’histoire-géographie. Celle-ci aura donc désormais lieu en fin de première, et rejoint donc la liste des épreuves anticipées du baccalauréat S.
En pratique, tous les enseignements de première qui ne se prolongent pas en terminale sont susceptibles de faire l’objet d’une épreuve anticipée. C’est bien sur déjà le cas pour le français dans tous les baccalauréats, et dans quelques autres disciplines, variables selon le baccalauréat préparé. Ce sera donc très probablement le cas, comme aujourd’hui, de bien d’autres enseignements qui sont dispensés en première, mais n’ont pas de continuité en terminale. Là encore, on n’invente rien, ce mode d’évaluation existant déjà, mais on en prépare manifestement l’extension.
3. Le baccalauréat continuera-t-il d’être un grade national délivré par l’université ?
Les deux points qui précèdent sont importants, marquent une indéniable inflexion, mais sont loin de constituer à eux seuls les aspects potentiellement les plus lourds de la réforme à venir du baccalauréat. En fait, nous faisons le pari qu’à l’occasion du débat sur cette réforme, c’est du statut du baccalauréat lui-même qu’il va être fondamentalement question, et c’est bien en cela que réside l’interrogation la plus importante.
Rappelons qu’en l’état actuel de la législation et des règlements, le baccalauréat (créé sous sa forme moderne par Napoléon 1er en 1808), n’est pas un simple certificat de fin de scolarité secondaire : il est surtout le premier des quatre grades délivrés par l’Université (les trois autres sont la licence, le master et le doctorat). C’est donc sous le sceau de l’Université (et non d’un rectorat) qu’est délivré l’attestation de réussite au baccalauréat, et ce même si le document est établi et expédié par les services rectoraux. Ce statut explique que les présidents de jurys ne sont jamais issus du secondaire (professeurs du second degré ou inspecteurs de l’enseignement secondaire), mais toujours des universitaires. Et c’est aussi ce qui fait que le baccalauréat donne à toute personne qui s’en dote la garantie de trouver une place en première année d’une filière universitaire de premier cycle licence (L1). Ainsi, le baccalauréat est un véritable passeport ouvrant vers les études supérieures universitaires (sauf dans le cas, fort minoritaire, des universités qui disposent de premiers cycles sélectifs à l’entrée). C’est une différence importante par rapport au brevet des collèges qui est un simple certificat de fin d’études au collège et de ce fait, ne garantit nullement le passage en lycée.
N’y a-t-il pas risque qu’en faisant évoluer le baccalauréat ainsi que nous le décrivons en toute probabilité, c’est-à-dire vers une plus grande prise en compte d’évaluations des candidats par le contrôle en cours de formation, donc par les professeurs de l’élève candidat et non plus par un jury externe quasi intégral, il n’y ait un potentiel de remise en cause du statut de “premier diplôme universitaire” que nous venons de présenter ? Autrement dit, n’y a-t-il pas là une menace sur le statut de “diplôme national” du baccalauréat actuel, avec le risque d’émergence de “baccalauréats locaux”, marqués du sceau non plus de l’Université, mais du lycée dont on est l’élève ? Si on allait dans cette direction, nul doute que le baccalauréat cesserait à plus ou moins long terme d’être un passeport pour l’entrée en première année d’université, et que ce serait la porte ouverte à une généralisation du principe de sélection à l’entrée des études supérieures, déjà fortement répandu (c’est le cas pour les écoles - grandes ou spécialisées , les classes préparatoires, les IUT, les classes préparatoires aux BTS, aux diplômes de comptabilité et gestion, et même certaines universités) ?
Au gouvernement de rassurer les acteurs et usagers du système éducatif en donnant les garanties nécessaires pour que de telles dérives ne se produisent pas (sauf bien sur si c’est le but visé, mais alors il faudra le dire clairement afin que chacun se détermine en toute connaissance de cause). Faute de cela, nous pronostiquons une sévère bataille sur le futur statut du baccalauréat et des résistances que le Ministère de l’Education nationale aura beaucoup de mal à surmonter.
Source: letudiant.fr
Sage attitude que celle du Ministre en la matière, qui sait parfaitement qu’il tient là une “patate très très chaude”, tant le sujet est sensible et porteur de réactions diverses et fort contradictoires en perspective : bon courage à ceux qui vont devoir “s’y coller”, et bien malin celui qui réussira la synthèse acceptée sur un tel sujet. C’est loin 2013, et d’ici là, autant ne pas évoquer trop de sujets qui fâchent à la fois. A chaque jour suffit sa peine !
