Europe
14/03/2015 18:14

Economie: la Grèce a-t-elle les mains liées ?

La question est d'importance et pourrait influencer les élections intérieures des 29 pays de la zone euro: si la Grèce ne peut pas appliquer son programme de gauche parce que l'Union Européenne a le pouvoir de s'y opposer, à quoi sert de voter à gauche? Les déçus des partis socialistes et conservateurs pourraient être tentés de s'adresser à l'extrême droite.
On dira que l'Europe n'a pas pour objectif de précipiter les peuples dans l’extrémisme de droite mais simplement de faire en sorte que les pays membres respectent les accords pris avec les autorités européennes. L'Europe pourra exciper du fait qu'elle aurait eu la même attitude si le parti Aube dorée avait été élu le 25 janvier dernier. Rien ne permet de le nier.
Quoiqu'il en soit, la Grèce ne veut plus entendre parler de la Troïka, ces hauts fonctionnaires représentant la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international lui ayant imposé son dernier programme de réformes, et essaie de tenir la dragée haute aux grands argentiers qui l'étranglent. L'éventualité d'une sortie de la Grèce de la zone euro est de nouveau évoquée.
En théorie, les partenaires européens ne devraient pas rejeter les mesures humanitaires demandées par Alexis Tsipras. On rappellera qu'aucune indemnité de survie n'a été mise en place pour les Grecs en situation de grande précarité. Il y a donc, en Europe, des dizaines de milliers de personnes qui souffrent de la faim. Si nous sommes un grand peuple, nous devrions, sans délai et sans aucune contrepartie, pouvoir y mettre un terme en organisant des distributions de vivres. Sinon, nous ne sommes pas un grand peuple, seulement une grande banque centrale. Revue de presse :



Troïka, Grexident et OCDE

"Comme la Grèce est seule à avoir la responsabilité, la possibilité de décider ce qui va arriver, et parce que nous ne savons pas exactement ce que font ceux qui sont aux responsabilités en Grèce, nous ne pouvons pas l'exclure (une sortie de la Grèce de la zone euro, ndlr)" Dans une interview, vendredi 13 mars, à la chaîne autrichienne ORF, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble a ainsi répondu à une question sur la possibilité d'un "Grexident", jeu de mots entre le "Grexit" - terme renvoyant à une sortie de la Grèce de la zone euro - et un accident. (latribune.fr)
Dans son interview à Bild, Panos Kammenos [chef de file des Grecs indépendants, formation de droite souverainiste] insiste sur cette demande de réparations: "L'or que les nazis ont pris à Athènes et emporté à Berlin valait beaucoup d'argent. Nous attendons une indemnisation pour cela et aussi pour le prêt forcé et la destruction de statues antiques." Il prévient en outre que la Grèce, porte d'entrée de l'Union européenne pour nombre d'immigrés, pourrait cesser d'accueillir des réfugiés en cas de sortie forcée de la zone euro. "Plus aucun accord ne serait valide, plus aucun traité, rien. Nous ne serions plus contraints d'accepter les réfugiés en tant que pays d'entrée. Quiconque souhaite nous pousser hors de la zone euro devrait avoir conscience de cela", dit le chef des Grecs indépendants.
La Grèce et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont annoncé, jeudi 12 mars, un partenariat sur la mise en place de réformes, sur la fiscalité ou la concurrence, par exemple, dont Athènes espère qu'il sera une preuve de sa bonne volonté réformatrice.Tout en plaisantant sur le fait qu'il se sentait au siège de l'OCDE «plus à l'aise qu'avec d'autres institutions, comme l'ancienne “troïka” [Union européenne, Fonds monétaire international et Banque centrale européenne] », le premier ministre grec, Alexis Tsipras, a reconnu un «problème de défiance mutuelle» entre Athènes et certains partenaires européens. (lemonde.fr)

 

Mourir de faim ou mourir étouffé

Pour en terminer avec l'idée selon laquelle les Allemands, les Français, tous les citoyens des pays européens en seraient de leur poche si la Grèce suspendait ses remboursements, voici l'extrait d'un article publié sur le site Alternatives économiques par Jean-Marie Harribey, ancien Professeur agrégé de sciences économiques et sociales et Maître de conférences d’économie à l’Université Bordeaux IV.
<< Que se passe-t-il quand une banque centrale voit les actifs financiers qu’elle a acceptés en échange du refinancement qu’elle accorde aux banques perdre leur valeur ? Elle ne peut plus ni retirer directement la liquidité qu’elle a accordée, ni la récupérer intégralement en revendant ces titres dévalués. Elle est donc obligée d’inscrire une perte au bas de l’actif de son bilan puisque son passif (ses engagements à honorer sa signature) n’a pas varié. Doit-elle alors demander à son propriétaire (l’État ou les États composant la zone euro s’il s’agit de la BCE) de la recapitaliser, c’est-à-dire obliger cet État (ou ces États) à lever des impôts supplémentaires maintenant ou plus tard si celui-ci (ceux-ci) emprunte(nt) sur les marchés financiers de quoi recapitaliser son (leur) propre bien ? On voit le côté ubuesque que représenterait cette machinerie. En réalité, une banque centrale n’a pas besoin d’être recapitalisée puisqu’elle est la seule institution qui a le pouvoir d’augmenter ses fonds propres en créant sa propre monnaie. N’a-t-elle alors aucune limite ? C’est ici que doit être réfuté le second argument présenté par ceux qui agitent l’épouvantail « qui va payer ? ».

Une banque centrale devant face aux rebondissements d’une crise qui n’en finit pas est-elle contrainte par le risque inflationniste qui finirait par peser sur le citoyen, nous dit-on ? Oui, si les capacités de production humaines et matérielles étaient déjà pleinement utilisées et s’il n’était donc pas envisageable que les nouvelles liquidités aillent s’investir dans la production. Malheureusement, le niveau de chômage et la sous-utilisation importante (20 à 30 %) des équipements productifs dans les grands secteurs industriels en Europe sont tels que le risque inflationniste est nul, sauf sur les marchés financiers pour le prix des actifs financiers repartis à la hausse.

Le coup de force de la BCE contre la Grèce est donc la répétition de ceux employés naguère contre l’Irlande et Chypre: l’austérité coûte que coûte sinon l’asphyxie monétaire. Mourir de faim ou mourir étouffé. >>

 

Henri Vario-Nouioua



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