Asie & Extrême Orient
09/11/2007 15:02

Egypte: Un Mufti suscite une polémique à propos d'immigration clandestine


Le mufti d'Egypte, cheikh Ali Gomaa, a suscité une vive polémique dans le pays en refusant le statut de martyr, et donc l'accès direct au paradis, à des Egyptiens retrouvés morts en Méditerranée alors qu'ils tentaient d'immigrer clandestinement sur le continent européen.



Les corps de 26 Egyptiens ont été repêchés la semaine dernière au large des côtes italiennes. "Vingt et un d'entre eux ont été identifiés et leurs dépouilles arriveront en Egypte dans les prochains jours", a indiqué le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit.

Les 37 rescapés --sur 184 passagers-- se trouvent en Italie, dans un camp, et seront livrés à l'Egypte à la fin de l'enquête.

Traditionnellement, les victimes d'accidents obtiennent des autorités religieuses égyptiennes le statut de "martyr", ce qui, selon la foi musulmane, leur donne un accès direct au paradis.

Mais le mufti, nommé par l'Etat, a créé la surprise en annonçant qu'il refusait d'octroyer ce titre dans ce cas précis.

"Ils se sont jetés à la mort et le but de leur voyage n'était pas de servir Dieu", a expliqué cheikh Gomaa.

"L'avidité et la quête de l'argent étaient leurs motifs. Chacun d'eux a versé 25.000 livres égyptiennes (4.500 dollars) pour partir, ils n'étaient donc pas pauvres", a-t-il fait valoir, cité jeudi par le quotidien indépendant Al-Masri al-Yom.

Ils "auraient pu investir cette somme dans un commerce au lieu de partir", a-t-il encore estimé.

Selon Al-Masri al-Yom, ces déclarations ont "provoqué un choc" à Al-Azhar, la plus haute institution de l'islam sunnite.

Cité par le quotidien, le chef du comité des fatwas (avis religieux) d'Al-Azhar, Abdel Hamid al-Atrache, n'a pas hésité à contredire cheikh Gomaa. "Ce sont des martyrs car Dieu nous ordonne de sillonner la terre à la recherche de notre gagne-pain et est un martyr toute personne morte pendant cette quête", a-t-il jugé.

Mme Souad Saleh, professeur de théologie comparée à l'Université d'Al-Azhar, a elle appelé le mufti à "s'opposer plutôt à la corruption et aux corrompus, qui ont obligé ces jeunes à quitter leur pays et à vendre tous leurs biens pour couvrir les frais du voyage".

Rassemblées à l'aéroport du Caire dans l'attente des dépouilles, les familles des victimes ont assuré que leurs proches étaient partis chercher un travail et que les frais du voyage avaient été collectés "avec grande peine".

Ce drame n'est pas un cas isolé en Egypte, pays le plus peuplé du monde arabe avec quelque 76 millions d'habitants.

Un bateau ayant émis un signal de détresse mardi a été retrouvé près de la Crète par les autorités grecques avec 100 clandestins égyptiens à son bord, selon un responsable du ministre des Affaires étrangères, Ahmed al-Qoueisnia.

"85 cinq passagers ont été sauvés et (...) et les recherches continuent pour les autres", a-t-il précisé.

Un autre bateau transportant des clandestins égyptiens avait coulé à proximité des côtes italiennes le mois dernier, faisant plusieurs victimes.

Le phénomène est relayé par la presse égyptienne, qui l'impute à la hausse du chômage et au faible niveau de vie. Selon la Banque Mondiale, plus de 4 Egyptiens sur 10 vivent avec moins de deux dollars par jour.

Le fils cadet du président Hosni Moubarak, Gamal Moubarak, a jugé le dernier naufrage au large de l'Italie "douloureux et regrettable" mais a refusé de faire le lien avec la situation économique, évoquant un taux de croissance de 7,2% et la création de 400.000 emplois en deux ans.

Ahmed Aboul Gheit a pour sa part promis que son ministère allait immédiatement entamer une étude sur le phénomène de l'immigration clandestine et "les moyens de la contrer".

jeuneafrique.com/

Nabil Benbass/ Source Web



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