Pourtant, si on veut bien lire de près les textes relatifs à la réforme du lycée, et en particulier tenir compte de certaines novations qui ne pourront pas ne pas entraîner une réforme du baccalauréat, alors il devient possible de définir les contours fortement probables de ce que sera le nouveau baccalauréat à compter de 2013.
1. Extension du contrôle en cours de formation :
Vous avez peut être remarqué qu’en ce qui concerne les enseignements des langues étrangères (deux sont désormais obligatoires dans toutes les filières générales et technologiques alors que ça n’était jusqu’ici le cas que pour les voies générales et STG), il a été décidé que, de la seconde à la terminale incluse, les horaires des deux langues étrangères seront globalisés.
Concrètement, cela signifie qu’il appartient désormais à chaque équipe d’établissement de décider de la répartition des heures obligatoires fixées par l’Etat. Ainsi, par exemple, les 4 h hebdomadaires auxquelles auront droit les futurs élèves de terminale ES, donneront lieu à des répartitions variables d’un lycée à un autre : 2h30 + 1h30, ou 2h + 2h , ou 2h15 + 1h45…
Parallèlement, comme chacun peut s’en douter, le Ministère ne va pas édicter des programmes différents pour chacune des combinaisons horaires possibles : les programmes de LV1 et LV2 seront les mêmes nationalement. Comment, dans de telles conditions, garantir l’équité de situation des candidats devant un examen national ? Continuer de faire subir aux élèves des épreuves externes communes devient impossible, et est en outre susceptible, en cas de contestation par des familles devenues progressivement de plus en plus procédurières, de recours devant les tribunaux administratifs que les “usagers” gagneraient à coup sûr, au nom du sacrosaint principe d’égalité de situation des candidats devant des épreuves externes communes d’examen national ! La seule façon de procéder devient dès lors évidente : noter les élèves par le contrôle en cours de formation, c’est-à-dire par leurs propres professeurs.
Ce sera donc inévitablement le cas pour les deux langues étrangères. Je pense que la tentation sera forte au Ministère d’aller plus loin, tant est désormais fort le souci d’alléger l’organisation actuelle du baccalauréat, en désignant d’autres disciplines qui pourraient ainsi faire l’objet d’un “contrôle en cours de formation” dont les notes seraient prises en compte pour le résultat final. Dans cette logique, chaque filière déboucherait vers un examen composé d’un “noyau dur” d’épreuves externes finales (correspondant à trois ou quatre enseignements fondamentaux), et d’un “second cercle”, composé de disciplines soumises au contrôle en cours de formation.
Il faut savoir que ce système existe déjà pour le brevet des collèges, mais aussi pour divers types de baccalauréats (ceux délivrés dans le secteur des lycées agricoles, mais aussi pour les baccalauréats professionnels), et même pour certaines épreuves des baccalauréats généraux et technologiques actuels (l’Education physique et sportive par exemple). Et bien sur, comme chacun sait, ce système est très répandu dans l’enseignement supérieur. On n’inventerait donc rien en la matière, mais on étendrait ce qui n’est aujourd’hui qu’encore marginal.
Dans cette perspectve, je souhaite bien du plaisir à ceux qui seront chargés de fixer, bac par bac, les listes des “enseignements fondamentaux” dignes d’une évaluation externe finale, et ceux qui seront rangés au statut de “disciplines secondaires”, évaluables par le contrôle en cours de formation. Nul doute qu’ils auront à affronter de nombreux corporatismes disciplinaires et qu’il sera malaisé de parvenir à un accord globalement accepté sur un tel sujet.
Je souhaite également bien du plaisir aux enseignants, qui vont inévitablement être confronté à un “face à face” plus serré par rapport aux élèves et aux parents, soucieux bien sur d’obtenir de chaque évaluateur la meilleure évaluation possible, et prêt parfois à toutes sortes de “pressions” pour y parvenir. C’en sera terminé de la quiétude que procure l’existence d’un jury externe.
2. Extension du nombre d’épreuves anticipées en fin de première :
Si vous avez suivi le débat qui a précédé la publication des textes officiels concernant la réforme du lycée, vous savez qu’il a été décidé que l’enseignement d’histoire-géographie cessera d’être un enseignement obligatoire de tronc commun en terminale S. A sa place, il demeure possible d’offrir un enseignement optionnel facultatif de deux heures par semaine. Autre contre partie : le programme d’histoire-géographie de première S , actuellement fixé à 2h30 par semaine, passera à 4h.
