Faits Divers - Société
12/03/2010 20:58

La CITES examine une proposition controversée de vente de stocks d'ivoire

Réunie à Doha, au Qatar, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) se penche à partir de samedi sur la demande de la Tanzanie et de la Zambie, qui souhaitent écouler leurs stocks d'ivoire sur le marché à la faveur d'une vente exceptionnelle. Le Kenya s'oppose au projet, redoutant une recrudescence du braconnage des éléphants.



"Nous sommes pleinement convaincus que toute expérimentation pour permettre une levée partielle de l'embargo international sur le commerce de l'ivoire stimule le braconnage des éléphants", explique Patrick Omandi, du Service kényan de protection de la faune et de la flore. "Il y a déjà eu une augmentation du braconnage sur l'ensemble du continent (africain), certains pays perdant leur population entière (d'éléphants)."

Selon Nairobi, le braconnage a été multiplié par sept au Kenya depuis que la CITES a approuvé en 2007 une vente exceptionnelle d'ivoire par quatre pays africains. L'an dernier, 271 éléphants kényans ont été tués par les braconniers, contre 37 en 2007, précise M. Omandi.

Dans le parc national kényan de Tsavo-Est, qui compte 6.000 éléphants, les tribus locales vivent depuis des siècles au milieu de la nature. Mais elles se livrent de plus en plus au braconnage, selon les responsables du parc. Une paire de défense peut rapporter 2.000 dollars (1.450 euros) ou plus localement, une somme énorme pour une famille pauvre, dans une région où le manque de pluies depuis cinq ans ruine les récoltes et répand la faim.

Le Kenya est particulièrement mécontent de ce que la Tanzanie veuille vendre ses stocks d'ivoire. Les deux pays ont une longue frontière commune où des parcs, comme le Masai Mara kényan et le parc national tanzanien de Serengeti s'entremêlent. Or, les éléphants traversent librement la frontière, souligne M. Omandi.

La Tanzanie demandera aux 175 membres de la CITES, réunie jusqu'au 25 mars à Doha, l'autorisation de vendre près de 90 tonnes d'ivoire. Elle souligne que sa population d'éléphants est passée de 55.000 en 1989 à près de 137.000, selon une étude de 2007. La Zambie, qui veut vendre 21,7 tonnes d'ivoire, affirme de son côté que sa population d'éléphants (27.000 actuellement) augmente régulièrement.

Si la situation des pachydermes est peut-être bonne dans ces deux pays, elle est alarmante dans d'autres régions du continent. La Sierra Leone, dans le nord-ouest de l'Afrique, a perdu ses derniers éléphants en décembre, et le Sénégal n'en compte plus que dix, précise M. Omandi.

Les détracteurs de la proposition tanzanienne et zambienne rappellent qu'à cause du braconnage, la population des éléphants d'Afrique était tombée de 1,3 million en 1979 à 600.000 en 1989, date de l'entrée en vigueur de l'embargo sur le commerce de l'ivoire. Ils souligne que le braconnage est en hausse depuis la vente exceptionnelle autorisée en 2007.

Samuel Wasser, directeur du Centre pour la biologie de la conservation à l'université de Washington, estime que le risque que représente une nouvelle vente est "énorme". Et il appelle à mettre l'accent sur la lutte contre le braconnage plutôt que de "débattre pour savoir si nous devrions avoir plus de ventes".

M. Omandi précise que l'ivoire africain est utilisé pour fabriquer des tampons en caoutchouc et des colliers dans des pays asiatiques comme la Chine ou le Japon. Certains clients achètent les défenses entières.

Si l'essentiel du commerce de l'ivoire se fait avec l'Asie, il existe également un marché aux Etats-Unis. Entre 1989 et 2007, environ 30% des saisies mondiales d'ivoire illégal ont été réalisées dans le pays. Les Etats-Unis n'ont pas encore dit s'ils voteraient en faveur de la demande tanzanienne et zambienne lors de la réunion. Les autorités américaines disent attendre une décision d'un comité d'experts de la CITES.

Au parc national de Tsavo-Est, les trois quarts des 500 employés sont des personnels de sécurité formés à des techniques paramilitaires, selon le responsable de la réserve Yussuf Adan. Le mois dernier, une fusillade a opposé des gardes à six braconniers, dont un a été mortellement blessé, précise-t-il.

"Nous pensons que si les Tanzaniens sont autorisés à vendre leur stock d'ivoire, ce serait une incitation pour les braconniers au Kenya", explique M. Adan. "Ils sauraient qu'il est facile de tuer (des éléphants) au Kenya et de se rendre de l'autre côté de la frontière pour vendre."

Source: AP via Yahoo News

H. V. N. / source web



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