"Le gouvernement a décidé de restaurer un couvre-feu dans certaines régions de 18h30 à 06h00 locales", a annoncé le Premier ministre, Nouradine Delwa Kassire Coumakoye, lors d'une conférence de presse.
Plusieurs centaines de Tchadiens réfugiés au Cameroun voisin ont repassé jeudi la frontière en sens inverse, quatre jours après l'assaut manqué contre la capitale, qui a fait au moins 160 morts parmi les civils.
Les forces loyales au chef de l'Etat affirment avoir mis les rebelles en déroute et indiquent qu'ils se sont repliés à 600 km à l'est de N'Djamena, dans le secteur de Mongo, à mi-chemin entre la capitale et la frontière soudanaise.
Ali Ordjo Hemchi, porte-parole des rebelles, a quant à lui annoncé la prise de Mongo, malgré l'intervention de l'aviation française et de plusieurs hélicoptères, qui ont, selon lui, bombardé leurs positions. L'information n'a pas été confirmée de source indépendante.
Paris, qui dispose d'un millier d'hommes au Tchad dans le cadre de l'opération "Epervier", a jusqu'ici démenti toute intervention directe dans le conflit.
L'offensive lancée ce week-end à N'Djamena a reporté le déploiement des 3.700 hommes de l'Eufor chargés d'assurer la sécurité des centaines de milliers de réfugiés soudanais et de déplacés tchadiens menacés par les troubles du Darfour, qui gagnent l'ensemble de la région frontalière.
Les organisations humanitaires craignent que l'interruption des vols à destination de l'Est due aux combats n'aggrave la situation humanitaire.
GRATITUDE
"Je lance un appel solennel à l'Union européenne et à l'initiateur de cette idée, la France, pour faire en sorte que cette force vienne s'installer le plus rapidement possible pour alléger le poids que nous supportons aujourd'hui. La communauté internationale doit très franchement, sans chercher des alibis, aller sauver les Darfouriens qui sont menacés dans leur existence", a lancé Déby au micro d'Europe 1, évoquant le sort des réfugiés.
A Bruxelles, Cristina Gallach, porte-parole de Javier Solana, représentant de la diplomatie européenne, a réagi avec prudence à l'appel d'Idriss Déby sur l'Eufor. "Cela relève de la sécurité, le déploiement interviendra dès que le chef de l'opération et le commandant de la force décideront que la situation s'y prête", a-t-elle dit. Elle a ajouté: "La force (européenne) se déploiera, elle est plus que jamais nécessaire
(...)".
Le chef de l'Etat tchadien, qui accuse le Soudan de soutenir les rebelles, a en outre regretté que la communauté internationale ait donné son feu vert à Khartoum pour déstabiliser le Tchad en refusant de dénoncer son rôle.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté lundi une déclaration non contraignante invitant les Etats membres à soutenir le pouvoir en place, mais le texte n'évoque pas l'implication du Soudan, contrairement au souhait de la France.
Le gouvernement de Khartoum, qui nie vigoureusement toute implication aux côtés des rebelles, s'est associé jeudi à la médiation libyenne et assure être à l'origine du repli des rebelles.
"Le Soudan a appelé l'opposition à évacuer N'Djamena et l'opposition a accepté", a déclaré Salah Gosh, chef des puissants services de renseignement, cité par le quotidien officiel Vision.
Après avoir affiché sa neutralité lorsque les combats ont éclaté, Paris, qui doit fournir le gros des effectifs de l'Eufor, a clairement pris le parti de Déby lorsque la déclaration de l'Onu a été adoptée.
L'état-major français nie pour le moment toute intervention directe dans le conflit, mais le président Nicolas Sarkozy a assuré que Paris "ferait son devoir" et avait "les moyens de s'opposer à une agression".
Visiblement décidé à lui exprimer sa gratitude, Déby s'est dit prêt jeudi à envisager de gracier les six Français de l'Arche de Zoé qui purgent une peine de huit ans de prison en France pour tentative d'enlèvements d'enfants.
"Il n'est pas impossible, si la France en fait la demande (...) Bien sûr, il n'est pas impossible que j'examine cette question", a-t-il déclaré.
Les rebelles accusent de longue date la France de soutenir le régime, selon eux, autocratique et corrompu d'Idriss Déby, au pouvoir depuis 18 ans.
"L'opposition nationale armée est plus que jamais prête et déterminée à faire face à toute forme d'agression des forces néocolonialistes françaises ou autres", affirment dans un communiqué commun les trois mouvements rebelles qui se sont associés pour renverser Déby.
"L'opposition armée est désormais convaincue que la présence française au Tchad est un handicap majeur pour la paix et à l'avènement d'un régime véritablement démocratique au Tchad", ajoutent-t-ils.
Outre les 160 corps recensés dans les trois principaux hôpitaux de N'Djamena, les organisations humanitaires font état de 850 blessés par balles et tirs de mortier.
Selon des habitants, les forces de l'ordre ont interpellé plusieurs figures de l'opposition politique dimanche soir et des ONG ont indiqué que des soldats étaient à la recherche de militants des droits de l'homme.