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21/04/2009 20:17

La crise du transport routier français atteint un pic

Il s'agit de l'un des secteurs les plus sévèrement touchés par la crise. Mais les difficultés qu'il traverse n'ont pas beaucoup retenu l'attention. Pourtant, le transport routier de marchandises en France ne se porte guère mieux que l'industrie automobile ou la sidérurgie.


Au second semestre 2008, il a supprimé environ 10 000 postes - le nombre de demandeurs d'emplois y a progressé de 35 % entre fin 2007 et fin 2008. L'an passé, quelque 1 580 sociétés ont été liquidées ou mises en redressement judiciaire (contre 1 469 en 2006), selon le secrétariat d'Etat aux transports.

La Fédération nationale des transports routiers (FNTR), elle, avance d'autres chiffres - plus alarmants - issus de données fournies par l'assureur-crédit Coface : 2 122 "défaillances d'entreprises" ont été comptabilisées en 2008, "soit un quasi-doublement par rapport à 2007", selon la FNTR.

Au premier trimestre 2009, la tendance reste préoccupante, avec 581 dépôts de bilan (+ 64,6 % par rapport à la même période de 2008). Le phénomène pourrait atteindre un pic "en avril et en mai, car beaucoup de petites et moyennes entreprises (PME) ne pourront pas payer leurs charges sociales trimestrielles", pronostique Catherine Pons, présidente de l'Unostra, l'une des organisations patronales du secteur.

Sensible aux fluctuations de la conjoncture, le transport routier de marchandises souffre, car les échanges entre agents économiques ont chuté en moyenne de 20 % à 25 %, selon Patrick Vermot-Desroches, coprésident de la FNTR. Certaines activités, comme l'acheminement de denrées alimentaires ou la logistique, résistent. Mais le fret lié à l'automobile ou aux travaux publics subit de fortes baisses (jusqu'à - 40 %).

La crise n'explique pas tout. Au premier semestre 2008, les transporteurs avaient été fragilisés par la flambée du prix des carburants, qui avait asséché leur trésorerie, souligne Mme Pons. En outre, bon nombre de sociétés sont "en situation de quasi-faillite", rappelle un rapport du Centre d'analyse stratégique (CAS) diffusé en 2008 : elles n'arrivent à se maintenir sur le marché qu'en pratiquant "des prix artificiellement bas" et "en contournant une partie des règles qu'elles devraient respecter". Ce problème est renforcé par certaines entreprises de grande taille qui confient l'acheminement de marchandises à des PME en imposant leurs conditions - notamment au niveau des prix. Du coup, les sous-traitants ne peuvent "que s'en tenir au minimum de la convention collective", relève ainsi le CAS.

"Beaucoup de sociétés se sont créées à partir de rien, avec une espérance de vie de très courte durée, analyse Philippe Grillot, président de la fédération des entreprises de transport et de logistique de France (TLF). Elles portaient déjà en elles le germe de la liquidation judiciaire." Enfin, la concurrence internationale est rude, d'autant plus que les transporteurs de certains pays européens sont soumis à des règles très favorables : fiscalité moins lourde qu'en France, durée du travail plus longue... "En Allemagne, dit M. Grillot, les conducteurs routiers touchent un salaire net supérieur à celui de leurs collègues français, mais le travail... coûte moins cher à l'entreprise."

Pas étonnant, dans ce contexte, que des transporteurs mettent la clé sous la porte ou réduisent la voilure. Tous les moyens sont bons pour faire des économies. Responsable d'exploitation chez les Transports fumaciens, dans les Ardennes, Mario Cervellera confie avoir donné des consignes très précises à ses chauffeurs : couper le moteur dès qu'ils arrivent chez le client, rouler en dessous de 90 kilomètres par heure, respecter le passage des vitesses... De son côté, TLF incite les employeurs à inscrire leurs salariés à des stages de formation à la conduite économique. Cette dernière est parfois récompensée : le chauffeur peut recevoir une prime de 150 à 200 euros par mois.

Aujourd'hui, certains professionnels pensent que le secteur "a touché le fond", selon la formule de M. Grillot. "Les premiers signes de frémissement" pourraient survenir au deuxième semestre, ajoute-t-il. Mais l'inquiétude demeure très forte. A partir du 1er mai, les transporteurs des pays ayant adhéré à l'Union européenne en 2004 pourront faire du cabotage en France (c'est-à-dire effectuer, à titre temporaire, du transport de marchandises dans l'Hexagone sans y être établis).

Plusieurs organisations patronales craignent que cet élargissement de la concurrence n'aggrave les difficultés des entreprises. Au secrétariat d'Etat aux transports, on relativise l'impact d'une telle mesure, en rappelant que le cabotage représente "2,6 % du marché intérieur". Toutefois, un observatoire sera mis en place pour mesurer les effets de cette nouvelle libéralisation du marché.


Source: Yahoo News


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