Wallas, lorsqu’il arriva à Dakar, m’a confié qu’il ne savait même plus ce qu’il aimait. «Ferme la et prends une bière» lui rétorquais-je. «Oui, après tout j’aime la bière, mais je ne sais plus pourquoi.» répondit-il avant d’aller se coucher. Son ombre n’avait plus ce charisme fascinant des hommes à cape. Non, de cela ne restait plus que son chapeau à la teinte presque orange. Ce même couvre-chef qu’il protégeait plus que tout le reste. Il disait que c’était un cadeau qui le protégeait des trous qui pleuvent. Affalé sous le ventilateur, je m’assoupis. Les moustiques me piquaient. Peut-être pour me faire signe d’aller au pieu, sous la moustiquaire. Le lendemain, nous nous retrouvâmes au break de midi. Assis à notre table, tout en mangeant son sandwich, il me lança: «C’est la crise. Je suis ce que j’aime alors que je devrais aimer ce que je suis.» Cette fois, la bière n’allait pas marcher. Son chapeau non plus. Il parla de son boulot qu’il prétendait ingérer comme le pire des tors boyaux à base de matière fécale qu’il ait connu. Je lui dis que c’était évident. Qu’il fallait tout changer: voiture, maison, chapeaux et, surtout, le job. «Reparle comme ça de mon chapeau et je te refais la tronche avec tes bières.» Un sourire parcourut mon visage. Je compris qu’il aimait de nouveau ce qu’il était, ce qu’il serait toujours. Vers 17h, à la sortie des bureaux, il me révéla que tous les gens avaient une partie trou et une partie ovale dans leur âme. Mais qu’ici, il n’avait jamais vu d’aussi gros trous. Peut-être à cause de la faim qui circule. En entendant cela, je me dis: «Ne suis-je qu’un trou de plus pour cette ville?» Je me décidai à porter un chapeau. Le mien était d’un jaune que je n’avais jamais vu jusqu’alors et il m’inspirait la vie.