Dans ces conditions, il n’est évidemment plus possible que les élèves de terminale S subissent en fin de terminale les épreuves obligatoires d’histoire-géographie. Celle-ci aura donc désormais lieu en fin de première, et rejoint donc la liste des épreuves anticipées du baccalauréat S.
En pratique, tous les enseignements de première qui ne se prolongent pas en terminale sont susceptibles de faire l’objet d’une épreuve anticipée. C’est bien sur déjà le cas pour le français dans tous les baccalauréats, et dans quelques autres disciplines, variables selon le baccalauréat préparé. Ce sera donc très probablement le cas, comme aujourd’hui, de bien d’autres enseignements qui sont dispensés en première, mais n’ont pas de continuité en terminale. Là encore, on n’invente rien, ce mode d’évaluation existant déjà, mais on en prépare manifestement l’extension.
3. Le baccalauréat continuera-t-il d’être un grade national délivré par l’université ?
Les deux points qui précèdent sont importants, marquent une indéniable inflexion, mais sont loin de constituer à eux seuls les aspects potentiellement les plus lourds de la réforme à venir du baccalauréat. En fait, nous faisons le pari qu’à l’occasion du débat sur cette réforme, c’est du statut du baccalauréat lui-même qu’il va être fondamentalement question, et c’est bien en cela que réside l’interrogation la plus importante.
Rappelons qu’en l’état actuel de la législation et des règlements, le baccalauréat (créé sous sa forme moderne par Napoléon 1er en 1808), n’est pas un simple certificat de fin de scolarité secondaire : il est surtout le premier des quatre grades délivrés par l’Université (les trois autres sont la licence, le master et le doctorat). C’est donc sous le sceau de l’Université (et non d’un rectorat) qu’est délivré l’attestation de réussite au baccalauréat, et ce même si le document est établi et expédié par les services rectoraux. Ce statut explique que les présidents de jurys ne sont jamais issus du secondaire (professeurs du second degré ou inspecteurs de l’enseignement secondaire), mais toujours des universitaires. Et c’est aussi ce qui fait que le baccalauréat donne à toute personne qui s’en dote la garantie de trouver une place en première année d’une filière universitaire de premier cycle licence (L1). Ainsi, le baccalauréat est un véritable passeport ouvrant vers les études supérieures universitaires (sauf dans le cas, fort minoritaire, des universités qui disposent de premiers cycles sélectifs à l’entrée). C’est une différence importante par rapport au brevet des collèges qui est un simple certificat de fin d’études au collège et de ce fait, ne garantit nullement le passage en lycée.
N’y a-t-il pas risque qu’en faisant évoluer le baccalauréat ainsi que nous le décrivons en toute probabilité, c’est-à-dire vers une plus grande prise en compte d’évaluations des candidats par le contrôle en cours de formation, donc par les professeurs de l’élève candidat et non plus par un jury externe quasi intégral, il n’y ait un potentiel de remise en cause du statut de “premier diplôme universitaire” que nous venons de présenter ? Autrement dit, n’y a-t-il pas là une menace sur le statut de “diplôme national” du baccalauréat actuel, avec le risque d’émergence de “baccalauréats locaux”, marqués du sceau non plus de l’Université, mais du lycée dont on est l’élève ? Si on allait dans cette direction, nul doute que le baccalauréat cesserait à plus ou moins long terme d’être un passeport pour l’entrée en première année d’université, et que ce serait la porte ouverte à une généralisation du principe de sélection à l’entrée des études supérieures, déjà fortement répandu (c’est le cas pour les écoles - grandes ou spécialisées , les classes préparatoires, les IUT, les classes préparatoires aux BTS, aux diplômes de comptabilité et gestion, et même certaines universités) ?
Au gouvernement de rassurer les acteurs et usagers du système éducatif en donnant les garanties nécessaires pour que de telles dérives ne se produisent pas (sauf bien sur si c’est le but visé, mais alors il faudra le dire clairement afin que chacun se détermine en toute connaissance de cause). Faute de cela, nous pronostiquons une sévère bataille sur le futur statut du baccalauréat et des résistances que le Ministère de l’Education nationale aura beaucoup de mal à surmonter.
Source: letudiant.fr