Tout comme le chancelier autrichien Wolfgang Schlössel, qui assure la présidence tournante de l'Union Européenne, le Parlement a choisi de s'accorder du temps pour « prendre des mesures significatives visant à rassurer et convaincre l'opinion publique », car il faut être sûr que « tous les efforts soient accomplis pour garantir que la Constitution entre en vigueur en 2009 ».
Les députés européens se préparent donc à giffler avec mépris les électeurs de la France et des Pays-Bas : le « Non » ne doit pas être respecté, mais contourné. Ceux qui ont voté contre se sont trompés, ils n'ont rien compris : il faut donc prendre le temps de le leur faire comprendre petit à petit... Ainsi, plusieurs étapes seront nécessaires afin que les citoyens changent d'avis et acceptent de revenir sur leur vote : les parlementaires européens veulent co-organiser avec les parlements nationaux des "forums parlementaires" pour « encourager le débat et formuler, étape par étape, les conclusions politiques nécessaires ».
Cependant, ces conclusions politiques ne seraient pas d'ordre à modifier le texte, puisque le Parlement de Strasbourg a « refusé de considérer explicitement d'autres issues que la ratification du texte actuel », comme semble le regretter le socialiste Pierre Moscovici, qui pourtant avait défendu le « Oui » au référendum français. Certes, les députés se disent conscients « des difficultés [quant à la ratification du projet] qui peuvent s'avérer insurmontables » si des mesures ne sont pas prises pour « répondre aux préoccupations exprimées notamment en France et aux Pays-Bas », mais ils se contenteraient d'ajouter éventuellement quelques notes pour expliquer les passages jugés les plus « polémiques ». Avec une bonne campagne de communic... pardon de pédagogie, bien sûr, les citoyens devraient reconnaître la validité du texte !
Or, comme par hasard, cette période de pédagogie active se terminera au second semestre 2007 : pile après les élections présidentielles françaises ! Qu'un candidat n'ayant pas promis de respecter le vote du 29 mai soit élu président de la République et le peuple français serait obligé de revoter ! Voire pire : la Constitution serait ratifié sans nouveau référendum...
La présidentielle française et l'avenir de la Constitution européenne sont donc bien liés. Ce n'est d'ailleurs sans doute pas une coïncidence si le même jour, à Paris, Laurent Fabius, candidat déclaré à l'investiture socialiste pour la présidentielle de 2007, présentait lui-aussi son « plan de relance européen » : une renégociation de la Constitution lui paraît indispensable sur la base d'un texte « resserré » incluant la réforme des institutions et la charte des droits fondamentaux, mais excluant les politiques de l'Union. Pour lui, il faudrait en discuter avec les autres gouvernements européens avant d'envisager un nouveau référendum.
Cette discussion serait d'ailleurs l'occasion de « dire stop à la dérive libérale » (qui continue en Europe avec la directive dite Bolkestein sur les services, celle sur les ports ou encore celle sur le temps de travail), mais aussi de « se mettre d'accord sur ce qu'est le projet européen, l'identité européenne, les frontières », car « on ne peut pas continuer comme ça,
élargir les frontières alors que rien ne fonctionne. »
Il serait en effet temps d'interroger vraiment tous les citoyens européens sur leur vision de l'Europe : mais quoi de mieux pour cela que d'organiser l'élection d'une Assemblée constituante européenne ? C'est ce que nous appelons de nos voeux !
Photo: 29 octobre 2004 Signature, à Rome, du Traité établissant une Constitution pour l'Europe.