Afrique et Moyen-Orient
09/04/2009 14:00

L'indolence des électeurs, principal rival de Bouteflika

Avec une résignation perceptible, les Algériens s'apprêtent à prolonger ce jeudi de cinq ans le double quinquennat du président Abdelaziz Bouteflika à la tête d'un pays riche en pétrole et en gaz mais qui peine à se remettre d'une longue insurrection islamiste.



"La hantise de l'urne vide", titre le quotidien Le Soir d'Algérie sur la première page de son édition de jeudi. "L'abstention, seul et unique adversaire de Abdelaziz Bouteflika, pourrait fausser tous les calculs du scrutin qui se déroulera aujourd'hui", écrit le journal.

Les bureaux de vote qui ont ouvert leurs portes à 08h00 locales (07h00 GMT) devaient fermer douze heures plus tard, mais aucun résultat ne sera annoncé avant vendredi, jour où il reviendra au ministère de l'Intérieur de communiquer le nom du vainqueur.

Une heure environ après le début du scrutin, il n'y avait pas foule devant les bureaux de vote de la capitale.

"Voter ou non ne fera aucune différence, car de toute façon, Bouteflika l'emportera", explique le politologue Nacer Djabi. "C'est pourquoi on peut s'attendre à un taux de participation bas."

Dans la capitale, les autobus et les réverbères sont recouverts d'affiches appelant à voter pour le président sortant, 72 ans. En revanche, on ne voit nulle part les affiches des cinq autres candidats.

Si la violence de la décennie 1990 a reflué dans le pays, la rébellion islamiste s'est radicalisée, faisant allégeance à Al Qaïda. L'état d'urgence instauré il y a 17 ans reste en vigueur, ce qui n'empêche pas la frustration de la population de dégénérer régulièrement en émeutes dans les villes de province.

Le ministre de l'Intérieur a estimé il y a trois semaines que le "terrorisme" reculait dans ses principaux bastions, mais qu'il était encore en mesure d'organiser des attentats "spectaculaires" afin de profiter de la caisse de résonance de la campagne électorale.

Professeur d'administration publique à l'Université d'Etat de Californie, Hamoud Salhi doute toutefois que le scrutin, qui se déroule dans un climat d'apathie générale, débouche en lui-même sur un retour aux violences des années 1990 qui ont fait jusqu'à 150.000 morts.

Abdelaziz Bouteflika, qui n'a pas de concurrents à sa mesure parmi les cinq candidats qui se présentent face à lui, a promis de consacrer après sa réélection 150 milliards de dollars au redressement du secteur économique non-pétrolier déclinant, au logement et aux infrastructures.

Mais les rangs des chômeurs grossissent chaque jour parmi les jeunes, qui forment l'immense majorité de la population, et le pouvoir a du mal à s'attacher une population désabusée et à priver les islamistes armés de tout soutien populaire.

Le ressentiment de la jeunesse éclate parfois en province, mettant aux prises les forces de sécurité à des émeutiers armés de pierres et de bâtons qui érigent des barricades de pneus enflammés, s'en prennent aux véhicules officiels et saccagent des immeubles.

A l'occasion de manifestations de protestation contre l'offensive israélienne à Gaza, en janvier, les rues d'Alger ont été le théâtre d'affrontements entre la police anti-émeutes et des milliers de jeunes qui scandaient des slogans anti-gouvernementaux et favorables à l'établissement d'un Etat islamique.

Les partisans de Bouteflika, qui comptent dans leurs rangs de nombreux citadins laïques, espèrent qu'une forte participation lui donnera un mandat clair pour continuer son entreprise de redressement national après 17 ans d'islamisme armé.

L'Assemblée nationale populaire a modifié la constitution en novembre pour supprimer la limitation à deux du nombre de quinquennats présidentiels et permettre à cet homme dont la carrière politique a débuté dès l'indépendance de l'Algérie, en 1962, de se maintenir au pouvoir.

Cette initiative, dans laquelle ses détracteurs voient le prélude à une présidence à vie, implique nécessairement l'aval des "décideurs" militaires, mais le recours au parlement plutôt qu'à un référendum a creusé le fossé entre Bouteflika et la société civile, estime un analyste.


Source: Yahoo News


Awa Diakhate



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