Je vis dans les yeux d’Anthony une lueur étrange qui me fit frissonner d’effroi. Ils avaient quelque chose de haineux, un mélange terrible de dégoût et de colère. Assis, effondré, calé dans le siège en rotin ; Anthony, le visage blême, regardait fixement l’étendu de son désarroi. Le temps avait suspendu son envol, désespérément. Le silence battait la mesure froide des jours funestes. J’étais en sueurs, perdu dans les eaux troubles d’une tristesse profonde. Je n’étais pas tout à fait ce qu’il croyait. Pourtant cela ne changeait, au fond, pas grand chose à toute l’importance que j’attachais à notre amitié. Anthony était resté sans voix. Il me toisa plusieurs fois comme si cette révélation me rendait méprisable. J’avais franchi le point de non-retour, ma vie ne serait plus la même. Anthony regardait le vide qui nous séparait déjà, on sentait facilement monter en lui des envies de meurtre. Il se leva brusquement, sans un regard, tituba jusqu’à la porte et l’empoigna. Je l’entendis claquer, des pas s’éloignèrent. J’écrasai une larme.
Anthony était mon meilleur ami, nous partagions le même amour de la vie. Notre complicité avait grandi à l’épreuve de la rudesse de l’existence ; elle s’était libérée des chaînes des préjugés sociaux, et avait mûri dans les moments de galère. Anthony était un frère, rencontré grâce aux hasards de la vie. Une chaleur était rapidement née entre nous, ce fut le socle d’une solidarité rarissime dans une société qui amplifie l’individualisme. Mais en cet instant, de cette chaleur il ne demeurait plus qu’une froideur implacable, nous jouions la dernière partition d’un concerto douloureux.
Il était des secrets qu’il valait mieux garder secrets. Car leur révélation entrainait forcement des changements difficiles, des acceptations compliquées et souvent mal assumées. Mais je ne supportais plus de vivre dans le faux semblant, adolescent modèle et sans problèmes. Je voulais être moi et déchirer le voile trompeur. Aller au devant du monde en affichant ma différence, celle qui n’était pas agréable à voir ni à entendre mais qui était la mienne, fière et belle. La décision d’Anthony de fuir témoignait de l’une des complexités de la nature humaine : personne n’était assez fort pour faire face à la vérité, et suffisamment prêt pour la dire. Mais il arrivait un moment où parler était synonyme de se retrouver soi et de libérer les autres. Une nécessité dans la quête de la paix intérieure. J’avais des démons qui me tourmentaient. L’enfer c’était tous les jours où j’étais un autre, usurpateur minable d’une vie pitoyable. Je m’étais caché derrière un masque, jouant de l’apparence comme dans un thriller. La vie m’apparaissait comme une belle fable qui plaisait aux gens soi-disant normaux. Le monde était né dans l’illusion, avait grandi dans le culte de l’apparence et du fantasme marchant depuis dans la brume épaisse du faux-semblant. L’humanité allait à contresens de la vérité, et les hommes avaient suivi cette voie en recherchant toujours dans le regard des autres l’estime qui leur suffirait à fortifier leur orgueil. Il n’y avait dans la tragédie humaine nulle autre but que celui de gagner sur le reste de l’espèce un respect corrompu et une reconnaissance entendue voire consensuelle ; de laisser son empreinte, ensanglantée ou pas, sur les pages de l’Histoire quelques fois gommées. Le vrai , de nos jours, se confondant au vraisemblable et l’uniformité à la liberté.
lmackwin@yahoo.fr
Anthony était mon meilleur ami, nous partagions le même amour de la vie. Notre complicité avait grandi à l’épreuve de la rudesse de l’existence ; elle s’était libérée des chaînes des préjugés sociaux, et avait mûri dans les moments de galère. Anthony était un frère, rencontré grâce aux hasards de la vie. Une chaleur était rapidement née entre nous, ce fut le socle d’une solidarité rarissime dans une société qui amplifie l’individualisme. Mais en cet instant, de cette chaleur il ne demeurait plus qu’une froideur implacable, nous jouions la dernière partition d’un concerto douloureux.
Il était des secrets qu’il valait mieux garder secrets. Car leur révélation entrainait forcement des changements difficiles, des acceptations compliquées et souvent mal assumées. Mais je ne supportais plus de vivre dans le faux semblant, adolescent modèle et sans problèmes. Je voulais être moi et déchirer le voile trompeur. Aller au devant du monde en affichant ma différence, celle qui n’était pas agréable à voir ni à entendre mais qui était la mienne, fière et belle. La décision d’Anthony de fuir témoignait de l’une des complexités de la nature humaine : personne n’était assez fort pour faire face à la vérité, et suffisamment prêt pour la dire. Mais il arrivait un moment où parler était synonyme de se retrouver soi et de libérer les autres. Une nécessité dans la quête de la paix intérieure. J’avais des démons qui me tourmentaient. L’enfer c’était tous les jours où j’étais un autre, usurpateur minable d’une vie pitoyable. Je m’étais caché derrière un masque, jouant de l’apparence comme dans un thriller. La vie m’apparaissait comme une belle fable qui plaisait aux gens soi-disant normaux. Le monde était né dans l’illusion, avait grandi dans le culte de l’apparence et du fantasme marchant depuis dans la brume épaisse du faux-semblant. L’humanité allait à contresens de la vérité, et les hommes avaient suivi cette voie en recherchant toujours dans le regard des autres l’estime qui leur suffirait à fortifier leur orgueil. Il n’y avait dans la tragédie humaine nulle autre but que celui de gagner sur le reste de l’espèce un respect corrompu et une reconnaissance entendue voire consensuelle ; de laisser son empreinte, ensanglantée ou pas, sur les pages de l’Histoire quelques fois gommées. Le vrai , de nos jours, se confondant au vraisemblable et l’uniformité à la liberté.
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